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Burn-out




Le « en même temps » premier mot d’ordre du macronisme n’est désormais plus évoqué qu’ironiquement. Censé inviter à prendre le meilleur de la Gauche et de la Droite, sans prévention, il est devenu le synonyme de l’indétermination et de la contradiction. La raison de ce hiatus se trouve dans la déception des Français qui ont constaté que loin de combiner les bonnes solutions dépouillées de leur frein idéologique, l’exercice pratiqué par Emmanuel Macron a consisté à prendre l’économique à droite et le sociétal à gauche, et ainsi, loin de dépasser les fractures, il les a cumulées.


Le « quoi qu’il en coûte », second marqueur de la Présidence Macron, est aujourd’hui arrivé à l’heure des comptes à régler. Après le chômage de masse, c’était le choix de l’endettement massif. Hélas, emprunter à bon marché, taux zéro ou même négatif, ne dispense pas d’avoir à rembourser, un jour, le principal. Pour avoir oublié cette évidence, Emmanuel Macron a comme l’on dit certains « cramé la caisse ». La cigale est fort dépourvue quand remontent les taux d’intérêt.


Désespérément, la voici qui erre à la recherche d’une nouvelle parole magique pour remobiliser les Français. Avec bon sens, elle a entonné la louange du travail qui libère et enrichit. L’opinion lui a répondu par une fin de non recevoir. Même sa réforme très nécessaire et timide des retraites, les Français ne l’ont pas acceptée. Peut-être parce qu’elle venait d’elle, cantatrice du « quoi qu’il en coûte ».


Le magistère de la parole appartient, dans notre République, au Président dont il constitue l’arme absolue. Lui seul tient du suffrage universel l’onction qui donne à sa bouche un monopole de vérité. Hélas, Emmanuel Macron dont la seule décision sensée des derniers mois fut de désigner en Michel Barnier un Premier ministre improbable mais doué de raison, semble victime d’un mal étrange que dans le monde de l’entreprise on nomme burn-out.


L'épuisement professionnel, ou burn-out, est un trouble psychique résultant d'un stress chronique dans le cadre du travail. Il se développe progressivement chez certaines personnes exposées à des conditions d’activité vécues comme frustrantes et démotivantes.


Cette définition correspond peu ou prou à la pathologie qui frappe le Chef de l’Etat. Il semble avoir épuisé ses ressources professionnelles, et ne trouve aucun écho dans la société française pour se ressourcer. La pire des atteintes à son égo, qui est le siège du for intérieur auquel s’attaque cette singulière carbonisation mentale, fut sa disparition des affiches de son camp lors de la campagne de la dernière élection législative. Depuis, il apparait courir en tous sens, pour surprendre et retrouver un écho dans l’opinion, sans se rendre compte que l’artifice de la surprise contredit son objectif de ralliement.


Seul et contesté, quoiqu’il dise, ses conditions de travail sont, il faut l’admettre, frustrantes et démotivantes. « Qu’ils se débrouillent ! » s’est-il écrié au spectacle du charivari qui agite la pseudo coalition supposée soutenir le Gouvernement Barnier, lequel, nonobstant, affiche la solidité parfaite d’une fine et incassable porcelaine de Chine.


L’un des traits spécifiques au burn-out est la propension du patient à tout exagérer dans ses propos et sa conduite, comme pour briser par coup de force une fatalité insupportée. Là aussi, Emmanuel Macron en présente les symptômes.


En vérité, lui, qui brillait tant par ses capacités d’analyse, n’a pas compris ce qui se produit sous ses yeux. Les mots, encore hier serviteurs fidèles de sa pensée politique, se dérobent et se rebellent.


De cette entreprise de destruction du langage, la Gauche est pour l’essentiel responsable.


Le catalogue des détournements et contre-emplois dont elle s’est emparée est édifiant.


