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Le voudrait-on, l’on ne peut plus être de gauche, aujourd’hui

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 25 août 2020
  • 3 min de lecture

A l’orèe de ce siècle on parlait encore avec une pointe de respect d’un « homme de gauche », il était confortable de se dire « de gauche », on ne pouvait se sentir un honnête homme si l’on était pas « de gauche », et l’on se grandissait en s’intitulant « patron de gauche ». Du haut de sa supériorité morale, la gauche française toisait la société entière. Détentrice des vérités, elle donnait des leçons au monde, urbi et orbi.


Infaillible, elle méprisait ceux qui osaient se murmurer « de droite »; ils étaient suspects d’être des ennemis du peuple et devaient sans cesse donner des gages pour s’en disculper. La droite était, disait-on, complexée.


Quant à ceux qui se déclaraient centristes, ils marchaient le long du précipice de l’erreur morale, le moindre faux pas les condamnait. On lisait Le Monde, et l’on y trouvait l’évangile en trois parties. Même les chrétiens se disaient de gauche.


Ce temps paraît désormais révolu.


Montesquieu demandait avec malice :« comment peut-on être Persan ? » ; aujourd’hui, l'on ne peut que s’interroger : « comment peut-on être de gauche ? ».


La gauche ? « Un grand cadavre à la renverse, où les vers se sont mis », c’est ainsi que Sartre la qualifiait dans les années 60. La formule fut reprise par Bernard-Henri Lévy en 2007, mais pour des raisons inverses. Il ne s’agissait plus, pour le philosophe au décolleté très tendance, de crucifier la pourriture anti-communiste, mais, à l’inverse, de consacrer la fin de l’idéologie marxiste ; en espérant refonder la gauche, comme si celle-ci pouvait survivre à la fin de son guide spirituel.


Le vingtième siècle a été celui de l’apothéose du marxisme solidement assis sur une pensée dialectique qui avait permis aussi l’éclosion du darwinisme et dans une certaine mesure de la théorie freudienne. Sa victoire fut totale sur les utopies sociales, qui en France fleurissaient en donnant l’illusion de la possibilité d’un socialisme véritablement humain. Ce fut évidement le marxisme bureaucratique qui fort de son idéologie du conflit prévalut.


Dépourvue de l'ossature dialectique, la gauche française avait perdu la partie, et n’était plus qu’un communisme mou. Sans s’en rendre compte, elle s’était vidée de son sens humaniste pour ne plus jurer que par les vertus du collectif. Sa place, au cœur de l’Etat, lui donnait encore l’illusion de sa légitimité. En fait, elle continuait à bouger, comme un poulet décapité, sans but, sans cohérence. Inévitablement, elle a conduit le pays d’échec en échec, et le peuple a fini par s’en rendre compte.


Le constat de décès est, aujourd’hui, inévitable. L’âme s’est séparée du corps. La gauche a divorcé d’elle-même. Elle était humaniste, elle est devenue antisémite. Elle était universaliste, elle est devenue communautariste.

Elle défendait les minorités opprimées, elle s'avilit en mendiant des voix, et fait le trottoir, se rangeant du côté des minorités les moins minoritaires, et les plus menaçantes.

Même Le Monde, son ancien bréviaire, est pour elle une lecture incertaine, elle préfère manger dans la poubelle de Médiapart.

Elle était laïque, elle se veut anti-islamophobe.

Elle était courageuse, elle est maintenant couarde.

Elle défendait la liberté, elle est désormais bureaucratique.

Elle promettait les progrès de lendemains radieux, elle ne sait plus que défendre les droits acquis.

Elle était pour l’éducation, elle a des complaisances coupables avec la pédophilie.

Elle croyait en la loi qui libère, elle s’engage farouchement pour les lois qui contraignent.

Elle comptait sur l’alternance pour, comme le géant Antée revivait en touchant le sol, reprendre des forces en s’opposant à la droite. Son ennemi l’a trahie, en adoptant ses fausses évidences et en abandonnant son propre bon sens. Ainsi, dans la succession des majorités, on a déplacé la poussière, pour, en fin de compte, la repousser sous le tapis.

La gauche était l’espoir, elle en est réduite à se réinventer, c’est dire à quel point elle se sent dépassée.

La gauche n’a plus rien à dire. Aujourd’hui, le catéchisme est écologiste. Les interdits, les indiscutables, sont environnementaux. Et tant pis si les préceptes écolos se contredisent ou relèvent d’un délire fanatique.

Comme un bateau ivre elle espère le sauvetage en s’alliant à des écologistes, qui la plumeront de son électorat.


Non, décidément, le voudrait-on, l’on ne peut plus être de gauche, aujourd’hui.




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