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Évoquer la haine populaire et l’élite d’Etat, nommer le mal, c’est déjà le combattre

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 16 juil. 2020
  • 3 min de lecture

Avec ce qui en d’autres temps aurait passé pour de l’impertinence, la journaliste Léa Salamé, demande un certain 14 juillet 2020, au Président comment il explique la haine dont il est l’objet.


Question saugrenue. Tous les présidents de la Vème République ont été haïs. De Gaulle, d’abord, exécré jusqu’à l’attentat, Giscard aussi pour ses diamants, Mitterrand que ceux qui le détestaient appelaient Mit-tran ; Chirac, super-menteur ; Sarkozy, le bling-bling qu’un « pauvre con » accusa de le salir, Hollande, qui pleurnicha « j’étais à deux doigts d’être aimé », comme si c’était là le but ultime d’une présidence. Seul Pompidou n’a pas eu le temps de se faire honnir, la maladie l’a prématurément soustrait à la haine de ses compatriotes ; on ne retient de lui qu’il voulait que l’on cesse « d’emmerder les Français ».


Mais les autres Présidents aussi, quand ils s’éloignent du pouvoir, ne cristallisent plus la vindicte populaire. S’ils meurent, on en fait des icônes. A croire que les Français seraient heureux d’être gouvernés par un monarque défunt. Vive le roi, mais mort.


La particularité, cependant, des sentiments que déchaîne Emmanuel Macron est qu’ils s’expriment dans une France exaspérée. Le pays n’en peut plus d’un État incompétent et omniprésent, hors de prix et hautain, brutal quand il ne faut pas et démissionnaire si l'on a besoin de sécurité.


Ce sont tous les représentants de l’autorité qui trinquent, jusqu’au chauffeur de bus ou la gendarmette. Cela n’a pas commencé avec Macron, mais s’est étendu. Il y avait des zones perdues de non droit, où les pompiers eux-mêmes ne peuvent intervenir, elles ont déteint sur des territoires entiers d’irrespect qui, des ronds-points, ont gagné les centres ville.


Les temps sont difficiles, et contrairement à ce que l’on prétend, ils le sont encore plus dans les centres urbains où la vie est âpre. Certes, on y gagne plus d’argent, mais tout y est plus rude et plus cher. On n’y est pas abandonné, on y est définitivement seul. On n’y compte plus sur l’Etat providence, on sait qu’il est moribond.


En se promenant avec son épouse dans le jardin des Tuileries après le défilé du 14 juillet, Emmanuel Macron savait qu’il prenait le risque de se faire alpaguer par certains de ceux qui le haïssent vêtus de gilets jaunes, car pour eux, « l’Etat, c’est lui ». Il ne s’est pas dérobé, et répondant à l’imbécile qui lui lançait « vous êtes mon employé ! », il a répliqué « on est un jour férié ».


Le talent et le courage sont des qualités que l’on ne peut, de bonne foi, dénier à Emmanuel Macron.


La contrition, à laquelle il se soumet volontiers, est une esquive d’escrimeur. Il fait profil bas, semble baisser la garde, mais déclare « changer de chemin, pas de projet ». A bon entendeur !


Une de ses remarques n’a suscité aucune question. Elle était pourtant centrale. « La crise d'un modèle méritocratique républicain qui est pour moi, presque le plus important de nos problèmes, au fond », a-t-il déclaré. Cela méritait une demande de développement. Elle n’a pas eu lieu, et les médias l’ont ensuite escamotée, le fond ne les intéresse pas. Pour le Président « le plus important de nos problèmes » est notre élite ; il n’est pas le premier à en être convaincu, on sait que Sarkozy partageait en privé ce point de vue, mais Macron le dit et le répète dans ses discours officiels.


Certes, quand il a été question de Castex, un autre énarque, Macron a répliqué qu’il n’était « pas que cela », et que « l’ENA ça reste une école de la République et on passe des concours pour l’obtenir »... Mais il s’est bien gardé d’en parler comme l’on fait trop souvent comme garantie de l’excellence. Il est des défenses molles qui valent des condamnations.


Si Macron polarise l’agressivité plus que ses prédécesseurs, c’est que la méritocratie ne le défend pas et que, donc, il est seul. Cette solitude tient à ce qu’il s’en prend au cœur du système, à l’Etat profond, au pouvoir invisible de l’élite d’Etat. Il avance à pas comptés, mais, au moins, il nomme le problème. Le corps médical le dit souvent, quand on a donné un nom à une maladie, on est déjà sur le chemin de la guérison.


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