Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
- André Touboul
- 28 janv. 2023
- 4 min de lecture

Les partis politiques dits de gouvernement, en France et aussi de par le monde dans les démocraties, s’interrogent sur la façon de reconquérir les suffrages qui les fuient.
Ils devraient d’abord poser la question des raisons de ce phénomène. Ce qui caractérise les partis traditionnels ces dernières années est le manque de clarté.
Ils seraient bien avisés de se souvenir de ce vers de la fameuse tirade du Cid, où Rodrigue raconte comment il a sauvé la ville et comment les vaisseaux Mores sont apparus dans : « cette obscure clarté qui tombe des étoiles ».
Le moins que l’on puisse dire est que ce qui nous vient d’en haut est ces derniers temps peu clair.
Dans le cas de la France, on dénonce la montée des extrêmes, mais cela signifie seulement qu’en ce qui les concerne on sait à quoi s’en tenir.
La Gauche ? Nul ne sait où elle habite et ce qu’elle voudrait faire. Elle a perdu sa visibilité avec sa clarté.
La Droite ? Jusqu’à Fillon, on savait quelle était la politique de droite. Aujourd’hui, rien n’est clair.
Pour que les LR prennent position sur les retraites, il a fallu que les médias leur rappellent leurs éléments de programme antérieurs. L’amnésie est la pathologie la plus courante au sein du personnel politique. Depuis des décennies la Droite est engoncée dans ses intentions par l’interdiction édictée par la Gauche de flirter avec le Front National, ou de reprendre ses thèmes. Jusqu’ici elle n’a pas su sortir de ce piège, laissant son l’électorat orphelin. Ses électeurs ont été adoptés par Macron, mais ils en sont malheureux, car sa politique sociétale les révulse.
Au demeurant, le Président, dont la rupture avec le monde d’avant est un vieux souvenir, est lui aussi atteint par la maladie du confus. On le juge incertain dans sa politique internationale. Peut-être injustement, car les circonstances peuvent justifier que l’on avance à pas comptés. Mais le tango est une erreur fatale en matière nationale. Le peuple Français n’est pas un ennemi, il faut jouer franc-jeu avec lui.
Le principal grief qui peut être fait à la réforme des retraites, la seule portée par Emmanuel Macron, qui sera ensuite demandeur d’emploi, est qu’elle ne s’assume pas. Elle donne le sentiment d’être soit inutile, soit pas urgente, soit injuste, soit tout cela en même temps. De fait, la discussion sur ces points devrait être balayée par la seule considération que le nombre d’actifs par bénéficiaire ne fait que diminuer, et qu’il faut y remédier. Le seul moyen étant d’augmenter le nombre des actifs et diminuer celui des bénéficiaires. Tout débat sur le reste devrait être déclaré hors sujet. De la clarté avant tout. La réforme n’est pas faite pour faire plaisir.
Bien entendu quand il s’agit de faire des efforts, la question de la répartition se pose.
Travailler plus, pour gagner plus. L’invitation était limpide. Aujourd’hui, on pérore sur la pénibilité. Ce sujet est totalement étranger aux bureaucrates, qui en viennent et à inventer des maladies nouvelles comme le “burn out” généralisé, car il est hors de question que la pénibilité leur échappe. La vie de bureau n’est pas forcément un plaisir absolu, mais vivre est une douleur. Le message démobilisant qui mobilise contre le Gouvernement est un Himalaya de sottise.
Comme toujours, la réforme édictée est le signal de départ de la course aux exceptions.
Là aussi, il conviendrait d’être clair. Travailler n’est pas une option, mais une nécessité sociale. Mais pas seulement. Le travail est le lieu de réalisation de la personnalité.
A ceux qui rêvent d’une société de ménestrels, il faut rappeler que chanter (correctement) est un travail. Le sport aussi est un dur labeur. La fable de la cigale et la fourmi devrait être rappelée en permanence. Elle fait partie du subconscient français. « Vous chantiez, j’en suis fort aise, Et bien dansez, maintenant ! » est la réponse aux chantres de la paresse.
Au lieu de cela, on assiste à une litanie de commentaires qui tentent de justifier en l’expliquant la désaffection pour le travail d’une jeunesse qui, quoiqu’on n’en dise, n’a pas toujours raison. Le plus souvent ses errements ne sont, d’ailleurs, que le résultat des aveuglements de la génération précédente.
En dévoyant le Service public, les Administrateurs qui ont dirigé la France depuis un demi-siècle ont détruit le concept même d’utilité sociale. Le fait que chaque individu doive justifier sa place dans la société et mériter ce qu’elle fait pour lui, a été contre-battu par l’idéologie de la redistribution. En conférant la noblesse à l’allocation et l’indignité au travail, ces gestionnaires, qui ne produisaient rien, ont sapé les fondements de la nation.
On pourrait sourire en constatant que l’idéologie des bureaucrates se retourne contre eux, hélas, leur punition est aussi la nôtre.
Le paradoxe qui distord l’opinion est que les Français voudraient aujourd’hui « travailler moins, mais dépenser plus », ce grand écart sous-tend peu ou prou tous les discours des politiques, tous partis confondus. Certains aux extrêmes le font ouvertement, mais les autres contournent l’obstacle dans un salmigondis où l’on ne comprend plus rien.
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