Judaïté ?
- André Touboul
- 20 déc. 2021
- 4 min de lecture

On nait Juif. C’est un fait. Pourquoi ? C’est demander pourquoi il fait jour, le jour, et nuit, la nuit. C’est ainsi, et quand c’est ainsi, on ne s’étonne pas de ce que toujours un Juif réponde à une question par une autre question.
De nombreuses fois, l'on se demande ce que cela signifie. Le plus clair des réponses que l'on peut se faire est que l'on a vocation à être persécuté. Non que, de nos jours, et dans bien des cas, l'on ait eu à subir quelque injure ou vexation, et moins encore quelque injustice à ce titre, mais par le plus clair de ce que l'on apprend de l’histoire des Juifs.
Certes le vingtième siècle a rendu ce constat d'une évidence tragique. Mais l'affaire est bien plus ancienne. En lisant ce que l’on présente comme un texte sacré, c’est à dire la Bible, on en est convaincu. Les Juifs étaient sans cesse opprimés : en Égypte, puis à Babylone, et même en terre d’Israël par les Romains. En Europe, ils l’étaient aussi, parfois protégés, mais toujours parqués et rejetés de la société.
La raison de ce sort aussi étrange que constant est loin d’être évidente.
Certes, les Juifs, pour autant que l’on puisse en juger aujourd’hui ont toujours voulu se singulariser, se déclarant peuple élu. Encore que cela soit, depuis l'Holocauste, moins évident. Beaucoup ont voulu s’assimiler aux nationaux des pays où ils résidaient. En Angleterre, en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne ils ont essayé de s'assimiler… mais, à chaque fois, ils ont été rejetés, rendus responsables de tous les maux, expulsés, et même massacrés. A l’Est, ils sont restés parqués comme en Pologne. A Venise on a inventé le mot »ghetto ». En Russie, où ils ont cru pouvoir être émancipés par la révolution communiste, ils ont continué à être l’objet de persécutions spécifiques qui ont perpétué les pogromes du temps des Tzars.
L’accusation d’avoir été un peuple déicide ne suffit pas à expliquer cette haine qui colle à la peau du Juif. Ses malheurs ont commencé bien avant la venue du Christ.
Il faut d’ailleurs une certaine dose de mauvaise foi (si l’on peut dire) pour rendre tous les Juifs responsables de la faute d’un seul, le dénommé Judas. Cela est incompatible avec la religion de pardon que se veut le Christianisme. Autre singularité, outre Jésus qui était Juif, tous les apôtres l’étaient aussi. C’étaient des hommes du peuple. Il est incompréhensible que les Chrétiens haïssent si fort un peuple alors qu’ils chérissent les Évangiles, écrites par des Juifs qu’ils vénèrent Et considèrent comme saints.
On peut dès lors se demander si le statut de persécuté n’est pas consubstantiel au judaïsme profond.
Au commencement… dit la Bible. Au début, donc, l’expulsion du jardin d’Eden pour un affaire de pomme, avec un châtiment éternel. On entend que la pomme symbolise la connaissance, et aussi qu’Adam a transgressé un interdit. Mais pourquoi cet interdit ? La connaissance ne peut être une mauvaise chose en soi, bien au contraire. Le fruit en question ne donnait pas la colique. Il y a, à l’origine même de l’humanité selon les Juifs, une absurdité, sinon une iniquité. Depuis, les fils d’Adam ne se sont reconnus que dans un statut de condamnés sans raison valable.
On dira que Dieu n’a pas à donner ses raisons, mais justement, les Juifs ont, dès le début, admis d’être punis sans en comprendre la raison, ou pour un bien faible motif. On ne peut pas dire pour l’exemple, car Adam était seul dans le Jardin.
Et cela n'a pas cessé. Sans plus d’explication, l’Eternel ordonne à Abraham la circoncision. Et il obéit. Dieu lui ordonne de sacrifier son fils, et il obéit, n’étant arrêté dans son geste qu’au dernier instant. Pourquoi ? Mystère. S’il existe une raison, elle n’est pas dans le texte. Ainsi les Juifs apprennent à subir des épreuves sans savoir pourquoi. Pour le principe. S’ils ont été élus, c’est pour cela. L’ennui c’est que l’on ne sait pas lequel.
Cette situation, pour le moins désagréable, a sa contrepartie, c’est l’espoir d’en sortir. L’attente du Messie dont le règne sera celui de la justice.
Il est vrai que l’espoir de libération d’une sinistre condition a poussé de nombreux Juifs à épouser, sinon imaginer, de multiples utopies. Ainsi, les Juifs furent-ils séduits par le communisme. Leur enthousiasme pour cette idéologie qu'ils ont contribué à prospérer, ne leur a pas permis de s'en sortir, bien au contraire.
Le comble parait atteint quand dans un siècle où c'est la victime qui est à l’honneur, on leur attribue le statut de boureau, sexuel avec Weinstein, Polanski, Epstein, financier avec Madoff, atomique par Einstein et Oppenheimer, politique en terre d’Israël qui est pourtant la sienne.
Les Juifs ont appris à vivre dans le malheur, mais aussi à combattre. La lutte de Jacob avec l’Ange est aussi fondatrice de l’esprit Juif. Jacob ne recule pas dans la bataille et au matin il y gagne le nom d’Israël. Dès lors, chaque Juif s’estime autorisé à parler, voire discuter, directement avec Dieu. C’est sans doute ce privilège qui l’a séparé des Chrétiens qui ont bâti des organisations pour gérer l’intermédiation avec le divin.
En somme, le Juif apprend de son histoire qu’il est condamné à être l’objet d’une injustice, mais il l’accepte mal.
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