Ainsi parla Macron le 24 Novembre, en l’an de disgrâce 2020
- André Touboul
- 26 nov. 2020
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De toutes parts, on s’interrogeait. Macron, le monarque élu, allait parler. Il a parlé, à l'heure dite, mais pour ne rien dire, car on savait déjà pratiquement tout ce qu’il annonçait.
En nous apprenant ce que nous savions déjà, le Président donna le sentiment de réciter une leçon écrite par d’autres. On avait beau avoir entendu dire que lui seul avait arbitré la guerre picrocholine entre les Grosboutistes-sanitairiens et Petitboutistes tenants des cordons de la royale bourse, les choix paraissaient, selon ses dires, terriblement contraints par le spectre de la troisième vague.
C’est ainsi, la crainte, la plus mauvaise conseillère qui soit, qui parait avoir déterminé les décisions présidentielles. Comme toujours, ceux qui confectionnent les dossiers ont exercé le pouvoir. N'avaient-ils pas manipulé le Président en lui faisant déclarer lors de sa précédente allocution que "quoi que l’on fasse", il y aurait "9.000 personnes en réanimation, à mi novembre", alors qu’il n’y en eut pas même la moitié ?
Un mot d'explication était nécessaire. Emmanuel Macron n’a pas évoqué ce point, pourtant capital, car il montre, à l'évidence, que sa décision antérieure avait été prise sur le fondement de prévisions fausses. Ce n’est pas l’incertitude des projections qui doit être incriminée, car les données étaient connues, l’entrée en réanimation dépendant des contaminations pendant les semaines antérieures C’est réellement sur des éléments volontairement erronés que l’on a reconfiné. En effet, les experts et autorités médicales qui conseillent l’Elysée ne sont pas incompétentes à ce point, et si elles ont dramatisé les prévisions, c'est sciemment, en raison de leur conviction qu’il faut effrayer le patient pour qu’il suive le remède.
Le Président croyait annoncer de bonnes nouvelles, comme pour le déconfinement du 11 mai. Il a énoncé un calendrier assez décevant, étrangement rebaptisé « un cap ». Abus de langage. Le « cap » aurait été non pas de nous répéter "quoi qu’il en coûte ", mais de dire vers quelles conséquences économiques nous allions, car, s'il est une évidence, c'est que nous voguons à la fois vers Charybde et Scylla. Il aurait été plus honnête de dire aux Français "quoi qu’il vous en coûte", car les milliards évaporés pendant la crise ne sortiront pas des poches de M. Macron, ni des hauts fonctionnaires, ni d’ailleurs des petits, les privilégiés du régime dont le train de vie n'est pas menacé. Ce seront les classes laborieuses qui devront faire face. Par la perte de leurs emplois, de leurs revenus, de leurs entreprises et ceux qui en réchapperont auront à rembourser la dette. Celui qui nous avait convaincus qu’il n’y a pas d’argent magique, nous devait de tracer une perspective. En s'arrêtant à distribuer des promesses d'indemnisation, le Président ne semble pas prévoir la suite et nous entrainer vers des terres inconnues. Après le covid, le déluge. On sait que “quoi que l’on fasse”, il y aura des faillites et des suicides. Certes, ils n’encombreront pas les hopitaux, et de ce fait n’intéressent pas les autorités de santé.
Donner des dates de libération progressive pour certaines activités, encore que leur maintient soit soumis au caprice du virus, était du niveau du Premier Ministre, qui, ayant les mains dans le cambouis, pouvait se charger d’exposer ce déconfinement progressif. nul n'aurait songé à lui reprocher sa prudence.
La seule annonce qui devait être faite par le Président est peut-être celle-ci : "je ne rendrais pas la vaccination obligatoire". L’emploi du « Je », qui ne figure nulle part ailleurs dans son discours, montre qu’il a personnellement décidé d’une stratégie pour vaincre les antivaccins. Ne pas les défier, mais les contourner. De fait, ce sera la société qui exigera la vaccination : pour voyager, pour avoir accès à certains lieux. Ce fut là le seul moment où Emmanuel Macron parla à hauteur de présidence.
