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Ajouter de l’obscurité à la nuit

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 9 oct. 2021
  • 4 min de lecture



Si l’on veut qualifier notre époque du point de vue du mode de pensée, on peut l’appeler l’ère des énigmes post-dialectiques.


La dialectique a été la manière dont au 20ème siècle on analysait et rendait compte de tous les événements et faits sociaux. Sa formulation la plus simple et connue de tous est l’interprétation de l’histoire selon le prisme de la lutte des classes.


La disparition du prolétariat qui suit celle du travail industriel, au profit d’une population d’employés a rendu sans objet cette vision des rapports sociaux, sans qu’un nouveau mode de pensée plus adapté au réel émerge de manière suffisamment claire pour être généralement partagé.


Ainsi les intellectuels, les politiques, les dirigeants et les médias se trouvent confrontés à des situations qui leur paraissent aussi énigmatiques que menaçantes. S’escrimant à tout interpréter à l’aide d’outils inadéquats car obsolètes, ils en sont réduits à tordre les faits. C’est une des raisons pour lesquelles les vérités alternatives sont nées. En effet, c’est dans les ratées de la parole officielle qui ne correspond plus au réel vécu que les réalités parallèles naissent et prospèrent. Dès lors que la population constate que les dirigeants et leurs portevoix sont dans le déni, la boite de Pandore est ouverte, et il ne s'en échappe rien de bon.


La pensée post-dialectique se cherche et ne trouve rien. Il ne reste aux élites que l’indignation, car elles ont été abandonnées par la rationalité, alors qu’au 20ème siècle elles en avaient le monopole incontesté.


Dépasser la lutte des classes n’est pas si simple. Avec humour, Alain Minc publie : Ma vie avec Marx, titre qui n’est pas sans rappeler le film de Soderbergh Ma vie avec Liberace. Une liaison clandestine et scandaleuse.


En Occident, on ne sait plus comment penser.


La philosophie allemande, passant de Leibniz, héritier des Grecs anciens, théoricien de la monade, à Hegel, père de la dialectique, a inauguré une ère de complexité poussée à l’extrême. Coupée de l’entendement commun, la philosophie est devenue un jeu pour vieux messieurs solitaires, souvent grincheux. Vainement, les successeurs de Heidegger, Husserl, Schopenhauer, Kierkegaard, ont creusé des sillons et planté des arbres dont aucun fruit n’a muri au-delà du siècle. Trop artificielle, trop peu dégagée de la dialectique et de son empilement des contraires, trop complexe, cette philosophie, n’avait aucun avenir. Malgré son vulgarisateur Jean-Paul Sartre (L’être et le néant, Le Diable et le Bon Dieu…), la philosophie germanique a vécu, sans prouver son utilité. Elle a au contraire démontré que sa vision du conflit pouvait conduire au moment le plus sanglant de l’histoire humaine.


Les philosophes qui ont marqué la fin du vingtième siècle en France (Lacan, Dérida, Ricœur, Foucault, etc…) ont fait preuve d’une virtuosité égale à leur absence d’empreinte sur la pensée de l’époque et sur celle d’aujourd’hui. Aucun n’a su dépasser la mécanique marxiste, ni proposer un modèle qui puisse être compris et utilisé dans le concret. Ils n’ont fait qu’ajouter de l’obscurité à la nuit.


Ainsi, l'on peut dire qu’ils ont échoué à faire de la philosophie autre chose qu’un jeu intellectuel de type casse-tête. De fait, ils ne sont compréhensibles que par des spécialistes, et par-là ne servent à rien. En effet, les philosophes ne créent pas la philosophie, ils la théorisent seulement, car celle-ci pour avoir une portée pratique doit préexister à l’état diffus dans les esprits de la population. En ce sens, la philosophie est l’affaire de tous.


On ressent le besoin de changer de philosophie quand les observations que l’on fait sur le monde tel qu’il va contredisent les préceptes de la philosophie existante. L'esprit se rebelle alors contre ce qu'il nomme pensée unique... ce qui signifie fausse.


La mondialisation a remplacé la logique du conflit par la nécessité de coopérer. Le nuage de Tchernobyl, l’évolution du climat ont démontré la convergence des intérêts et le dépassement d’une réalité qui ne se conçoit qu’à travers les contraires.


La pensée post-dialectique est marquée par la cohésion alors que la dialectique est l’antagonisme.


Dans la période présente, on a le sentiment que l’on retourne aux réflexes des années 30, mais ce n’est qu’une apparence et un moment dans une évolution longue.


Une apparence, car les conflits majeurs sont commerciaux et montrent plus d’interdépendance que de contradictions.


Ce temps est celui d'un rééquilibrage, pas d'une volte-face. Personne ne veut mettre fin à la mondialisation, ne serait-ce que pour sauver le climat. La planète est de plus en plus petite. Alors qui veut d’une guerre pour accaparer l’espace vital ? Personne aujourd’hui. Le danger existe, évidemment, mais les moyens de destruction réciproque sont tels que l’hypothèse est irréaliste.


Comme toujours, le mode de pensée précédent résiste, car les esprits, souvent les plus brillants, l’ont assimilé. Le confort est de s’agripper à l’analyse dialectique du monde, même si la réalité se rebiffe. On comprend alors pourquoi les l’élites et les médias en place ne sont plus en phase avec le réel, et perdent leur crédibilité. En s’agrippant au monde d’avant, ils créent cette distorsion. Ainsi, on brûle les livres aujourd'hui comme quand les observations et les faits sociaux ont montré les errements de la pensée moniste qui ramenait tout à l’Un (géocentrisme, monarchie, atomisme…etc…).


La culture woke exige d’être vigilant à toute oppression, et au besoin en invente. Ce n'est rien d'autre qu'un phénomène de résistance de la pensée dialectique qui s’exprime dans la lutte des classes, de l'opprimé contre l'oppresseur. Il n’est pas singulier que ce phénomène ait lieu outre-Atlantique, car, là-bas, on est friands de recyclages en tous genres, sans souci d’une véritable cohérence.



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