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Algérie, le cordon omblilical

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • il y a 3 heures
  • 3 min de lecture




Quelle manie les Barbaresques ont toujours eu de prendre des otages ! Rossini en fit un opéra, L’Italienne  en Alger,  Cervantes  qui fut captif également à Alger dut être racheté après quatre tentatives d’évasion,  Molière en fit un argument de sa comédie, Les fourberies de Scapin.


Boualem Sansal est otage du régime d’Alger. Mais qu’allait-il faire dans cette galère ? Demande Géronte à Scapin. Cette réplique célèbre convient à l’écrivain franco-algérien qui n’ignorait pas les intentions du régime algérien à son égard, elle n’enlève rien à son courage admirable, d’homme à l’esprit libre. Enfin un intellectuel qui assume les conséquences de ses propos. En l’espèce la dénonciation de la dictature d’Alger.


L’Etat algérien est une création récente. Conçue en 1954, lors du premier acte de rébellion, la nation algérienne est née en 1962 par le fait de l’indépendance accordée par la France. Quand le  Président Tebboune parle de 132 ans de colonisation, il fabule,  car la nation algérienne a été accouchée par la République française. Antérieurement, elle n’existait pas. Les ethnies berbères ( aujourd’hui 19 millions), kabyles ( 3 millions), bédouins (2 millions), et chaouias (1,7 millions), et en plus petit nombre les Touaregs et les Mozabites, ne parlaient pas la même langue et ne formaient pas nation, et encore moins Etat. Si les algériens se revendiquent arabes, ils ne le sont qu’au regard de l’usage de cette langue, car toutes les  ethnies qui peuplent l’Algérie existaient bien avant la conquête arabe.


Les Carthaginois, les Romains, les Arabes, les Turcs ont successivement contrôlé le Magreb, mais tous en se  limitant aux villes côtières pour la partie comprise entre la Tunisie et le Maroc.


Jamais, il n’y eut d’Etat sur ce qui est le territoire de l’Algérie actuelle. Le premier embryon d’État fut constitué dans le périmètre dit de la Régence turque par Abdelkader pour résister à la conquête française. Abdelkader, chef nomade et grand humaniste avait réuni les tribus, à l’instar de Vercingétorix en Gaule. Mais il y a aussi loin de son combat à l’existence d’une nation algérienne, qu’entre le chef gaulois et la France.


On présente l’indépendance de l’Algérie comme une victoire des combatants du FLN, mais elle est, bien plus,  la décision politique référendaire du peuple français de rejeter les départements d’Algérie hors de la République. Il n’est donc pas surprenant que la nation algérienne se soit construite sur l’opposition à la France.


L’anti-France affecte aussi les algériens nés en France, dits de la seconde génération. Leur parents ne haïssaient pas la France où ils venaient travailler et s’établir. Ce qui a  provoqué la rupture a été l’attitude française de rejet, non pas populaire, mais institutionnelle qui a multiplié les repentances et manifestations de mauvaise conscience post coloniale. Il n’y pas loin de la différenciation à l’exclusion, en passant par la stigmatisation. Difficile, dans ce climat pour ceux qui se sont eux-mêmes qualifiés de « beurs », verlan  pour « arabes », de se sentir français à part entière.


On a voulu vanter la France « blacks, blancs, beurs », mais sous la formule qui se veut rassembleuse se cache une réserve. On  dit « black » pour ne pas dire « noir », on dit « beur » pour éviter « arabe ». Ces détours sont des travestis qui sonnent comme un refus d’une réalité de discrimination, et ne valent rien pour la dignité des intéressés. À la même époque, certains ont voulu utiliser « feuje » pour  juif, mais cette initiative implicitement discriminante n’en a séduit aucun.


L’erreur majeure d’Emmanuel Macron est de croire qu’il existe en France une « rue arabe » qu’il faut ménager, alors que la violence du régime  algérien est un vrai repoussoir. Elle s’est notamment exprimée dans la « décennie noire » (1992-2002), une guerre civile qui a fait plus de 150.000 victimes. Son caractère encore aujourd’hui dictatorial n’a  rien d’attirant, comparé aux douceurs de la démocratie française.


Si plus d’un million de Français ont quitté l’Algérie en 1962, pratiquement aucun n’y est retourné. Malgré les discriminations dont on dit qu’ils sont victimes en France, fort peu d’Algériens d’origine la quittent, exception faite des retraités qui vont profiter « au bled » de l’écart de niveau de vie.


En vérité, seule une rupture franche et nette avec le régime algérien, et même avec l’Algérie, pourrait émanciper les enfants nés français de la génération des immigrants. Couper, enfin, le cordon ombilical.  Assis entre deux chaises qui n’ont pas vocation à se rapprocher, ces Français ne pourront se trouver en harmonie avec la République qu’à ce prix.


Au demeurant, le  régime algérien souhaite la rupture, il en multiplie les signes (proscription de la langue français, modification de l’hymne national algérien pour condamner la France…), car il sait ne pouvoir s’accommoder du fossé culturel grandissant entre les Algériens de France et ceux d’Algérie.

 
 
 

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