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L'art de la trahison

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 18 nov. 2021
  • 2 min de lecture


Edouard Philippe s'est fait une spécialité de se démarquer de ceux qui comptaient sur lui. Soutien de Juppé avant la primaire de la droite, en 2016, il épaule Fillon après le scrutin, puis il est le premier à déserter au prétexte de "l'affaire". Macron élu, il déserte son propre camp, et le rejoint, avec une loyauté d'autant plus proclamée qu'elle a sans cesse tendu à saborder la politique du Président. A son actif : avoir déclenché la jacquerie des Gilets jaunes, et bloqué la réforme des retraite en y introduisant un âge pivot.


Remercié, il crée son propre parti, Horizons, qui s'éloigne plus l'on en approche. Sa stratégie devenir incontournable aux législatives de 2022, et imposer à Macron une cohabitation. On pourrait appeler tous ces revirements des traitrises, mais Chirac n'en avait-il pas fait une méthode politique : trahissant Chaban au profit de Giscard, et Giscard au bénéfice de Mitterrand... Pour sa défense Edouard Philippe pourrait arguer que Sarkozy a trahi Chirac en s'alliant avec Balladur, et Macron a poignardé Hollande dans le dos.


Dans l'art de la trahison, il y a eu des succès, mais aussi des échecs, tel celui essuyé par un autre Edouard, le Balladur qui, ami de trente ans de Chirac et après avoir promis fidélité, crût pouvoir se présenter contre lui, enivré par les sondages qui le donnaient gagnant. Porté par ce même type de sondages flatteurs, Edouard Philippe estime son heure venue.


Mais que représente Edouard Philippe, sinon un expédient pour l'élite d'Etat de se maintenir aux affaires ? Il ne semble pas avoir compris ce qu'avec réalisme Alain Minc, haute figure de cette élite énarchique, reconnaissait récemment : "Nous étions la pensée dominante", déclare-t-il, sur le plateau d'Eric Naulleau sur Paris Première "Restons zen". Pathétique, il estime être désormais un "marginal", voire un "rebelle".


Edouard Philippe représente la France d'avant, avant Macron quand il supprime l'ENA et les Grands corps, avant Zemmour quand il libère l'opinion de son autocensure, avant la covid qui a mis à nu l'incurie de nos hauts fonctionnaires. Mais ce n'est pas seulement pour cela qu'il échouera. Son erreur est de ne pas respecter une règle d'or de l'art de la trahison : on ne peut à la fois trahir et soutenir dans le même temps. La déloyauté devient criante, et le peuple n'aime pas les traitres par trop cyniques.


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