Homage au coiffeur de Boris
- André Touboul
- 1 janv. 2021
- 3 min de lecture

Comme nous l’avions pronostiqué, à plusieurs reprises et sans beaucoup de risques, un accord a été trouvé, in extremis, pour organiser le Brexit.
Il est dans la culture britannique de se battre jusqu’au bout, et même au delà, surtout si la cause paraît perdue d’avance. Il n’est pas nécessaire d’espérer pour lutter, ni de réussir pour persévérer, tel est l’ADN de ces européens des îles, qui ont institué l’individualisme libéral en religion.
La discorde était larvée, mais l’accord était fatal. Il existe des conflits entre les intérêts politiques et économiques, mais à la fin ce sont toujours le business qui gagne. L’honneur est sauf. Les Anglais n’ont pas plié, les Continentaux ont tenu la discipline. Chacun se retire le front haut.
Il est un travailleur de l’ombre auquel on doit rendre homage pour avoir lutté tout au long de cette négociation. C’est le coiffeur de Boris Johnson. Pas simple, en effet, de conserver pendant des mois, ce savant décoiffé qui atteste de l’indépendance capillaire du chef de gouvernement du Royaume-Uni. Grâce à cet artiste du ciseau, le Prime Minister peut prouver, sans même ouvrir le bec, qu’il s’est livré à un combat échevelé pour défendre les intérêts de l’Empire.
Le Prime Minister devrait cependant se défier. Cette victoire capillaire pourrait se transformer en déroute électorale, car on peut se défier de la gestion d’un homme incapable de discipliner ses propres cheveux. Certes, les élections sont lointaines, sauf accident en décembre 2024, mais il est peu probable qu‘en quatre ans les avantages de la sortie se soient faits sentir. Et quand bien même ce serait le cas, on se souvient que Winston Churchill, lui-même, fut remercié par les urnes au lendemain de la victoire, en juillet 1945.
L’accord lui-même est mystèrieux. 500, puis 2000, et enfin 1200 pages; on ne sait plus. On espère que ce soit le même texte signé par tous. Du côté Français, Clément Beaune, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre Le Drian, s’est rué sur les médias. A entendre le juvénile Beaune, peigné comme un premier communiant, l’accord est excellent, et l’on doit maintenant vérifier s’il est bon. Le Diable est dans les détails certes, mais le raccourci est saisissant, il donne le sentiment que le gouvernement français découvre a posteriori un texte pourtant majeur pour l’immédiat, mais aussi pour les années à venir.
Fini le Brexit, bonjour le Brexout, la gestion de l’après. Et l’on se demandera dans quelques temps « tout ça pour ça ? », car les convergences sont inévitables, mais les litiges aussi. Un océan de dossiers pour les avocats anglo-saxons et les fonctionnaires européens.
Pas un mot de remerciement pour Michel Barnier, l’unificateur des 27, l’infatigable négociateur. Le seul qui ose dire que l’accord est « perdant perdant », car la sortie de l’Union du Royaume-Uni est mauvaise pour tous. Ce silence inaccoutumé du Gouvernement, toujours prompt à se féliciter, et des médias est trop retentissant pour ne refléter qu’une basse ingratitude. On pourrait croire que dans les hauts lieux du macronisme, on craint, que la droite gaulliste ait trouvé, dans ce nouvel héros, son introuvable champion.
Les éditoriaux préfèrent cultiver la sinistrose. Ceux qui n’ont toujours pas pardonné à la perfide Albion d’avoir brûlé Jeanne d’Arc sont terrifiants. Tout à la fois, ils rappellent l’obstructionnisme des anglo-saxons dans l’Europe, la conception uniquement mercantile des Anglais, et déclarent redouter que « l’Europe soit tournée en bourrique » par un dumpling « fiscal, social et environnemental ».
Étrangement, ces épouvantails sont agités par ceux qui habituellement décoincent les excès fiscaux, les lourdeurs sociales et les freins environnementaux. Si un voisin modéré dans ces matières pouvait calmer les fanatiques du tout-Etat de France et d’ailleurs, on devrait bénir les Anglais de s’être sacrifiés pour devenir l’aiguillon qui empêche l’Union de s’endormir pour un long sommeil, telle la Belle au bois dormant qui a mangé de la pomme empoisonnée d’une bureaucratie délirante.
Les Britanniques, plutôt moins convaincus que l’on dit, quittent l’Europe comme on débarque d’un navire qui sombre. On aurait tort de sous estimer le message. Il pousse à serrer les coudes, mais aussi à se rendre plus compétitifs. Mais il est vrai que la compétition est un gros mot pour notre élite d’Etat.
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