Ces béquilles qui rendent la pensée boiteuse
- André Touboul
- 24 oct. 2020
- 2 min de lecture

Les médias sont de parti pris, peuplés de béni-oui-oui, telle est le sentiment qu'ils donnent. Ils deviennent agaçants tant ils se conforment à la pensée correcte, au demeurant plus par autocensure, semble-t-il, que par conviction.
Quel que soit le sujet, leur souci majeur est de rejoindre non pas la vérité, mais ce qui fait consensus. A cette fin, ils utilisent des clichés et poncifs qui, répétés comme des mantras, étant accommodés à toutes les sauces, se vident de sens.
Quand un journaliste ou un intervenant parle des « inégalités » qui s’accroissent et contre lesquelles on se doit de lutter, il est bien rare qu’il sache lui-même précisément de quelles inégalités il s’agit. Il emploie une expression qui le dispense d’aller plus avant dans son propos.
La loi de Godwin est une règle empirique énoncée en 1990 par Mike Godwin, d'abord relative au réseau Usenet, puis étendue à l'Internet : « Plus une discussion en ligne dure, plus la probabilité d'y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de un. » Il s’agit en fait d’une application d’un principe plus général de la communication humaine qui s’organise autour de notions toutes faites qui constituent des fins de non recevoir dans les échanges.
Le philosophe américain, il y en a aussi, Richard Rorty appelait ces expressions ou mots closes dont le contenu est vague, mais jamais remis en question, et qui servent de point final à tout débat : Final vocabulary. « All human beings carry about a set of words which they employ to justify their actions, their beliefs, and their lives », écrit-il.
Le vocabulaire final n’est pas négociable, et le plus souvent très difficile à expliquer, et parfois même faux.
De nos jours le terme « République » est un argument final. Quelle république ? On n’en sait rien.
De même, “démocratique” est utilisé pour clore une discussion : C’est ou cela n’est pas "démocratique". Néanmoins, si l’on demande de définir la démocratie, ceux qui auront utilisé ce mot comme “un point final”, en donneront rarement la même.
« Islamophobie » a depuis quelques années été utilisé comme argument final. Il mettait fin à tout argument dont on ne voulait pas discuter. Avec difficulté on a inventé des périphrases pour parler de faits impossibles à qualifier et que l’on ne pouvait pas ne pas voir. Des expressions comme “fondamentalisme”, “radicalisé”, puis “terrorisme islamiste” ...
Quand soudain une décapitation saute au visage, le terme “islamophobie”, perd son statut d’argument final. Il devient sujet à caution.
« Raciste » est aussi un terme « final », mais il perd son statut quand de plus en plus on demande : quel racisme ? Et quand, en présence d’un racisme anti-blanc, on parle de néo ou rétro-racisme.
Nous ne pouvons nous passer de vocabulaire final, de « langages » comme l’on dit aussi dans le monde des communicants. Mais il est toujours nécessaire de nous interroger sur le contenu véritable de ces béquilles de la pensée, car ce sont parfois elles qui la rendent boiteuse.
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