Dies irae, dies illa, jour de colère que ce jour là
- André Touboul
- 15 nov. 2020
- 7 min de lecture

Il était une fois un pays où le chef de l’opposition était espionné par une officine créée par le pouvoir, ses conversations avec son avocat enregistrées, ses campagnes électorales ponctuées de mises en examen... Ce pays n’est pas la Turquie d’Erdogan ni la Russie de Poutine, c’est tout simplement la France.
En qualifiant le Parquet National Financier d’officine, on n’exagère pas. L’instrument a été créé par François Hollande, au prétexte de l’affaire Cahuzac, son ministre des Finances fraudeur fiscal. Il s’agissait d’une simple filouterie privée, et sans rapport avec la structure mise en place qui devait viser les délits complexes et d’ampleur national.
Bien entendu, le PNF a traité un bon nombre d’affaires non politiques, mais c’était la moindre des choses, ne serait-ce que pour donner le change. Toujours est-il que c’est ce nid de frelons qui était à la manœuvre dans l’affaire Fillon. Diligentant une enquête plus vite que son ombre. Non seulement il s’est en fait comporté comme auxiliaire du pouvoir qui l’avait créé, mais certains de ses membres ont goûté aux délices des cabinets ministériels.
Le sommet de l’ignoble aura sans doute été atteint quand Sarkozy a dû, pour quémander son honneur, assurer urbi et orbi qu’il ne ferait plus jamais de politique. L’honneur de l’ancien Président demande que l’on fasse la lumière sur le pacte scélérat entre Takedine et les juges, et plus particulièrement le juge Tournaire, le même qui a mis Fillon en examen et renvoyé Sarkozy devant le Tribunal dans l’affaire Bygmalion. Monsieur Tournaire signataire en 2012 d’un appel à voter Hollande. La colère de l’ancien Président de la République, n’était pas feinte, elle faisait suite au refus du PFN s’enquêter sur les rasions du revirement de son délateur.
Bien entendu, les collègues du juge Tournaire invoqueront la collégialité des décisions. Mais ce sera se moquer du monde, car si le juge Renaud Van Ruymbeck a refusé de cosigner le renvoi en correctionnelle de l’ancien Président dans l’affaire Bygmalion (ce qui n'a rien empêché), les autres coéquipiers du terrible Tournaire, le Torquemada de l’instruction, qui n’avaient pas la carrure, n’ont pas eu ce courage dans d'autres dossiers où la démocratie électorale a été maltraitée.
Si l’on veut en finir avec des Magistrats qui s’autorisent le “mur des cons” dans leur local syndical, et interfèrent dans le débat électoral, il est urgent de traiter le mal à la racine.
Dans la France d’aujourd’hui, la Magistrature se comporte comme un pouvoir. Pouvoir de faire le droit au nom de la morale. Cette morale n'est pas un conformisme au service des puissants, mais au service d'une idéologie victimaire, inversant la maxime de La Fontaine : selon que vous serez puissants ou misérables, les jugements de cour vous feront blancs ou noirs. Et bien entendu dans le combat politique l'adversaire est toujours le puissant à abattre.
Or, la Magistrature n’est rien de plus qu’une technostructure, sans légitimité démocratique. Elle est l’autorité judiciaire, c’est bien dire qu’elle n’acquiert de légitimité qu’en devenant respectable. Pourtant, elle ne cesse de déborder de ses attributions y perdant comme d’autres parts de l’Etat sa crédibilité.
Du sommet à la base, l’usurpation est à l’œuvre.
Le Conseil Constitutionnel, institué pour veiller à la conformité avec la Constitution, se fait chaque jour un peu plus le gardien de grands principes, qu’il détermine selon son bon vouloir. Il perd de vue que les principes universels ne sont pas hors du temps. Chaque époque les adapte au nécessités du moment. Ceci explique que l’éthique, la conduite correcte, puisse parfois diverger de la morale absolue, celle qui est conforme au bien. Ainsi quand il s’agit de se défendre contre le terrorisme islamique, il est stupide d’opposer l’Etat de droit, car l’instinct de conservation lui est supérieur, cela s’appelle la légitime défense.
Ni le Conseil Constitutionnel, ni le Conseil d’Etat, ni la Cour de Cassation et encore moins les Cours d’appel et tribunaux ne sont des instances morales. Pourtant, les Juges ne cessent de délivrer des messages de moralistes. Ils ne disent pas le Droit mais le Bien. Cette tendance est aggravée, en France, par le militantisme syndical qui est une distorsion de la morale au service d’intérêts politiques.
Ce phénomène n’est pas limité à la France, il s’étend sur les Institutions européennes où des Juges qui n’ont été élus par personne se permettent de dicter le droit aux Etats, en oubliant que celui-ci résulte d’un système de principes juridiques. Ils se conduisent cependant comme si le Droit existait en lui-même, qu’il existait en quelque sorte un droit naturel. Cette conception est celle de la Common Law Anglo-saxonne, elle est contraire à la vision greco-latine du droit qui donne au peuple la seule légitimité pour définir la loi. S’il est un ferment de division de l’Union, c’est bien cette conception divergente du Droit.
Nous ne pouvons avoir un corpus légal et réglementaire de conception latine et des juges qui se prennent pour des shérifs.
La grande réforme à opérer, peut-être, prioritaire par rapport à celle de la haute fonction publique est celle de la Magistrature.
