Jusqu'où Emmanuel Macron sera-t-il de droite ?
- André Touboul
- 25 juil. 2017
- 4 min de lecture

Les politiques de droite n'ont pas marché, celles de gauche ont échoué, elles étaient donc mauvaises. Il est saugrenu de penser qu'en les menant "en même temps" on aurait quelque chance de réussite. En toute logique, en additionnant les défauts on obtient encore plus de négatif. Avec un optimisme béat, on pourrait supposer qu'il s'agit de parvenir à la politique parfaite, en conjuguant les vertus qui n'ont pas abouti des unes et des autres. Tel serait l'effet miraculeux du remplacement de l'alternance par de la concomitance.
La réalité est autre, car l'alternance est un mythe. N'a-t-on pas non sans raison taxé la Droite de faire une politique de gauche et la Gauche n'a-t-elle pas connu l' accusation inverse ?
"Ni de droite, ni de gauche, bien au contraire", depuis des décennies, nos élites ambidextres combinent des mesures contradictoires avec les résultats que l'on sait. Entendre dire que la France a fait le choix du chômage de masse ne les trouble pas, ils sont pour la plupart garantis d'un emploi à vie, non par leurs compétences mais par la loi.
Que penser dès lors du macronisme qui a fondé sa victoire électorale sur le "en même temps" ? On ne peut se résoudre à croire qu'il s'agit de la promesse du même potage tiède, seulement servi par d'autres mains et comme précédemment voué à l'échec.
De fait, si Emmanuel Macron se veut compatible avec la droite et la gauche, il ne les pratique pas simultanément. En ce sens, il est nouveau, en cela il heurte l'hyper-élite dont il est la quintessence.
En politique, il a d'abord fait partie de la gauche, qu'il a embrassée, mais c'était pour mieux l'étouffer. Après avoir doublé à droite Manuel Vals, il est désormais de droite, et même au delà de la droite molle incarnée par Alain Juppé dont certains l'ont cru un acceptable substitut. Il se veut un chef de l'Etat jupitérien, chef des armées, homme providentiel à la limite du culte de la personnalité. L'art du contre-pied est son arme de prédilection. Les occasions de le constater sont multiples, l'une d'elles est la manière dont il a traité Donald Trump, que l'on attendait pris de front et qu'il a séduit par son amitié.
En économie, il s'est voulu artisan du hollandisme, mais désormais il désavoue un gouvernement dont le classicisme fade et oublieux des promesses fiscales de campagne ne pouvait que décevoir.
Quant à la vie sociale, il était attendu à gauche, et pour l'heure il inquiète jusqu'aux États Unis par sa décision d'inscrire des éléments de l'état d'urgence dans la loi ordinaire. Certes ce sera sous le contrôle du juge, mais du juge administratif, cette exception française qui permet à l'Administration de se juger elle-même.
Loin d'être Janus, qui regarde simultanément dans deux directions opposées, il est César, un conquérant pragmatique, sautant par dessus tous les Rubicons que l'on disait infranchissables. Impossible n'est pas dans le vocabulaire macronien.
La question que l'on se pose est de savoir jusqu'où il poussera la transgression droitière, et jusqu'à quand sur cette voie il sera suivi par la garde prétorienne qui l'a porté au pouvoir. L'hyper-élite issue du groupe Bilderberg, du Siècle, des Gracques, de Terra Nova, de l'Institut Aspen France, et aussi de son corps d'origine, l'Inspection des Finances, n'est pas composée de godillots. Protégée par le paravent des élus, elle détient le réel pouvoir depuis plus de trente ans. Elle a ses codes de conduite, ses tabous bien pensants et ses éléments de langage. Ne se reconnaissant pas de chef, ses membres se meuvent avec le bel ensemble d'un banc de poissons. Cette redoutable cohorte, qui voyait Hollande comme un pion à sacrifier et son successeur en cavalier plus qu'en roi, et qui contrôle de fait nombre de médias, a mal vécu le rétropédalage imposé en plein Tour de France à Edouard Philippe.
L'intendance suivra, disait le Général de Gaulle. Avec la victoire d'Emmanuel Macron les intendants ont cru prendre le pouvoir. Ils ont pour cela éliminé, par une stratégie menée de longue main, les élus politiques dont ils ont convaincu le bon peuple qu'ils étaient tous pourris, malhonnêtes et incompétents. Ils les ont remplacés par des éléments qu'ils espèrent plus dociles. Le salaire attendu de cette Saint-Barthélemy électorale est la poursuite des avantages dont ils jouissent. Cela ne s'est pas fait sans risque et en premier lieu l'interdiction de l'échec dont le spectre fait craindre une alternance extrémiste. Un autre danger est que la revendication de standards moraux élevés, qui sont trop éloignés des mœurs latines, prépare des lendemains qui chantent faux à ces nouveaux maîtres, désormais en première ligne.
L'angoisse de perdre le contrôle, et la peur panique de la rue qui les habitent ne peut que les conduire à la tentation de mettre sous tutelle l'audacieux monarque Macron qui déjà a commis l'imprudence de prendre le monde médiatique de haut. Quelques signes d'agacement sont perceptibles. Emmanuel Macron n'est plus l'icône intouchable que l'on a donné à vénérer aux Français. On relève ses discours creux, ses impairs à propos des comoriens, de ceux qui ne sont rien ou encore des femmes africaines. On lui reproche aussi la suppression de l'interview du 14 juillet qui le soustrait à l'impertinence de la Presse et ses questions embarrassantes.
Tout n'est pas injustifié dans ces critiques. Il reste que, de fait, le brusque retournement du discours médiatique montre que le charme est rompu.
Plus significative encore apparaît la résistance qui s'organise face aux coupes budgétaires décidées par l'Elysée. Elle met en avant le financement de l'armée chère au cœur des Français. Elle s'appuie sur certains députés de La République En Marche qui manifestent leur réserves. On peut aussi s'interroger sur l'exploitation des propos abrupts mais confidentiels du chef d'Etat Major de la Grande Muette sur lesquels Emmanuel Macron aurait sur-réagi.
Le Président reste protégé par une popularité entretenue par son image aujourd'hui dégauchisée car elle correspond au désir de droite d'une majorité de Français. Mais l'opinion est volatile, sa faveur ne protège jamais très longtemps. S'il ne rentre pas dans le rang du "en même temps" de gauche , la seule question sera de savoir quand se produiront les Ides de mars, cette date où Jules César fut trahi par ses amis les plus proches. L'automne, sinon l'été, pourrait être meurtrier.