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A quoi sert Macron ?

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 4 déc. 2022
  • 5 min de lecture

Le rôle non écrit, mais essentiel, d’un Président dans la Vème République est d’assurer la résolution des problèmes majeurs auxquels se trouve confrontée la France, à un moment donné.


Charles de Gaulle a été appelé pour mettre fin à la guerre d’Algérie et sortir du guêpier de l’Empire. Il a procédé avec éclats à la première en reniant ses engagements vis-à-vis des Pieds noirs qu’il prétendit avoir compris. On dira ce que l’on voudra sur la manière dont le « rapatriement » s’est opéré, mais l’objectif de rompre avec une population musulmane qui pouvait submerger la métropole a été atteint. La France et les Algériens se sont quittés fâchés, ce qui était le but profond de l’opération pour que Colombey-les-Deux-Eglises, ne devienne pas Colombey-les-Deux-Mosquées. Cependant, l’intendance, c’est à dire l’économie, n’a pas suivi. Son besoin de main d’œuvre a pris le contrepied, et l’importation massive d’une population, rendue hostile, a créé les conditions d’une intégration difficile. Certains disent même qu’elle est impossible, à la différence de celle en provenance de la Tunisie et du Maroc qui n'ont pas eu le même parcours.


La sortie de l’Empire français, appelée aussi décolonisation, a été moins ratée. Voulue sur le modèle du Commonwealth britannique, elle a suscité une adhésion presque unanime. Son évolution est passée par la « France-Afrique ». Les liens se sont cependant distendus, peu à peu, mais rien d’irrémédiable n’a été commis. Cette tâche accomplie, De Gaulle était devenu inutile et même encombrant. Il représentait le monde d’avant. C’est de lui-même, sans nécessité, qu’il a défié le sort d’un référendum et s’en est allé sans y être contraint. La marque des grands.


Georges Pompidou était attendu par les Français pour cesser d’être « emmerdés » par des ambitions exagérées d’un Président, trop grand pour eux. Ils voulaient profiter de la paix, jouir de la vie et des commodités des arts ménagers. La société française restait cependant archaïque dans son organisation administrative. Les Français aspiraient à des services publics de qualité, et semblaient disposés à en payer le prix.


Valéry Giscard d’Estaing, polytechnicien, mais surtout énarque, a eu pour challenge d’opérer la transition de la France entre un pays, certes dynamique, mais sous-administré, et une nation moderne, sous la conduite d'un Etat financé par une fiscalité efficace. Hélas, la bureaucratie mise en place allait faire grossir l’Etat de manière disproportionnée jusqu’à devenir avec le temps oppressif et inefficace. Le traitement giscardien, nécessaire mais brutal, a provoqué un désir d’autre chose, et l’idée de l’alternance s’est installée.

François Mitterrand, à l’affût depuis des années, s’est saisi de l’occasion. Imitant De Gaulle qu’il avait tant combattu, il pactisait avec les Communistes. Sans hésitation, il se convertissait à ce qu’il avait appelé le « coup d’Etat permanent », et à la bombe atomique française, la « bombinette » qu’il condamnait dans l’opposition. Comme De Gaulle, il a assez vite rompu avec le Parti de Georges Marchais. Le rôle attendu d’un Président socialiste, à l’issue des Trente Glorieuses et de la période de stabilisation qui s’en suivit était de gérer une redistribution qui réconcilie le peuple avec son économie. Grâce à l’Administration promue par Giscard, la promesse a été tenue, et au-delà. Bien au-delà et trop, car le système a versé dans l’assistanat dont la sœur siamoise, la surimposition a paralysé les forces vives du pays. Les nationalisations idéologiques n’ont rien arrangé. Dans la cohabitation qui replaçait le pouvoir entre les mains du Parlement, sans permettre une vraie alternance, Mitterrand promettait de ne pas rester inerte pour sauvegarder les acquis sociaux. De fait, dans cette confrontation, c’est l’Administration qui a exercé le pouvoir réel, et a continué à faire engraisser le mammouth étatique.


