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Cobelligérant ? Mais il n’y a pas de guerre !

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 28 janv. 2023
  • 5 min de lecture



Quand on est pas infectiologue, il vaut mieux ne pas se prononcer sur la pandémie. Mais si l’on n’est pas général, il est permis de parler des conflits armés, non seulement parce que la guerre est une chose trop grave pour qu’on la confie à des militaires, ainsi que le disait Georges Clemenceau, mais encore parce que les soldats sont qualifiés pour se battre plus que pour discourir, on le constate tous les jours dans les médias. Il existe, au demeurant, plusieurs aspects dans les combats, outre celui de la manifestation de la force. Il en est de juridiques, d’historiques, de politiques, d’économiques et de civilisationnels.


On s’autorisera donc, ici, quelques commentaires sur la guerre en Ukraine.



Il n’est pas exagéré de dire que le réchauffement climatique a sauvé l’Ukraine en février 2022. Bien que le printemps ne soit pas encore arrivé, la douceur d l’hiver faisait que la boue obligeait les chars russes à emprunter les routes goudronnées. Or, rien de plus facile que de détruire une colonne de chars en file indienne. Des cocktails Molotov et un lance-pierre y suffisent. Il y a aussi fallu l’héroïsme, et le patriotisme des Ukrainiens, mais il aurait été insuffisant face aux blindés russes.


Le général Hiver a toujours été l’allié des Russes, mais c’est le Maréchal Printemps précoce qui a déjoué leurs plans.


La raspoutitsa, littéralement « saison des mauvaises routes » a joué un rôle crucial durant les différentes guerres en Europe orientale, notamment lors de l'Invasion mongole de la Rus' de Kiev. L'armée tataro-mongole n'est pas parvenue à franchir les cent dernières verstes (~107 km) qui la séparaient de Novgorod, à cause de la raspoutitsa de printemps.


La raspoutitsa a été fatale à la Grande Armée de Napoléon lors de sa campagne de Russie.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, la Blitzkrieg fut quasiment stoppée par la boue en l'absence d'un réseau routier pavé, rendant les chars les plus puissants inutilisables.


La boue est un acteur majeur dans les confrontations militaires. De grandes batailles historiques ont été perdues dans les marécages. La victoire d’Alexandre Nevski sur les chevaliers teutoniques. Le passage de la Bérézina, pas complètement gelée malgré les basses températures, a été rendu dramatique. Azincourt où la cavalerie lourde française s’est embourbée. Contre les armées de Louis XIV les Hollandais inondent leur pays.


On peut penser que cette leçon climatique conduira Poutine à ne plus prendre de risque de ce côté, et attendre l’été pour déferler sur l’Ukraine, avec une armée de chars reconstituée.


La plus grande bataille de char de l’histoire a été celle de Koursk en juillet 1943 ; elle fut la véritable défaite finale de l’armée nazie. Blessée à Stalingrad, elle y a été définitivement vaincue par les tanks soviéiques construits à la hâte grâce à l’aide américaine. Moins performants que les Panzers, ils étaient beaucoup plus nombreux. Les Russes perdirent 7000 chars et le Allemands 1200, mais cela correspondait à 1/3 de leur forces. On a alors parlé du rouleau compresseur soviétique, en oubliant que l’Allemagne se battait alors sur plusieurs fronts et occupait presque toute l’Europe, ce qui immobilisait des forces considérables.


Le tank est la cavalerie moderne, il est aussi l’image de la force. Tienanmen et Prague ont illustré cette vérité. Mais Boris Eltsine grimpant sur un char à Moscou a aussi confirmé que c’était là le symbole du pouvoir.


Envahir un Etat désarmé est un exercice relativement aisé pour une grande puissance militaire. Y gagner la guerre est une autre affaire.


Depuis deux siècles les guerres et même la paix se perdent à l’étranger. La liste des défaites de grandes puissances subies sur un sol étranger est significative : Vietnam, Afghanistan, Corée. Et, quand une victoire se produit, c’est la paix qui s’en suit qui est perdue, comme en Irak ou en Libye.


