Étienne Gernelle, victime de la pensée people
- André Touboul
- 5 sept. 2020
- 2 min de lecture

Directeur du périodique LE POINT, Étienne Gernelle, doit être salué pour la lucidité de nombre de ses analyses, et prises de positions qui le démarquent de la pensée correcte que l’on devrait plus exactement qualifier de conformiste. Néanmoins, sur une question capitale, il semble qu’il n’ait pas tout compris.
Il suggère, dans un article du Point du 3 septembre 2020, de faire appel à l’Inspection des Finances pour s’assurer que les concours publics du fonds de relance parviennent au bon endroit. Autant demander au loup de faire le travail du chien de berger.
Depuis des décennies ces Messieurs de la Haute chouchoutent les entreprises amies, c’est à dire les grandes, celles où ils pourront éventuellement trouver des postes d’atterrissage ; celles qui sont dirigées par leurs anciens collègues ; celles qui font partie du carnet de bal du tout Paris de la finance et des affaires.
Demander à ces gens-là de veiller à ce que les PME-PMI, voire pis les TPE, soient secourues est une absurdité, et une méconnaissance totale du paysage administratif français.
Cela n'a rien de surprenant. Il subsiste encore aujourd'hui dans le monde des médias une invisibilité de l'élite d'Etat. On sait qu'ils sont là, mais comme on ne connaît pas leurs noms, tout se passe comme s'ils n'existaient pas. Gageons qu'Etienne Gernelle ne peut pas citer nommément plus de sept inspecteurs des finances, alors que si l'on demande le nom des acteurs qui ont interprété les "7 Mercenaires", dans la version américaine, bien entendu, il ne lui en manquera aucun.
Le phénomène est caractéristique d'une incapacité du monde médiatique, ceux que Raymond Barre appelait le microcosme, à penser hors des catégories de l'actualité. On peut appeler cela la "pensée people". Ce ne sont pas des œillères, mais la conséquence du fait que l'élite d'Etat se garde bien de s'exposer aux feux de l'événement.
Seuls sont vulnérables ceux qui s'aventurent sur le champ politique. Ces imprudents ne tardent pas à passer dans l'essoreuse médiatique. Mais ce n'est jamais pour des motifs liés à leur fonction.
On sait, par exemple, que c'est Jérôme Salomon qui est responsable de la pénurie de masques. Ses pairs ont fait bloc. Il est toujours en place. Bien plus, on peut lire sur Wikipédia qu'il prétend avoir averti en septembre 2016 Emmanuel Macron, dans une note confidentielle sur le manque de préparation du pays aux catastrophes, dont les épidémies. Cet exemple montre comment ces excellents serviteurs de l'Etat savent se couvrir. Mais aussi, cela illustre le concours qu'un haut fonctionnaire avoue avoir apporté à un candidat... l'a-t-il fait pour les autres ? Rappelons qu'à la date concernée, François Hollande n'avait toujours pas pris la décision de renoncer.
*
Comments