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Du rififi au PFN

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 13 août 2021
  • 5 min de lecture

Le Parquet National Financier, alias PFN, selon l’acronyme désormais utilisé par les médias, refait parler de lui. L’institution, née des suites du scandale Cahuzac, s’était compromise dans l’affaire Fillon par sa célérité aussi inaccoutumée que suspecte, et son zèle contraire au respect du débat démocratique. Elle s’était fourvoyée dans l’affaire des écoutes Sarkozy/Herzog, qui pourrait être l’archétype du dossier à tiroirs.


L’une des métastases de cette singulière affaire où les conversations d’un ancien Président de la République, chef de l’opposition, avec son avocat furent traitées par la technique du filet dérivant, (on écoute tout, et on fait le tri), a été l’affaire des fadettes, elle-même décomposée en plusieurs sous-dossiers : celui de la taupe et ceux consécutifs du conflit d’intérêt de Dupond-Moretti et des dénonciations du juge Amar qui font penser à « Règlement de comptes à OK Coral », en attendant d’autres mises en examen et plaintes réciproques.

Le Parquet National Financier, pourrait bien vivre ses derniers moments emporté par la bourrasque des scandales dont il a été l’épicentre.


Dans l’émoi suscité par Jérôme Cahuzac, ministre des Finances et fraudeur fiscal, mentant effrontément devant l’Assemblée Nationale, le Président Hollande décidait de créer un Parquet National Financier pour centraliser les affaires complexes et très techniques. Le rapport de cette initiative avec la banale filouterie de Cahuzac, qui n’avait d’original que la qualité du contrevenant, était loin d’être évident. Tout juste pouvait-on arguer d’une volonté d’agir en faveur de la moralité financière, ce qui n’est jamais discutable. En pratique, ce qui était une diversion du Président socialiste pour se désolidariser de son ministre félon, allait se révéler un coup de génie politique, car le PFN soigneusement constitué est devenu une arme de destruction massive de la droite. Fillon, Sarkozy ont été ses proies de choix.


Fort de sa légitimité morale née du scandale dont il était censé être le remède, le PFN s’est tout permis. Placer sur écoute un supposé délinquant est monnaie courante. Etendre cette curiosité à ses entretiens avec son avocat est une violation d’un principe universel de confidentialité. Réaliser ce mauvais coup au détriment du principal opposant au pouvoir en place est une pratique antidémocratique, du genre de celles que l’on reproche (à juste titre) à des régimes du style de celui du sieur Poutine.


De cette faute originelle allait découler une cascade de dysfonctionnements, un euphémisme pour ne pas dire désastres.


Le premier a été de surprendre dans une de ces conversations des propos qui pouvaient être interprétés comme des intentions de corruption. Ce fut l’affaire Azibert. Ce dernier Magistrat à la Cour de Cassation aurait été approché avec l’idée d’obtenir de lui des informations sur l’état d’avancement d’un autre dossier intéressant Nicolas Sarkozy, l’affaire Bettencourt, où l’ancien Président fut blanchi.


Etrangement, selon les procureurs du PFN, l’idée du pacte fut abandonnée. Il y avait donc, selon eux, eu une taupe qui avait averti les intéressés du fait qu’ils étaient sur écoute. On décida donc, au PFN, d’éplucher les fadettes d’une quinzaine d’avocats et de quelques magistrats, pour savoir qui avait parlé à qui, et qui se trouvait où à tel ou tel moment. Bref de la barbouserie ordinaire, sauf qu’elle fut réalisée hors dossier et en marge également de l’interdiction d’espionner les avocats sauf à disposer d’éléments de preuve qu’ils commettent un délit. Ces investigations n’ont rien donné, sinon trois conséquences fâcheuses : elles ne furent pas versées au dossier, ce qui est une violation de l’obligation d’instruire à décharge autant qu’à charge, elles ont provoqué la fureur des avocats espionnés, et elles ont laissé béant le soupçon de trahison au sein du PFN.