Dans les Balkans, ce ne fut pas une guerre, mais un opération de police, dont l’objet était de séparer les combattants.


Cette constante n’a pas échappé à Vladimir Poutine qui s’est obstiné à nier le mot de guerre pour tenter vainement d’imposer le concept d’opération spéciale.


La guerre de conquête est un article obsolète. L’ordre international s’y oppose. Mais aussi, ce sont les peuples qui refusent de se soumettre à un conquérant étranger. Curieusement, ils préfèrent des tyrans domestiques à la protection de démocraties étrangères.


C’est une question d’identité. Et enfin, les moyens modernes de destruction qui font qu’un individu ou un petit groupe peut infliger des pertes considérables à un occupant, rendent très coûteux de soumettre un peuple.


Dès lors que les troupes russes n’ont pas été accueillies en libératrices en Ukraine, la partie était perdue. Les territoires occupés par l’armée russe sont pratiquement ceux que l’Ukraine ne contrôlait plus depuis des années. La guerre dans le Donbass s’était installée en 2014. Certes les dissidents y étaient encouragés, et soutenus par Moscou. Mais, il est incontestable qu’il y existait un déficit de patriotisme ukrainien.


L’URSS imposait son emprise sur des satellites désarmés, y expédiant ses tanks au moindre frémissement de contestation des régimes fantoches qu’elle y avait mis en place. Elle y était aidée par une idéologie puissante celle du marxisme-léninisme, qui gangrenait aussi les pays du Monde dit libre. On savait en Tchécoslovaquie, en Pologne que jamais les démocraties ne viendraient à leur aide. Non par crainte de l’ours russe, mais par faiblesse de leurs convictions face au communisme.


On dit que la Russie, puissance nucléaire ne peut pas perdre. Entendons qu’elle utiliserait plutôt l’arme atomique qu’enregistrer une défaite. Cette affirmation est contredite par les faits. Les USA, puissance nucléaire se sont retirés battus à plusieurs reprises au siècle dernier. L’URSS s’est aussi fait battre en Afghanistan. De plus, l’arme atomique n’en aucune pertinence pour conquérir un territoire et encore moins un peuple.


Empêtré dans un conflit dont il n’y a pas de sortie, Vladimir Poutine a choisi d’insister. Il place l’économie russe en mode guerre. Ceci implique que les tanks qui ont été perdus en février mars 2022 vont être remplacés à la va vite, mais en nombre.


C’est cette situation qui rend nécessaire et même urgent de doter les Ukrainiens de moyens de résister à un nouvelle vague d’invasion mécanisée. En effet, la prochaine offensive russe aura lieu en été, ne serait-ce qu’en souvenir de la bataille de Koursk qui se déroula en juillet. Il est douteux que Moscou réitère l’erreur de février 2022.


Le défi des Ukrainiens est de savoir s’ils doivent lancer leur attaque les premiers dans l’espoir que l’ennemi ne sera pas prêt, ou attendre que les Russes prennent l’initiative, et alors espérer les écraser, car ils disposeront d’une cavalerie blindée occidentale plus moderne. Seule la connaissance du terrain, qui est le leur, les déterminera.


De leur coté, les pays occidentaux ne devraient pas craindre d’être considérés comme des cobelligérants par le Kremlin, car la condition première pour qu’ils le soient est qu’il existe une guerre. Or, selon Moscou, il n’y en a pas. Il est même pénalement sanctionné en Russie de le prétendre.


Il est fréquent d’entendre dire que le risque est grand d‘une une troisième guerre mondiale, avec pour argument ultime que Vladimir Poutine serait irrationnel, et capable de tout. Si cela est vrai, il ne sert à rien de se plier aux exigence d’un fou, ce qu’il fera est imprévisible, sauf à partager sa démence. En réalité, le maitre du Kremlin n’est pas plus fou que Monsieur Xi, ou que les dirigeants iraniens pour ne parler que d’eux parmi les autocrates de notre époque. Comme eux, et comme ses semblables des temps anciens, il ira jusqu’où l’on acceptera qu’il aille.



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