Sous l’Ancien Régime le Clergé soutenait la noblesse d’épée, les juges sont nos ecclésiastiques d’aujourd’hui. Ils portent soutane et sous ce couvert décrètent la morale, mais à y regarder de près c’est toujours les intérêts de la noblesse d’Etat qu’ils protègent. À charge pour celle-ci de les tenir indemnes de toute faute. (Voir ci-après l’article : A ce que nul n’en ignore). L’insolence de certains magistrats, à moins que ce ne soit de l’inconscience, va même jusqu’à exiger de choisir le Garde des Sceaux.
Aussi étrange que cela pourrait paraître, la réforme de la magistrature est simple à réaliser. Il suffit de la rappeler à ses devoirs d’impartialité... Le reste suivra.
Dans sa session 2000/2001, le Sénat proposait une loi organique relative au serment des magistrats.
Il était rappelé que la notion de serment, qui vient du latin sacramentum, signifie rendre sacré, et correspond à l'affirmation solennelle d'une personne en vue d'attester la vérité d'un fait, la sincérité d'une promesse, l'engagement de bien remplir les devoirs de sa charge. Les serments sont de plusieurs sortes : le serment professionnel prêté par les magistrats, les notaires, les huissiers..., le serment d'Hippocrate, énonçant les principes de déontologie médicale ou encore le serment judiciaire prêté devant un juge qui peut être décisoire, promissoire ou supplétoire, et le serment politique peu usité en France.
Le serment professionnel auquel sont soumis les magistrats, dont le contenu est le suivant : " Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat " (article 6 du statut de la magistrature) doit être renforcé et actualisé, annonçait le projet de loi, invoquant des motifs techniques plus que de fond.
L'article unique était ainsi rédigé :
" Tout magistrat, qu'il soit du siège ou du parquet, doit réitérer, à chaque changement d'affectation, devant la juridiction à laquelle il est nommé, sa prestation de serment dont la teneur suit : " Je jure de me comporter en tout comme un digne et loyal magistrat intègre, libre, impartial, respectueux de la loi, des droits de toutes les parties et du secret professionnel. "
L’impartialité introduite dans le serment aurait évité le « mur des cons », rendu impossible la politisation syndicale, et sans doute d’autres dérives que les juges se sont accordées au cour du temps.
Bien entendu, ce projet a été enterré.
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A ce que nul n’en ignore !
Pas plus que les hauts fonctionnaires, les juges ne font jamais réellement face à leurs fautes. Les arcanes du monde judiciaire sont complexes, difficiles à décrypter, mais un exemple est particulièrement éclairant. Reprenons le ici, à ce que nul n’en ignore.
On se souvient du Juge Fabrice Burgaud. L’affaire d’Outreau, le fiasco judiciaire du siècle en France. Il n’est pas le seul magistrat responsable, mais les autres ont surtout suivi sans y regarder de près ses décisions.
Rappelons brièvement les faits.
Décembre 2000, les services sociaux de Boulogne-sur-Mer signalent des soupçons d'abus sexuels sur des enfants dans un quartier populaire d'Outreau, la Tour-du-Renard.
En février 2001, le dossier est confié au juge Fabrice Burgaud. Il ordonne l’arrestation de Thierry Delay et de son épouse, Myriam Badaoui. Des voisins sont aussi mis en examen.
En novembre 2001, sur son ordre, six nouveaux suspects, dont l'huissier de justice Alain Marécaux et son épouse, un chauffeur de taxi et un prêtre-ouvrier, sont arrêtés, essentiellement sur la base des déclarations de Myriam Badaoui.
À la suite de l'acquittement général intervenu en appel, l'Assemblée nationale décide, fin décembre 2005, de créer une commission d'enquête parlementaire. Elle est présidée par André Vallini.La France suivra les auditions en direct. Le public apprend comment des vies d’innocents ont été saccagées. Le juge Burgaud est entendu, son incompétence apparaît au grand jour. L’opinion se demande comment on peut confier des pouvoirs aussi exorbitants à une personnalité aussi falote.
Le vendredi 24 avril 2009, le Conseil supérieur de la magistrature inflige une « réprimande avec inscription au dossier » au juge Burgaud. Sa défense envisage un recours auprès du Conseil d'État, avant de renoncer définitivement à tout recours le 13 juillet 2009.
Le 1er septembre 2011, Fabrice Burgaud a été nommé magistrat du premier grade à la Cour de cassation, en qualité d'auditeur, c'est-à-dire chargé de préparer les dossiers soumis à la Cour. Il est responsable du bureau de droit européen au Service de documentation, des études et du rapport.
Par décret du 21 décembre 2017, Fabrice Burgaud est promu avocat général référendaire à la Cour de cassation, il est affecté à la troisième chambre civile. Cette promotion a été critiquée en raison de son caractère exceptionnel et pour ce qu'elle révèle d'un refus de l'institution judiciaire de s'interroger sur ses erreurs et ses fautes, mais surtout elle démontre que la Justice est aveugle, surtout avec les magistrats.
Conclusion : on savait que les magistrats n’étaient pas des être parfaits, c’est d’ailleurs la raison d’être des avocats que de les rappeler à l’image du Juge idéal, mais quand Dupond-Moretti parle de mettre fin à l’entre-soi, on ne peut lui donner tort.
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