L’attentat permanent : pourquoi et comment ils tuent Macron
Le premier, il avait osé les désigner à la vindicte populaire comme les responsables des maux qui ont déclassé la France et ruiné les Français. Ils auraient pu lui pardonner de supprimer l’ENA, leur Alma mater, en la transformant en un INSP, dilution de l’élite de l’élite d’Etat dans un marécage où se noient les réseaux, si efficaces pour se protéger les uns les autres. Ils auraient pu supporter l’abolition des Grands corps, assurance tous risques des carrières et promesses de pantouflages. Mais leur ôter toute leur légitimité et dignité en les faisant dégringoler de leur piédestal, cela leur fut insupportable.
Ce Macron, l’un des leurs, fut, dès lors, plus qu’un ennemi, un traitre. Il devait en subir le sort.
La méritocratie française, cette noblesse du diplôme, selon l’expression de Bourdieu, qui était élevée au dessus du commun par la promotion (quel nom significatif !), n’a pas réagi à sa mise en accusation. Stupéfaction, incrédulité, habitude de se dissimuler pour ne pas s’exposer, la fine fleur de l’infaillibilté d’Etat est restée coite. Rien en tout cas à la mesure du coup qui lui était porté. La dénonciation de son incompétence fruit d’une irresponsabilité systémique a atteint un point de non retour lors de la pandémie Covid. Ainsi la haute Administration est tombée, sans fracas, mollement, honteusement. Il était désormais possible de traiter les énarques d’ânes, puisque le Président lui-même les avait dénoncés comme des incapables toxiques.
Muets sous le choc, les 5000 qui forment l’élite d’Etat, ont, sans qu’ils aient eu besoin de mot d’ordre, simplement cessé de soutenir le Chef de l’Etat. Ainsi Macron s’est retrouvé seul, sans pouvoir s’appuyer sur les Corps intermédiaires, partis politiques, syndicats, collectivités locales, qu’il s’est employé à démonétiser.
Ceux qui avaient pour fonction naturelle de relayer sa parole, comme étant celle de l’Etat, s’en sont pris à chacune de ses phrases. Les médias, que les 5000 contrôlent directement ou indirectement, et auxquels ils donnent le “la”, ont pu se déchaîner sans frein. Aucun mot sorti de la bouche présidentielle n’avait grâce à leurs yeux. Ce fut le Macron bashing.
Rien ne trouve désormais grâce aux yeux des médias. Du « quoiqu’il en coûte » de la pandémie, on a retenu que les déficits abyssaux ; cette mesure d’une ampleur sociale sans précédent ne fera pourtant qu’aggraver son passif. Macron était le Président des riches, il l’est resté. Des jeux Olympiques réussis malgré les mauvais augures, de la divine surprise d’un flot de médailles, de la reconstruction de Notre Dame de Paris dans les délais qu’il avait promis et que tous jugeaient insensés, rien ne fut porté à son crédit.
On ne cessera de lui reprocher la dissolution surprise et son absence de nécessité, en oubliant que Jacques Chirac fit de même, et fut plus tard réélu. Macron rendait la parole au peuple, on le fait responsable du chaos politique qui en résulte, mais qui, pour être juste, est le fait de partis politiques aux comportements insensés. De fait, Macron aurait dû prévoir que la classe politique française est peuplée de “zozos irresponsables” pour reprendre la formule de De Gaulle en 1968, qualifiant ceux qui voulaient se saisir du pouvoir qu’ils disaient tombé dans le caniveau.
Les fautes de carre d’Emmanuel ont aidé les 5000 à le tabasser politiquement. Le « en même temps », est, il est vrai, est propice à la critique. Il permet de souligner les contradictions et permet de tout présenter comme une incohérence. Et, honnêtement, plus d’une fois, c’en est.
Vainement, Macron s’est débattu comme un poisson hors de l’eau. Voulant étonner par sa vison précoce des problématiques internationales, il s’est enfermé dans une incompréhension de plus en plus épaisse. Nul n’a compris qu’il parle d’envoyer des troupes au sol en Ukraine.
Lâché par l’élite d’Etat et le microcosme médiatique, Emmanuel Macron doit-il démissionner ? Cela serait l’accomplissement de sa mort politique.
On lui enjoint de suivre l’exemple de Charles De Gaulle, s’en allant drapé dans son orgueil de géant de l’Histoire de France. Mais s’il partait, lui Macron ce serait la queue entre les jambes, et par la petite porte.
Il préférera, évidemment, se référer au précédent de François Mitterrand qui s’arrima bec et ongles à son mandat pour laisser passer la tempête, et fut réélu.
L’Etat de droit que l’on invoque à tout propos et souvent hors de propos, donne à Emmanuel Macron toute légitimité pour se maintenir.
Il peut aussi invoquer le manque de légitimité d’un parlement mal élu, sans maturité et divisé, déconsidéré devant l’opinion, incapable de se concerter dans l’intérêt supérieur de la France. Il serait fondé à se présenter comme le seul point fixe de garantie de la continuité républicaine.
La rancœur des 5000 n’ira pas jusqu’à ameuter la rue contre Macron. Ils ont trop peur pour eux-mêmes d’ouvrir cette boite de Pandore. De plus ils n’ont aucune structuration, aucun chef, aucune discipline qui permette de concevoir et mettre en œuvre un tel complot.
Les 5000 sont une élite inorganisée. Ses membres au demeurant en viennent à douter d’eux-mêmes. Les infaillibles parmi les infaillibles n’ont-ils pas commis la pire des fautes professionnelle en se trompant de plusieurs dizaines de milliards sur le déficit 2024 de l’Etat ?
Ils ne pardonneront pas pour autant à Macron, mais il est à prévoir qu’ils le laisseront aller jusqu’au terme de son mandat, car il représente la seule garantie d’ordre et de maintien d’un système qui leur va si bien. Bien entendu, les 5000 ne contrôlent pas les forces politiques extrémistes que leur incurie a fait naître, et celles-ci feront tout pour précipiter la prochaine élection présidentielle.
Avant de reprendre une utilité politique du fait de la chute inévitable à terme plus ou moins rapproché du Gouvernement, Emmanuel Macron peut se distraire sur la scène internationale et y pérorer sans conséquence, car la France n’a plus de rôle majeur dans la conjoncture planétaire.
Quoi qu’il arrive désormais, Macron aura été exécuté par ceux qui auraient dû être sa garde prétorienne, et qu’il aura trahi, certes dans l’intérêt du peuple français, mais en décevant leur confiance. On peut cependant penser qu’à force de vouloir poignarder le Président dans le dos, les 5000 se livrent, en vérité, à un harakiri collectif.
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