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Comment Thanatos a terrassé Eros




En 1930, dans le contexte menaçant de la crise économique, du krach de 1929 et de la montée du nazisme, Freud publie l’essai Malaise dans la culture. Il y réfléchit sur le processus de socialisation. Pour théoriser ce qui se produit dans ce processus, il a recours à deux notions, qu’il emprunte à la Grèce antique : « Eros » et « Thanatos ».


Les Soixante-huitards ont célébré le culte d’Eros. Jouir à-tout-va a été leur crédo, pour certains ce fut même un mode de vie. Ils ont exploré toutes les nuances du “peace and love”, des Baba cool aux addicts aux drogues de moins en moins douces. Ce sera leur héritage, prédisent ceux qui observent une génération d’aujourd’hui qui veut tout et tout de suite. Tous les droits et aucun devoir. Profitez bien ! Est le souhait que l’on se prodigue en guise de “au revoir”. Cette jouissance généralisée n’est cependant pas celle de la cité de la joie. Elle a une couleur de désespérance qui se noie dans une consommation record de narcotiques. Ses perspectives sont plus celles dissonantes d’Heavy metal que des harmonies de Nirvana.


En vérité, le 21ème siècle est celui de Thanatos. La mort y revient en force. Elle s’invite dans les relations entre des Etats d’Europe qui croyaient être exemptés à jamais de la guerre, et s’imaginaient pouvoir toucher benoîtement les dividendes de la paix. De fait, les conflits n’avaient jamais cessé, mais ils restaient lointains et/ou  limités. C’étaient des accès de fièvre qui ne portaient pas atteinte à la mondialisation et à ses belles promesses.



Ces heureuses perspectives ont été démenties. Par la guerre commerciale, en prélude, et inévitablement ensuite, par le retour à un monde où la force prime le droit. Désormais, les institutions internationales caquètent dans un poulailler où des renards aux dents aiguisées agitent des menaces d’embrasement et de troisième guerre mondiale, voire d’apocalypse nucléaire. Et Thanatos ricane.


Mais la divinité fatale ne se contente pas de géopolitique. Elle a fait irruption dans les politiques intérieures. Sous les coups de boutoirs d’un Islamisme fanatique qui idéalise la mort, les sociétés européennes ont commencé à se fracturer. Le rôle d’opportunistes collabos ou simplement idiots a facilité la tâche des démolisseurs. C’est la civilisation européenne qui a été mise en accusation par ceux-là mêmes qu’elle avait libérés, protégés, et accueillis en son sein. Telle la jeune fille dans les bras de la mort, elle s’abandonne.


L’extension du domaine de Thanatos s’opère aussi dans les tréfonds de l’âme française, qui plus que de natalité se préoccupe en priorité d’avortement et d’euthanasie. Thanatos entre en souriant dans la Constitution, et dans la loi. Il ne s’agit plus de jouir avec Eros, mais de ruser avec les douleurs de la vie.


Bien pis, aujourd’hui, c’est Viva la muerte. « L'étreinte de la mort est comme la morsure d'un amant qui fait mal et qu'on désire », déclamait la Cléopâtre de Shakespeare avant de mettre fin à ses jours. L’ambiguïté entre la mort et le plaisir, tourne toujours au bénéfice de Thanatos.

Nous ne voulons plus souffrir. L’ataraxie, indifférence à toute perturbation, protège de toute peine. C’est aussi l’antichambre du suicide.

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