Dans le silence des agneaux

Dans l’Evangile, l’Agneau de Dieu enlève le pêché du monde, et il le fit parfois sans ménagements. Plus modestement, ce sont les grandes voix, les âmes fortes qui s'élèvent pour rappeler leurs devoirs d’humanité aux humains. Au quotidien, on ne peut réclamer un Messie, des Prophètes ou des génies littéraires chaque matin, le rôle de gardiens de la morale et de la raison réunies appartient aux intellectuels. Hélas, ils sont par les temps qui courent tragiquement muets.

On ne leur demande pas de bêler en permanence, mais de ne pas être silencieux quand leurs congénères sont menés à l’abattoir.

Or, comment ne pas être effondré par le silence assourdissant des intellectuels africains devant la colonisation du continent noir par les gangster de l’entreprise Wagner, bras armée de l’Etat russe néo-colonial. Profitant de coups d’Etats militaires ou les fomentant, ces milices vendent leurs services de protection aux juntes qui en sont issues. Elles se payent sur la bête, en accaparant matières premières et autres richesses naturelles. Face à cette catastrophe qui frappe une nouvelle fois le continent qui avec l’esclavage a connu le pire, le silence.

A cette apathie se joint les commentaires des supposés spécialistes qui se régalent des images d’une population que l’on dit anti-française, mais qui risque néanmoins sa vie pour venir vivre dans ce pays, soit-disant honni. De même, on relaye comme une libération, les non ou multi-alignements de pays qui reçoivent des aides financières depuis des années et, tout en continuant à en réclamer, se déclarent victimes d’une colonisation (?) pour se jeter dans les filets d’une Chine dont les appétits paraissent insatiables et qui s’empare des infrastructures et des terres. Il est vrai qu’elle le fait aussi en Europe où nul ne trouve à y redire.

Que penser aussi des beaux parleurs Afro-américains si prompts à clouer au pilori les méchants blancs occidentaux et qui ne disent pas un mot de l’impérialisme russe, et font comme si l’Afrique n’existait pas.

Des agneaux démissionnaires, il y en a aussi chez les Juifs d’Israël et du monde entier. Nul ne se dresse contre les ultra-orthodoxes qui vont détruire l’Etat que les pionniers exemplaires avaient eu tant de mal à faire naître. Les juifs qui en vivent pas en Israël n’auraient pas le droit de s’exprimer sur ce qui s’y passe ? Allons donc ! Le jour où les religieux l’auront détruit, où qu’ils soient les Juifs seront en pâture des antisémites dont les viscères frémissent déjà de bonheur en accusant l’Etat hébreux d’apartheid. Apparemment les Juifs manquent de grands intellectuels pour les rappeler à la raison. Les Juges sont dans la Bible les personnalités qui ont sauvé le peuple d’Israël, il ne s’en révèle aujourd’hui aucun. De par le monde les Juifs devraient s’exprimer contre les religieux qui les menacent.

Chez les Musulmans, on attend en vain qu’une autorité morale s’exprime pour fustiger les atrocités et les folies des déments de Dieu qui dénaturent la foi sincère et paisible de centaines de millions de gens.

Dans les siècles passés, il s’est toujours trouvé une conscience pour mobiliser les masses et les sauver de leur propre destruction. C’étaient les Prophètes, les grands auteurs de la Renaissance, les philosophes des Lumières… Aujourd’hui, il semble que l’intelligence se soit réfugiée dans des algorithmes tapis dans des circuits intégrés fabriqués à la chaîne. C’est, en fait, la seule que l’on écoute comme dispensatrice de vérité. Avec ces robots, l’idée de progrès humain s’évapore.

Des imprécateurs, certes il en existe, sur l’écologie, le climat, les déchets, mais nul ne semble voir, et en tout cas ne dit haut et fort, que ces fléaux communs de l’Humanité ne peuvent être affrontés par des Nations désunies, minées de l’intérieur par de sordides démons resurgis du fond des âges, fauteurs de haine et de discorde. Les Etats désormais ne trouvent plus que la violence de la guerre pour régler leurs rapports.

Dans toutes les populations du monde, dans le silence des agneaux la veille de l’abattoir, les intellectuels se taisent, ou ressassent les vieilles lunes marxisantes d’un siècle révolu. Et-ce la peur ? N’ont-ils rien à dire ? Sont-ils indifférents ?

Il semble plutôt qu‘ils soient découragés par l‘inutilité de faire entendre la voix du juste, du vrai et du bien. Mais Soljenitsyne n’a-t-il pas démontré que l’esprit libre d’un seul peut réveiller tout un peuple asservi.

*