Malgré les irrégularités de la procédure, qui auraient justifié l'annulation de la procédure, Nicolas Sarkozy et Me Herzog ont été condamnés en première instance, au motif que l'intention suffit à caractériser le délit. La Cour d’appel est saisie.


Mme Belloubet, Garde des Sceaux, ayant ordonné une enquête sur l’affaire des fadettes qui avait fortement ému le monde des avocat, celle-ci fut reprise par son successeur Dupond-Moretti, aussitôt poursuivi pour « prise illégale d’intérêt », ayant été lui-même victime. Tout de go, il est mis en examen. Ce qui est reproché au ministre est d’avoir fait prospérer une enquête sur le comportement de certains magistrats. Lesdits magistrats que l’on croyait avoir la religion de la vérité chevillée au corps, se sont révélés allergiques aux investigations. "Etonnant, non ?", aurait dit le Monsieur Cyclopède de Pierre Desproges, explorateur de l'absurde.


Malheur à qui par qui le scandale arrive, les remous atteignent désormais le cœur même du réacteur. On apprend, en effet, qu’un des procureurs du PFN, Patrick Amar, avait soupçonné son ancienne supérieure hiérarchique, Mme Houlette, d’être « la taupe de Sarkozy », et avait mené sa propre enquête, hors dossier et hors procédure. Les pouvoirs d’enquête appartiennent à l’institution et non à chacun de ses membres. Il est donc constitutif d’un abus de pouvoir que de mener des enquêtes parallèles hors hiérarchie. La seule chose que pouvait faire Patrick Amar, soupçonnant sa supérieure, c’était de réclamer au-dessus qu’une enquête soit diligentée.

Reconnaissant n’avoir pas la moindre preuve, et se prenant pour un justicier dans la ville, il n’en dénonçait pas moins « la coupable » dans des termes particulièrement insultants, évoquant « l’inexpérience, la panique, et l’incompétence ».


Ainsi la paranoïa qui avait imaginé l’existence d’une taupe qui aurait informé l’ancien Président qu’il était écouté, a produit ses effets délétères.


Ce genre de dérèglements est la conséquence inévitable des premiers errements de procédure rappelés plus haut. En effet, une fois sorti du droit chemin, tout devient possible.


La Justice est comme la femme de César, elle doit être insoupçonnable. A défaut elle perd toute autorité, ce qui est fâcheux pour ce que la Constitution définit justement non comme un pouvoir mais comme une autorité.


La leçon que l’on peut tirer de l’ensemble de ce gâchis est que la première qualité du juge est d’observer religieusement la loi. Ce sont des bombes à fragmentation qu’il fait exploser, chaque fois qu’il prend de libertés avec elle. La faute originelle fut de placer Me Herzog sur écoute à propos de l’affaire libyenne, où il assurait son rôle d’avocat, et rien d’autre.

La Cour de Cassation a validé l’utilisation de ces écoutes dans l’affaire Azibert, cela ne les a pas rendues plus saines, et le malsain s’est propagé jusqu’à corrompre l’institution elle-même, de sorte que la suppression du PFN est désormais évoquée.


Bien entendu, les défenseurs de cette formation spéciale que certains dénoncent comme une officine, sont fondés à dresser la liste importante des affaires financières traitées avec succès par le PFN, hors des dossiers politiques. L’argument est d’une portée limitée. En effet, ces mêmes dossiers auraient été traités avec autant de compétence par les autres parquets, comme ils le furent par le passé. Etant devenu le symbole de tout ce que la Justice ne doit pas être, sans loi ni morale, le Parquet National Financier porte désormais préjudice aux autres tâches qui lui incombent et qu'il est impératif que la Justice traite.


La Justice française est dans son ensemble bien mal en point. Les derniers errements révélés par l'assassinat du père Olivier Maire, victime de sa charité à laquelle on doit rendre hommage, mais aussi de celle mal placée des juges administratifs qui se sont par neuf fois opposés à l'expulsion du futur incendiaire de la cathédrale de Nantes, puis assassin, ont mis en lumière une autre maladie du système, celle de sa justice administrative.


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