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De l’intérêt général




Dyslexie politique. Plus les Français sont à droite et votent à l’extême droite, plus Emmanuel Macron recherche des appuis à gauche. Il ne faut pas s’étonner de ce hiatus, il est conforme au divorce conceptuel qui existe entre le peuple français et son personnel politique.


On évoque souvent la crise du système de la démocratie représentative. En vérité, il s’agit d’un contre-sens sur la nature même du principe de représentation. Il est implicitement admis que les partis politiques doivent être le fidèle reflet des aspirations des électeurs. Pour y être conformes, ils se fondent sur les sondages.


Or le rôle des représentants n’est pas de porter les demandes des individus, mais de les rendre compatibles avec la complexité et la réalité des décisions à prendre. La représentation est rendue nécessaire par l’impossibilité de chacun de définir le domaine du possible et celui de l’efficace. Dans cette fonction, les représentants doivent être d’une réelle compétence. Mais cela ne suffit pas, les élus doivent être investis par l’intérêt général. Au lieu d’aller dans les marchés pour prendre le pouls des électeurs et ainsi connaissance des volontés populaires, les candidats à la députation devraient y aller pour prêcher l’intérêt général. En d’autres termes, il est de leur devoir d’éveiller les consciences au bien public.


Le bien public est le grand absent des discours politiques. La stratégie électorale est trop souvent fondée sur le travail des divers segments de l’opinion. Ce découpage est d’évidence l’ennemi de l’intérêt général. Il grossit ce qui divise et ne valorise pas ce qui devrait réunir.


Les apprentis de la politique n’ont pas compris que le charisme qui leur fait défaut passe par le dépassement des intérêts catégoriels.


La poursuite de l’intérêt général exige que les politiciens s’interdisent de tromper leurs électeurs, en tenant un discours pour être élus et un autre quand ils le sont ; car ceux-ci ne sont pas dupes et, par cette félonie, les élus perdent leur crédibilité pourtant nécessaire au fonctionnement de la démocratie. Le contrat social passé par le vote ne peut être sans dommage vicié par le mensonge.


Le second tour des législatives a, par exemple, donné lieu à des accords de désistements réciproques de partis qui n’avaient aucune intention de gouverner ensemble. Dès lors, les macronistes qui ont dû voter LFI et réciproquement ont eu la main forcée. Ce qui a été proposé au corps électoral n’est pas un projet, mais seulement un blocage ; et de ce point de vue c’est réussi. Le barrage contre le RN a fonctionné, mais le résultat est une confusion totale, voire une paralysie de l’Etat.


Il n’est pas vrai  que dans les temps présents l’intérêt général soit plus difficile à discerner que par le passé. Il consiste pour ce qui relève des pouvoirs publics à restaurer l’autorité de l’Etat, et à œuvrer pour la satisfaction des besoins fondamentaux.


La tectonique des plaques politiques n’est pas celle des appareils. Venant des profondeurs de la population, la lame de fond RN s’est brisée, mais elle peut se transformer en tsunami, si les causes de l’exaspération ne sont pas traitées.


Contrairement à ce que l’on ressasse, ce n’est pas le « pouvoir d’achat » qui est en jeu. Ce souci est permanent et restera insatisfait quel que soit le niveau de revenus. Ce n’est pas non plus la question de l’âge de départ en retraite, car ce cheval de bataille des partis d’opposition ne résiste pas à l’examen. Les Français savent bien qu’ils ne peuvent travailler moins de 64 ans alors que leurs voisins sont à la tâche à  65 ans et s’acheminent vers 67 ans. Nul ne croit vraiment que l’exception française permettrait de travailler moins en gagnant plus. En tout cas, il faudrait être bien naïf pour espérer d’un gouvernement quel qu’il soit, qu’il augmente le pouvoir d’achat et conjure la fatalité comptable qu’implique l’allongement de la durée de la vie. Les Français ont une trop piètre opinion de leurs gouvernants pour les croire capables de cette magie.


Les vraies et sérieuses attentes des Français vis-à-vis de leurs gouvernements sont toutes autres, et légitimement de la compétence de ceux-ci.


D’abord, ils espèrent une reconstruction de l’Etat dans ses fonctions régaliennes : sécurité intérieure et extérieure. Ceci passe par une restauration de l’autorité du binôme police/justice. Et cela passe par une rupture avec la pratique qui consiste à être exigeant voire brutal avec ceux qui vivent paisiblement dans le respect des lois, et laxiste avec les hors la loi de tous acabits.


La demande d’autorité touche aussi l’enseignement, et en particulier le public. Il est, en effet, difficile de supporter d’avoir à payer deux fois l’enseignement : une première par les impôts, et une seconde fois pour financer le privé dont le succès n’existe que par les défaillances du public dues très largement à la doctrine du « pas de vagues ». On attend de l’Education nationale qu’elle fasse simplement son boulot.


Le pays rêve aussi d’un système de santé qui permette de se faire soigner dans des délais raisonnables. Ce n’est pas là une question d’autorité de l’Etat, mais de bonne gestion.  La notion d’urgence est un pur scandale, quand on fait attendre quelques dix heures un patient (qui n’a jamais tant mérité son nom) sur un brancard avant de s’occuper de lui. Cette première prise en charge est la clé.


Il n’est pas absurde d’espérer que l’action gouvernementale puisse aussi améliorer la situation du logement qui est l’un des échecs majeurs de la politique Macron. Ce fiasco n’est pas très surprenant dès lors que l’immobilier y est l’objet d’un traitement fiscal très défavorable qui s’ajoute à l’avalanche des normes à respecter. Or, le besoin de logement est primaire. Il fait partie des dépenses contraintes et le manque de logement influe directement sur la natalité. Dans la France de Macron on a réussi à faire baisser le prix de l’immobilier en augmentant la pénurie.


Enfin, outre la satisfaction des besoins fondamentaux, l’harmonie sociale est un objectif à poursuivre par la modulation des mutations d’ordre culturel et démographique, notamment par la maitrise de l’immigration, constitue un registre sur lequel la population doit être rassurée.


Si le nouveau Premier ministre ne présente pas des ambitions sérieuses sur toutes ces questions brûlantes, l’impatience continuera de monter dans le peuple que l’on ne calmera pas en instaurant des nouveaux impôts. Ceux-ci pèseront sur les classes moyennes et l’on sait qu’en fin de compte ce seront les plus faibles qui en supporteront les conséquences. Il est étonnant que nos dirigeants n’aient pas compris que la redistribution qu’ils ont poussée à l’extrême ne produit jamais les résultats escomptés.



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