En revanche, le Président n’y a pas pris garde, mais il a aussi annoncé, en passant, une très très mauvaise nouvelle : la pantomime des attestations continuait. Cette modalité d’application des restrictions des libertés, spécifiquement française, n'allait pas de soi, elle ne pouvait être évoquée par le Président sans justification. En ne la fournissant pas, il a cessé de se montrer un guide raisonnable, pour devenir un bureaucrate tatillon qui ne fait pas confiance aux Français, tout en contraste avec les satisfécits assez convenus qu’il leur prodiguait par ailleurs dans son propos.
L’affaire des attestations de sortie est plus importante que l’on pourrait croire dans les soupentes de l'Hôtel Matignon. Elle relève d’une conception des relations entre la noblesse d’Etat qui est supposée éclairée et le peuple des manants qui n’obéissent que sous le menace. Oignez vilain, il vous poindra ; poignez vilain, il vous oindra, disait-on sous l’Ancien Régime. Cette vexation restera longtemps dans les esprits. Si, en outre, le Président avait voulu fâcher définitivement les Français avec leur police, il n’aurait pu trouver mieux, au moment où son Ministre de l’intérieur s’évertue à réconforter les forces de l’ordre, et s’embourbe dans le piège de l’évacuation manu militari des afghans de la Place de la République.
Somme toute, Emmanuel Macron est resté au ras des pâquerettes. Il n’a pas pris, sauf un instant pour la vaccination, de hauteur présidentielle. On objectera que sa stratégie le sert, puisque sa popularité augmente. Mais, outre le fait que ce regain d'affection est bien plus modeste que pour les autres dirigeants en Europe, nous savons ce que valent les sondages qui suivent la courbe de la soumission du Président aux vues de l’Etat profond, principale source de revenus des Instituts d'écoute de l'opinion. Une preuve de l‘impuissance du Président face à l’Administration s’illustre dans l’affaire de la jauge stupide de trente personnes pour les lieux de culte, à propos de laquelle le représentant de l’Eglise a pu mettre en doute la fiabilité de la parole d’Emmanuel Macron.
On aurait apprécié que le Président nous parle de l’état de la recherche. Mais apparemment, pour lui aussi, le virus a ses raisons que la raison ignore. Certes les officiants médiatiques étiquetés scientifiques l’affirment péremptoirement : « on sait maintenant que... » . Mais si l’on examine attentivement les études sur lesquelles ils déclarent fonder leur savoir, on hallucine, car leurs extrapolations sont pour le moins hasardeuses. Depuis dix mois la France est plongée dans une épreuve sanitaire qui nous dit-on est sans précédent. Les études que brandissent les médias sont pratiquement toutes étrangères et d’une pertinence discutable.
Quelles recherches les 31 637 chercheurs du CNRS, dont le budget dépasse les 3,4 milliards d’euros ont-ils réalisées ?Apparemment aucune qui mérite d’être citée. Rien sur le mode de propagation du virus n’est sorti de leurs augustes mais inutiles bouches. Quelles études ont-ils réalisées sur la situation particulière de la France, et les conditions spécifiques à chaque région ? De toute évidence aucune. Ceci est regrettable, car il parait clair, même au Béotien, que, selon les modes de vie, la propagation du virus est très différente.
Emmanuel Macron aurait, enfin, pu éclairer les Français sur la logique qui a motivé le choix de la limitation des déplacements à 20 km du domicile sur l’ ensemble du territoire, et justifier pourquoi elle n’a pas été modulée, car cette distance n’a pas la même signification partout. En Île de France ou en Corrèze les kilomètres n’ont pas la même longueur. Pourquoi 3 heures*, mystère ? Encore une fois, les bureaux parisiens ont pris des mesures générales qui s’ajoutent aux autres curiosités qui font désigner Paris par des éditoriaux étrangers moqueurs comme la capitale de l’Absurdistan.
En fin de compte, Emmanuel Macron a déçu, moins par ses annonces que par ce qu'il na pas dit, et que l'on aurait bien aimé savoir.
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* Pour la règle des trois heures, il suffit de se munir de plusieurs attestations convenablement remplies. Le comble de l'incompétence pour un bureaucrate est d'édicter une règle qu'il n'est pas en mesure de vérifier.
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