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Coup de maître ou pas de clerc ?

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 16 déc. 2020
  • 7 min de lecture

Enfin libres, ou presque ! Curieusement ni le Président ni son Premier Ministre n'ont voulu s'attribuer l'avantage de l'annoncer. Comme tétanisés par la perspective d'une troisième vague, ils ont préféré insister sur les restrictions résiduelles. exigées de tous, et s'arcbouter sur l'immolation des deux trésors français que sont la culture et la restauration.


Pour ces deux populations sinistrées, point d'arrangement. Castex assume, il se soucie de sa popularité comme d'une guigne, mais Macron risque de rester le Président des 135 €, qui, pareil au père Ubu, méprise les artistes de la scène et du poêlon. Comme si le sanitaire devait impliquer l’acculturation. Un mauvais coup à l’identité française dans ce qu’elle a de plus noble.


Comme pour faire diversion, et avec un certain succès car les médias sont semblables à des enfants dont l'attention se disperse vite, Emmanuel Macron a annoncé un référendum.


On se demandait comment le Président se sortirait du mauvais pas où, par la Convention citoyenne pour le climat, il s'était mis. Nul ne l’y obligeait, mais pour paraître vert, il avait convoqué un cénacle de simples citoyens, néanmoins encadrés par deux porte-drapeau du microcosme écologiste. A la barre, il a placé Mme Laurence Tubiana et M. Thierry Pech, l’une ancienne militante à la Ligue Communiste Révolutionnaire, puis parmi les négociateurs de l’accord de Paris sur le climat, l’autre Directeur du think tank Terra Nova, laboratoire d’idées progressistes de gauche ; de cette gauche qui ayant perdu ses anciennes utopies va en chercher de nouvelles dans les terreurs climatiques, dignes de celles de l’An Mil.


Il fallait être naïf ou fort inexpérimenté pour gager que cette cohorte de néophytes, ainsi encadrée et endoctrinée accoucherait de propositions aussi mesurées et sages qu’exemplaires. Quand on donne aux Yakas la parole, on doit s’attendre à tout et au reste. Mais les fruits ont dépassé la promesse des fleurs, aurait dit Malherbe. Le sujet principal qui était de se prononcer sur la question de la taxe carbone a été contourné, comme fut oubliée la question de l’énergie électrique, atomique ou pas. En revanche, les citoyens ont proposé à tour de bras moult taxes et interdictions.


Ignorant que la question du climat est de celles qui n'est pertinente qu'à un certain niveau dont le minimal est celui de l'Europe, et l'optimal celui du monde en son entier, les vertueux citoyens, forts du blanc seing présidentiel, ont beaucoup proposé, comme si le climat s'arrêtait à nos frontière. En effet, pourquoi se limiter, puisque l’imprudent les avait assurés que toutes leurs idées seraient reprises « sans filtre » dans des lois proposées au Parlement ou des décrets. 150 mesures du genre « happy hour » ont été ainsi arrêtées par un conclave de bonnes gens bien intentionnés, mais aussi peu au fait qu’on peut l’être des contingences de la société réelle.


Cette tentative de démocratie directe, mise en oeuvre pour faire moderne, était, dès le départ, vouée au même sort que la consultation des Nantais sur le projet de l’Aérodrome de Notre Dame des Landes. Là bas, le peuple avait parlé, mais ceux-là même qui avaient organisé le vote, le dirent mal ciblé, et ils découvrirent illico qu’il existait sans doute une autre solution, que durant trente ans d‘études et de procédures, on avait négligées. Ainsi fut donnée la démonstration que, dans un gouvernement technocratique, la démocratie directe ne vaut que si elle décide dans le sens voulu par le pouvoir, et que dans tous les autres cas elle est non avenue.


Catastrophé, le Président Macron a découvert avec amertume que les braves citoyens avaient bien travaillé, c’est à dire accumulé les incongruités, et qu’il aurait bien du mal à s’en dépêtrer. Il s’agissait cependant de ne pas insulter les personnes consultées, et tout autant de ne pas apparaître se dédire aux yeux des médias.


Rarement à court de rhétorique, le Chef de l’Etat commença par invoquer un joker, sur quelques propositions. Puis, sur les autres, il prétexta la difficulté de mettre les lois en forme. Et quand on le crût acculé au dédit, il sortit de sa manche un atout imparable. L’amendement à la Constitution. Comme si ce texte suprême s’opposait à ce que l’on vote des lois environnementales, fussent-elles stupides.

La manœuvre prend tout son sens quand on lit l’article 89 de la Constitution : « L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement.

Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l'article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum. »


La défausse, par la surenchère, est une manœuvre classique et peut sembler habile. En effet, il appartiendra au Sénat bien que dans l'opposition d’approuver l’article présidentiel, ou d’être responsable de l’échec du projet, en apparaissant à l'opinion comme climato-sceptique.


