A ce train, ils vont béatifier Zemmour !
- André Touboul
- 20 oct. 2021
- 3 min de lecture

Au nom de la morale, Le Pen avait été excommunié, et, pour tout dire, il n’y avait aucun mal à diaboliser le Diable. Mais à force de crachats et d’insultes, les pères la vertu de l'arène politique sont en passe de béatifier Zemmour. Tel Saint Sébastien percé de flèches, mais inébranlable dans sa foi, Le quasi-candidat fait figure de martyr, supplicié pour la défense de ses convictions, au nom de son amour de la France.
Ceux qui l'assimilent à Le Pen se trompent, c’est la haine du Juif qui était le moteur de l’ami de Dieudonné Mbala Mbala, alors que c’est l’amour de sa France qui pousse Zemmour. Ceux qui le comparent à Trump ont aussi tort, il n’a rien du butor américain, même s'il en adopte quelques postures de combat. Quant à sa critique véhémente des journalistes, il peut faire penser à Mitterrand qui lors des obsèques de Bérégovoy les qualifiait de chiens auxquels on jette l'honneur d'un homme.
Les uns et les autres, sans doute les mêmes, devraient se demander pourquoi plus de 55 % des les lecteurs du Point déclarent aujourd’hui qu’ils voteront Zemmour, s’il se présente. Il est probable que sa France ressemble plus à la leur qu’à celle des jeteurs d’anathèmes.
Ont-ils oublié sa défense de Pétain ? Certes pas, mais cela ne maltraite que l’histoire, et cela vaut autant que la déclaration de Macron sur la « colonisation, crime contre l’humanité ». Que celui qui n’a jamais dit de sottise jette la première pierre.
Il y a quelque chose du dissident de la place Tian’anmen face aux colones de chars dans la silhouette frêle de Zemmour faisant front au gros de la foule des médiâtres prêts à la curée, au moindre signe de faiblesse dans son soutien populaire.
Il serait temps de traiter le phénomène Zemmour pour ce qu'il est, c'est à dire comme révélateur d’une carence de notre système politico-médiatique, qui vit sur une planète qui n’existe pas et ne veut pas entendre parler de la vraie. Et pour cause, les problèmes qu’il faut y affronter sont si peu agréables. Certes Zemmour fait des vagues, mais justement le « pas de vagues » a atteint et dépassé son seuil tolérable.
Cependant, on ne plaindra pas Zemmour, car, lui-même a la dent dure, mais surtout les temps sont à l’invective. François Hollande, à son accoutumée si placide, sort la sulfateuse dans un livre titré avec humour Affronter, lui qui s'est éclipsé en 2017 du champ de bataille par une porte dérobée. Très en verve, il y compare Montebourg à un Zorro mué en zozo, Mélenchon en poulpe jeteur d'encre, et Macron en grenouille qui va sautant d'un nénuphar à l'autre.
Les deux journalistes Davet et Lhomme qui avaient poignardé le "capitaine le pédalo" en publiant, avec son plein accord, Un Président ne devrait pas dire cela, au titre qui, si cruellement, fit mouche, sortent un nouveau livre : Le Traître et le néant. Cette fois, c’est Macron qui en fait les frais.
Dans le titre tout est dit. Mais quelle violence ! La traîtrise est une faute morale, il est insultant de l’imputer à qui que ce soit. Mais la liberté d’expression commande que l’on respecte leur droit à l’insulte, même si elle s’exerce aux dépens du chef de l’Etat. En effet, celui-ci est aussi, et « en même temps », candidat à sa propre succession ; par là, il s’expose aux jugements les plus crus.
Cette même liberté nous autorise des commentaires. On ne critiquera pas l’ouvrage sur le fond, bien qu’il enfonce des portes que d’autres, sans la même acrimonie, ont ouvertes avant eux ; la conquête du pouvoir n’étant jamais un concours de vertu, il est superfétatoire de s’en ébaudir et de crier à la traîtrise. Tous les prédécesseurs de l'actuel président ont été taxés de trahison.. Pompidou vis à vis de De Gaulle, Giscard a poignardé Chaban, Mitterrand s'est trahi lui-même, Chirac a joué contre Giscard, Sarkozy a déçu Chirac, et Hollande a trompé sa concubine. Quant au "néant", dénoncé par les deux journalistes, il était prévisible que Macron, général sans armée, aurait bien du mal à gagner des batailles.
La nouveauté du livre est sur la forme. Le binôme de tueurs souriants appointés par le journal Le Monde, sont devenus des polémistes, cercle réservé jusqu’ici par les médias à l’extrême droite, dont bien entendu Zemmour. Cette zemmourisation de ceux qui prétendaient exercer un magistère moral est révélatrice de l'évolution de la gauche qui enrage et ne considère plus Macron comme un des siens. Le Président en place n’étant pas mieux reconnu par la droite, on doit en déduire qu’il se situe au centre… c’est à dire nulle part. Un lieu, qui loin d'être celui du juste milieu, est celui de l'imprévisibilité. Les Français commencent à s’en rendre compte, gageons qu'il sera le dernier à s’en convaincre. Peut-être trop tard pour corriger le tir, car l'électeur ne craint rien plus que les surprises qu'il sait se révéler toujours mauvaises.
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