La Gauche appelle « victoire » une élection qu’elle ne gagne pas, et proclame qu’elle lui a été volée. Cherchant une confirmation dans une motion de censure, elle est contredite, car celle-ci est, sans surprise, rejetée très largement, faute de majorité pour la voter. Comprenne qui pourra. Ce qui apparaît est que la Gauche française est tellement certaine de détenir le monopole du vrai, qu’elle est persuadée qu’il lui suffit de crier « victoire » pour que celle-ci soit.


La Gauche appelle son cartel électoral « Nouveau Front Populaire », qu’alors que le peuple, le populo, est, depuis belle lurette, passé en masse au Rassemblement National. L’extrême Gauche ose s’intituler La France Insoumise, alors que le drapeau qu’elle brandit est étranger, et qu’elle se veut, en tout, soumise à l’Islam radical.


La Gauche a dénommé « Front républicain » un accord de désistements croisés où figurait le parti Mélenchon qui ne cesse d’œuvrer ouvertement à la fin de la cinquième République. Vous avez dit « républicain » ?


La Gauche va encore plus loin. Sans vergogne, elle appelle « antiracisme » la racialisation qu’elle prône, et féminisme, le port du voile qu’elle encourage.


La Gauche remplace aussi le mot « terroriste » par celui de « résistant », elle désigne comme génocidés ceux dont le projet proclamé est d’exterminer tous les Juifs, qu’elle se retient à peine de qualifier de Nazis.


La Gauche agite le tabou de l’Etat de droit comme s’il existait tout entier défini dans le firmament comme une vérité révélée d’un seul bloc. On sait pourtant que, comme la démocratie, l’Etat de droit est une construction progressive qui en permanence ajuste les principes entre eux et les confronte aux circonstances. L’Etat de droit est sans doute un totem, auquel il faut se référer avec respect, mais certainement pas un tabou intouchable.


Ainsi la Gauche a instauré un langage alternatif qui par sa distance sidérale avec la réalité est en passe de lui faire perdre le magistère moral qu’elle exerce en France depuis la Libération. Arbitre du bien et du mal, détentrice du quotidien Le Monde, son journal de référence, la Gauche perd pied. Le Monde est devenu un quotidien antisémite et médiocre. Cette évolution résume la désertion de la morale des rangs de la Gauche.



De ce nouveau vocabulaire, Emmanuel Macron n’a pas su se libérer. Ce sont les contre-vérités qu’il véhicule qui carbonisent son jugement.


On peut dater le point de départ de cette inversion à l’effondrement du mur de Berlin qui a marqué la fin d’un siècle où le marxisme fut en France, comme en Europe et ailleurs, le diapason du vrai et du juste. Jusque là, même gouvernée par la Droite, la France appliquait une politique de gauche. Ses intellectuels puisaient dans le collectif toutes leurs certitudes. Certes l’individualisme du rêve américain faisait envie au bon peuple avide de consommer, mais pour les élites repues, le social justifiait tout. « Vous n’avez pas le monopole du coeur ! » protestait en 1981, Giscard d’Estaing à l’adresse d’un Mitterrand goguenard.


Malgré sa précocité, et sans doute en raison de son immaturité de caractère, mais aussi de sa formation élitiste,  Emmanuel Macron n’a pas compris que la grille de lecture du réel imposée par la Gauche, est désormais périmée. Les rares esprits lucides, qui dénoncent un politiquement correct qui met la réalité cul pardessus tête, il ne les entend pas, ni ne les comprend.


Quant aux élites intellectuelles, elles n’aident pas le Président à sortir de cette dépression où il s’enfonce en pérorant. Elles ont jusqu’ici brillé par leur silence ou leur nostalgie d’un temps où le Bien et le Mal allaient de soi. La responsabilité de ces maîtres penseurs est flagrante, car c’est bien leur mission première à laquelle ils ont renoncé.


Comme un canard sans tête continue de marcher dans la basse-cour, celui qui est atteint d’un burn-out peut occuper sa fonction, machinalement, pendant un certain temps. Fort heureusement, cette pathologie se soigne, notamment par une bonne hygiène de vie. On doit espérer que le Président traversera le miroir et surmontera au plus vite cette épreuve qui est aussi celle des Français.


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