Puis, à supposer cet obstacle franchi, soit le peuple approuvera l’amendement, et ce sera une victoire pour Emmanuel Macron, soit le vote sera négatif, et sa vertu écologique sera sauve. En proposant au vote un thème consensuel, le Président se croit gagnant contre toute défense..

Le coup est magistral, mais pourrait bien se révéler être un pas de clerc.


Les Français n'ont pas pour leur Constitution la profonde dévotion qui est celle des Etatsuniens pour la leur. On a très souvent en France changé de Constitution, et les propositions de passer à la Sixième République reviennent régulièrement sans que nul ne s'en offusque. Mais aussi sans rencontrer d'adhésion populaire.


Les institutions de la Cinquième République qui ont assuré une continuité politique démocratique durant plus de soixante ans conviennent aux Français. Ils ont en 1962 approuvé l'élection présidentielle au suffrage universel, et les pires adversaires de ce mode de gouvernement, tels que François Mitterrand s'y sont convertis. Le passage au quinquennat désiré par la classe politique plus que par le peuple a accentué le pouvoir Présidentiel et affaibli encore plus le Parlement. Néanmoins, malgré les critiques, il ne s’est pas trouvé de mouvement de fond pour revenir sur cette disposition approuvée par référendum.


Ce que propose Emmanuel Macron est plus que ce qui a été fait pour le principe de précaution, entré dans la Constitution par la porte de derrière, il demande rien moins que de modifier l'objet de la République en amendant son article premier.


Cet article, le voici : La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales.


Chacun constate que l'environnement et encore moins le climat n'ont aucune place dans ces objets fondamentaux. On constate d'ailleurs au passage que l'organisation actuelle du pays est centralisée, et au mieux déconcentrée, mais certainement pas décentralisée. A ce titre les mesures de centralisation à outrance prises depuis le début du présent quinquennat pourraient être déclarées inconstitutionnelles.


Les Français sont, sans hésiter, favorables à ménager l'environnement et globalement pour une action en faveur du climat, de là à donner pour but de vie à la Nation ces actions qui depuis le commencement des temps dépendent des circonstances, il y a, soit une tromperie si on en reste aux mots, soit une véritable révolution dont les tenants et les aboutissants n'ont pas été précisés.


La révision de la Constitution n’étant pas un préalable nécessaire à l’adoption de lois favorables à l'environnement et au climat, les opposants pourront très facilement dénoncer l’artifice. D’autres demanderont à quelles dérives inconnues ce principe nouveau risquerait d’entrainer un pays dont l’économie est à genoux, qui a plus besoin d’initiatives que de freins et manque de génies créatifs, du genre de ceux que l’on ne trouve pas en retournant aux lampes à huile.

Et si malgré ces réserves le texte est adopté, à reculons par le Sénat, le référendum a lieu, la partie sera loin d’être gagnée. Il est un fait patent que le peuple répond moins à la question posée qu’à celui qui la pose. Voter non, ne signifiera pas que l’on veut négliger l’environnement, mais cela dira « non à Macron ». Un rejet de l’amendement par l’électeur est probable, car il n’aime pas qu'on le dérange pour enfoncer une porte ouverte, et encore moins par habileté manœuvrière. Le risque d’une campagne référendaire serait en outre de faire émerger un champion du non, qui serait un concurrent sérieux à la présidentielle.


Il est une règle absolue de la mathématique électorale qu’Emmanuel Macron devrait méditer : qui au suffrage des urnes se croit sûr de gagner, perd à tout coup. Le Président sera encore perdant, si du fait de la crise sanitaire s’éternisant, il devait in fine renoncer au référendum, ou le renvoyer à un second hypothétique mandat.

Il y a donc fort à parier que ce projet de référendum est d’ores et déjà mort-né. Cette faute de carre peut déséquilibrer le Président plus qu'il ne le pense. La chose la plus préoccupante est qu’il ne restera de tout cela qu‘une impression de mascarade. Le fait est d’autant plus inquiétant que, tandis que le Président se compromet dans de vieilles embrouilles dignes de l’ancien monde, il joue aussi au yoyo selon son auditoire dans ses discours relatifs aux forces de l’ordre, donnant ainsi l'impression d'une pensée instable.


Pendant ce temps on voit, dans les médias, sortir du bois des ambassadeurs du Rassemblement National, bien coiffés, costume bleu, cravate bien mise, et au discours calibré pour ne choquer personne, mais s’adressant à ce public que l’on appelle la majorité silencieuse. On voit qu'il s’agit de démontrer que derrière sa candidate un peu chamallow rose bonbon, ce parti peu compter sur un encadrement sérieux. La stratégie est claire, donner l’image d’une alternative crédible à la France débraillée qui a envahi les médias. Avec un comportement vasouillard du Président sortant, il ne faudra pas trop compter sur le plafond de verre pour 2022.



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