C’est pour sortir de cette marche vers le Tout-Etat que Jacques Chirac, se présentant comme candidat de droite, a été élu en 1995. Ce fut le début de la fin de la République des Présidents missionnaires. Encore la cohabitation. Avec pour fausse solution le quinquennat. Mais toujours l’immobilisme. Chirac, roi fainéant, a amusé la galerie avec des gadgets dont certains se sont révélés toxiques comme le principe de précaution à la française, prohibant toute initiative même en l’absence de dommage effectif. On a glorifié le refus de participer à la seconde guerre d’Irak, mais surtout parce que c’était faire la nique aux Américains. Le bénéfice pour la France aura été nul. Il ne suffit pas d’avoir raison pour en tirer avantage.


La mission de rupture de Nicolas Sarkozy était de réveiller le pays. Il s’est beaucoup agité personnellement, mais avec fort peu d’effet d’entraînement, car la France restait bloquée par une élite d’Etat qui ne voulait rien changer. Sarkozy a ainsi été tourné en ridicule, et mis au pas, c'est-à-dire condamné à ne rien faire.


François Hollande, fils du hasard politique de la disqualification surprise de DSK, a été intronisé comme un sous-Mitterrand, promettant de faire payer les riches, et de continuer à redistribuer, comme si cela pouvait éviter aux Français l’effort de se mettre au travail et constituer une méthode durable de gouvernement. Ayant lui-même convenu de son inutilité, il ne se représenta pas.


Alors vint Emmanuel Macron. Comme les autres, il promit le changement. Il brandit son livre « Révolution ». Ce que les Français attendaient de Macron est qu’il rompe avec la gauche qui faisait une politique de droite et la droite qui en pratiquait de gauche, donc mentaient tout le temps. Le « en même temps » de Macron était clair et paraissait honnête.


La mission impossible qu’il acceptait était l’adaptation à la mondialisation d’un pays paralysé par une Administration excessive, et très en retard sur les réformes structurelles indispensables dans un monde en évolution ultra rapide.


Le premier volet qui consistait à réformer l’Etat par le haut, en cassant le monopole de la haute Administration, a été promis, décidé et entrepris. De ce point de vue, Macron aura rempli son contrat. Quand aux réformes structurelles, il a peu fait, mais assez pour que la courbe du chômage enfin s’inverse.


Alors à quoi sert désormais Emmanuel Macron ? Il faut être à ce sujet réaliste. Une fois bouclée la réforme des retraites, il ne servira plus à rien. Il y a d'ailleurs bien du temps que l'on entend dire qu'il n'est qu'un pis-aller.


On croit que les citoyens récompensent les élus qui les ont bien servis. C’est faux. Les politiques sont comme des Kleenex que l’on jette après usage. Cette réalité peut paraître cruelle, elle est néanmoins permanente et sage. En effet, le chef d’Etat qui n’a plus de mission ne peut que faire des choses inutiles, voire nuisibles.


Pour l'heure, l'éthique du pouvoir voudrait que le Président prépare sa succession. On ne voit rien de tel, et d'ailleurs ce serait "compliqué", comme l'on dit pour dire impossible puisque celui-ci n'est pas français. En effet, le macronisme se résume à la personne de Macron qui serait bien en peine de trouver un dauphin à adouber, à supposer qu'il s'en avise.


Si Emmanuel Macron avait la stature d’un De Gaulle qui disait « après moi ce ne sera pas le vide, mais le trop plein », il songerait sérieusement à se retirer. Le panache voudrait qu’il sollicite des Français, par référendum, une nouvelle mission sacrée. Encore faudrait-il qu’il sache à laquelle ils aspirent et dont lui-même se sentirait capable.


Parmi les grandes questions qui gouvernent le futur de la France, il y a au premier rang celle de son identité. Rien n'est immuable, mais il est des changements voulus et d'autres pas. Il est clair qu'un peuple, pour faire nation, c'est-à-dire être plus qu'une population occupant un territoire, doit avoir le désir d'une vie en commun. Les ferments de discorde sont nombreux, ils sont cultivés par ceux qui attisent le ressentiment des minorités et des minorisés. Le remplacement, observé par Houellebecq, Onfray ou Zemour, qu'il soit grand ou petit, n'est pas accepté par les Français. La mission première, sinon essentielle, d'un Président sera de recoudre la France divisée. Non pas en un pays uniformisé, mais en une nation fière d'elle-même, de son passé, de ses enfants et qui n'accepte pas que l'on insulte son avenir. A rebours donc de la repentance, de la culpabilisation, et du défaitisme.


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