Cruel dilemme
- André Touboul
- 10 mars 2023
- 2 min de lecture

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Non, ce sigle n’est pas celui de la milice Wagner, mais celui de la SA, la Strumabteilung, force paramilitaire des années trente.
Le graphisme du signe de l’organisation russe, ci-après, comme la tête de mort de son logo qui, elle, renvoie aux SS, révèle une parenté assumée avec le régime nazi.
On peut trouver paradoxal que Wagner, cette armée privée, soit engagée dans la guerre en Ukraine, dont l’un des motifs invoqués serait de dénazifier ce pays.
Par le nom du compositeur allemand choisi pour sa milice, et le marteau qui rappelle celui de Thor, qu’il brandit volontiers, Evgueni Prigogine cultive aussi les références avec le Troisième Reich. Repris de justice au sens strict puisqu’il fut condamné pour vol avec sursis, puis pour proxénétisme à douze ans de prison dont il effectua une grande partie, il illustre que l’entourage de Poutine est, comme le fut celui d’Hitler, composé de crapules.
Sa créature, la milice Wagner ressemble, par plusieurs aspects, au groupe paramilitaire SA, Strumabteilung, du parti nazi des années trente. La rivalité avec l’armée officielle de l’État en est la principale, mais le parallèle ne s’arête pas là.
Ernst Röhm chef des SA voulait supplanter la Reichswehr, il considérait aussi Hitler, son vieil ami comme trop mou. Prigogine, ami et complice de Poutine ne se prive pas de critiquer l’armée et laisse poindre des reproches adressés au maître du Kremlin, qu’il juge trop modéré dans la guerre en Ukraine.
Les chefs de la SA furent éliminés par Hitler lors de la nuit des Longs Couteaux à l’été 1934. Cette organisation subsista pour être utilisée comme force d’appoint jusqu’à son anéantissement en 1944 sur la Bérézina. Röhm fut arrêté et exécuté en 1934. Une autre organisation paramilitaire la Waffen-SS, totalement loyale au Führer a connu plus de succès.
On ne peut que remarquer la propension du régime de Poutine à multiplier les milices privées. Gazprom le géant des hydrocarbures russes vient d’obtenir le feu vert du Kremlin pour créer sa propre milice sur le même modèle que Wagner. Rien de nouveau. On dénombre 27 milices privées paramilitaires en Russie, le Patriarche Kiril, le Ministre de La Défense Choigou ont la leur. Et 11 de ces groupes combattent en Ukraine. Ce qui change, c’est que Gazprom a les moyens de concurrencer Wagner. Gazprom a encore plus d’argent et pourrait recruter jusque dans les rangs de cette milice. Elle aurait en outre l’avantage de ne pas souffrir d’une réputation aussi sombre.
Evgueni Prigogine peut s’interroger sur cette initiative et peut-être penser au sort funeste du sinistre Ernst Röhm. S’il échoue à Bakhmout, il deviendra encombrant ; s’il réussit à prendre la ville, il sera bien avisé de rester modeste, et dans les deux cas ses ennemis réclameront sa tête. Le profil bas, cependant n’est pas son genre de beauté. Cruel dilemme.

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