Du bourrage de crâne version "light" du lavage de cerveau
- André Touboul
- 5 oct. 2020
- 3 min de lecture

La corporation la plus sourcilleuse quant aux critiques qu'elle encourt est celle de journaliste ; et pourtant jamais la crédibilité de la Presse n'a été autant et si gravement mise en doute ; son discrédit le dispute avec celui des politiques.
La raison est que les médias n'assument pas leurs partis pris. Au lieu d'informer et de débattre, ils pratiquent le bourrage de crâne. L'une des armes les plus fréquemment utilisées dans cette entreprise est la répétition. On appelait cela jadis la campagne de presse, plus récemment on parle de "bashing" . Comme un virus, un fait ou une opinion discutable se refile de l'un à l'autre, et très vite devient un fait établi ou un jugement fondé.
La capacité d’un mensonge à se transformer en vérité quand il est répété un grand nombre de fois, tient à un phénomène mental profond qui veut que l’on ne considère comme vrai que ce qui « sonne vrai », c’est à dire ce qui provoque une sensation agréable de familière reconnaissance. Est "vrai" ce que l’on a déjà entendu ou lu, et aussi ce dans quoi l’on peut trouver des éléments de "déjà vu" ," déjà ouï" .
C’est la raison pour laquelle les faits présentés sous forme de raisonnement articulé ou de manière narrative d’une forme habituelle, sont pris a priori pour vrais. Le storytelling repose sur ce mécanisme qui place l'auditeur ou le lecteur dans un contexte narratif familier qui accrédite le fait nouveau.
Les philosophes ont de tout temps invité à exercer son esprit critique. Du "Je sais que je ne sais rien" de Socrate, au "Que sais-je" de Montaigne, en passant par le doute systématique de Descartes, Cela consiste à mettre en examen tout ce qui se présente comme vrai et à lui demander ses papiers.
La chose est plus vite dite que faite. Distinguer les fake news et les vérités alternatives ne tient d'ailleurs pas de la même démarche. Une fausse nouvelle, un fait faux relève de la vérification objective ; mais, le plus souvent, l'on se contente de ce qui a l'air vrai ; ce qui ressemble à un fait antérieurement admis. Il n'est pas toujours possible, et l'on ne prend pas souvent le temps de la recherche. C'est alors que la garantie de l'information plurielle intervient. Mais cette pluralité est elle-même sujette à caution. Par chance, l'on dispose aussi de la richesse de contenus d'internet qui permet d'avoir accès à des sources diversifiées. Chacun peut alors se faire son propre journaliste, croisant les sources. Et l'on découvre parfois de singulières contrevérités dans le discours que l'on doit bien qualifier d'officiel, c'est à dire, celui des médias.
Les réalités alternatives sont celles qui relèvent de l'interprétation. Hélas, cette opération ne dit que rarement son nom. Au contraire, elle présente toujours ses extrapolations de faits divers en faits de société comme des observations objectives, ce qu'elles ne sont pas.
L'ensemble de ces pratiques a pour finalité de faire obéir le particulier aux consignes sociales. Pas forcément celles des Gouvernements, mais toujours celles qui vont dans l'intérêt des élites dirigeantes.
Le lavage de cerveau serait imparable, si chacun d'entre nous ne disposait de ses propres observations du réel, et ne constatait des raisons de douter d'un discours préfabriqué. L'idée des médiâtres est que la vérité toute nue est toxique pour le vulgum pecus, et que la "pédagogie" est nécessaire pour maintenir ou conduire dans le droit chemin un public imbécile. Par exemple, quand un journaliste porte un masque anti-covid pour commenter la tempête dans un vent de 180 Km/h, on perçoit le message. Mais à trop vouloir maitriser les esprits, on se les aliène. On peut entendre la consigne du confinement, mais l'idiotie insultante qui va au delà en ruine la crédibilité.
Curieusement, quand on pénètre dans le détail et les substrats implicites des vérités que l’on nous présente comme premières, les certitudes se lézardent.
On constate que les organes de presse se contentent de se reproduire les uns les autres, la plus mauvaise façon de se répliquer.
La désarroi commence alors quand on découvre l’incertitude qu’il faut affronter avec une nouvelle grille de lecture que personne ne propose. La tentation est alors forte de substituer le complotisme à la pensée correcte.
Ce refuge est illusoire, les complots sont moins fréquents que l’on croit, car ils demandent beaucoup d’intelligence et d’efforts, pour de piètres résultats.
Distinguer le vrai du faux, n’est pas non plus rester dans l’entre-deux, c’est d’abord s’interroger sur ses propres critères de jugement. Si l’on constate que se rallier à l’opinion du plus grand nombre, celle des gens (les gens pensent que), on se laisse guider par les statistiques, l’on est sujet au panurgisme. Si l'on se questionne sur l'intérêt personnel que l'on a dans telle ou telle "vérité", on s'approchera de la solution et du conseil socratique à celui qui recherche le savoir : "connais-toi, toi-même"!
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