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L’autorité se mérite

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 26 mai 2021
  • 5 min de lecture


Il devient banal de dire qu’il faut un projet à la France. Non seulement pour orienter ses choix politiques, et encore plus profondément pour faire nation.


Mais tout projet même partagé ne ferait pas l’affaire. Le projet des partisans de la décroissance n’a aucune vertu mobilisatrice. La défense du climat qui ne souffre pas de contradiction, mais ne réunit pas autour d’un drapeau, fut-il européen. De même, la défense des droits de l’homme qui consiste à donner des leçons au reste du monde qui n’en a cure, n’est pas un projet de société fondateur d'avenir.


Dans le passé récent, les moteurs de la société française ont été le niveau de vie, c’est à dire l’accès à un consumérisme défini comme seule mesure du progrès. La télévision, la machine à laver, les arts ménagers chantés par Boris Vian ne font plus rêver. C'est un acquis, et l'on est entré dans l'ère des indices, des courbes et des pourcentages. Mais on meurt pour sa Patrie, pas pour un ou deux points de PIB.


La nationalité européenne, qui a une réalité sociologique, est un étendard derrière lequel les peuples d’Europe auraient pu se réunir, comme en quête d’un panache blanc. Les forces centrifuges ont, pour l’heure, prévalu. Sans doute la présence d’une immigration ni européenne, ni chrétienne et ses conséquences idéologiques a joué dans le sens de l’euroscepticisme ; pour les gauches et une partie de la droite, le sentiment européen est assimilé à une xénophobie, une islamophobie, ou une résurgence d’un suprémacisme blanc, pour ne pas dire occidental.


L’Europe étant ainsi suspecte, l’enthousiasme de sa construction, qui est désormais regardée comme un danger par les Etats-Unis, est sans cesse douché par les critiques contradictoires. Et ce sont souvent les mêmes qui accusent l'Europe de les opprimer et en même temps d'être un ventre mou, sans volonté politique.


Tous les Présidents français ont été pro-européens, chacun à sa manière ; cette constante du pouvoir échoué à entrainer le peuple. L’Union européenne est au mieux perçue comme un mal nécessaire.


Dans la culture nord-américaine la notion de frontière, non pas pour protéger, mais comme une limite à franchir pour se bâtir un avenir est essentielle. Ce qui peut mobiliser les Français n’est pas une défense frileuse, ils s’y réfugieront, faute de mieux. C’est une conquête.


Proposer une nouvelle frontière, transformer les Français en pionniers, voilà un projet qui fait sens. Même si cela ne constitue que la course vers un idéal utopique, ce rêve est une nécessité. Sans lui, dans notre pays, la vie deviendra un véritable cauchemar.


La guerre civile n’est pas un fantasme, elle a déjà été déclarée par les Djihadistes qui considèrent la civilisation occidentale comme incompatible avec leur conception de l’Islam. Nous refusons simplement de l’entendre. Pour que la France ait un avenir autre que dans la violence d’une communauté contre l’autre, il est impératif qu’elle choisisse sont camp. Sans faiblesse, et comme dans toutes les guerres au prix de la mise entre parenthèses de principes en vigueur dans les temps de paix. Seul un message sans nuance sur ce qu’est la France, et sur ce qu’elle ne sera jamais, permettra d‘éviter que des communautés se forment, et cultivant leurs différences se séparent définitivement.


Dépasser les différences n’est pas une fin en soi, car cela ne dit ni comment faire, ni pour quel objectif le faire.

La nation française peut se rassembler sur un art de vivre. Une conception originale de l’avenir. La construction d’une société de liberté qui, par définition, respecte celle de chacun dans l’espace public. Ce projet implique de lutter sans mauvaise conscience contre les agressions étrangères. Il devra définir l’humanisme face au retro-racisme qui en est la négation, à l'islamisme politique qui lui est contraire, et face à l’antispécisme qui brouille tout.


De fait, c’est une prise de position originale, claire et nette face aux grands défis que pose le désarroi intellectuel et moral du temps. Répondre. Voilà ce qu’il faut fixer comme horizon de conquête. Mais justement ce sont les sujets qui fâchent que les politiques évitent soigneusement, et préfèrent laisser dans le flou, comptant sur l’ambiguïté pour emporter les suffrages. Hélas, c’est ainsi qu’ils se déconsidèrent. Ce que l’on attend d’eux n’est pas d’être les apothicaires de l’élection qui pèsent les mots pour complaire sans trop déplaire, mais des montreurs de cap, des pêcheurs à la ligne d’horizon.


Le déclin n’est jamais sans issue. Un peuple peut toujours se relever. Tomber sept fois, se relever huit, dit le proverbe japonais adopté comme titre d’un livre sur sa dépression par Philippe Labro. Même la dépression la plus sévère peut être le départ vers un avenir brillant.


Pour les individus comme pour les peuples, c’est en ayant le courage de sortir du non-dit que l’on sort d'un épisode dépressif majeur.


La repentance des heures sombres du passé, la nostalgie des heures glorieuses n’apportent aucun réconfort, seul le regard vers l’avenir a le pouvoir magique de guérison. En évitant de reproduire les erreurs, et en s’inspirant des réussites, c’est ainsi que commence la reconquête de soi. ainsi la nation française peut espérer vaincre la dépression nerveuse.


L’autorité de l’Etat. Là est le cœur d’une nation. Les Français qui sont aux commandes et ceux qui les conseillent ne cessent de confondre l’Etat et la République. Personne ne veut abandonner le régime républicain. Si l’Etat est critiqué, c’est précisément par le fait qu’il n’est plus fidèle à la République dont l’essence est une démocratie vivante. Or la démocratie ne vit que par la diversité des partis. Parti unique ou partis moribonds, et l’on verse dans un régime autocratique. En constatant la démolition des partis, et des corps intermédiaires par l’élite d’Etat, le citoyen ne peut maintenir son crédit à l’Etat. Telle est l’équation à laquelle l’Etat profond ne peut se soustraire. Mais le respect de l’Etat est si profondément ancré dans la société que les esprits les plus avisés en perdent toute lucidité.


“Un pays qui méprise ses élites diplômées ne mérite pas de vivre” proclame Luc Ferry. Mais que dire d’un pays dont les élites diplômées ont détruit tout ce qui pourrait s’opposer à leur pouvoir ? Partis politiques, corps intermédiaires. Entre le mépris et le "chacun à sa place", il y a un gouffre. “Les hommes déplorent les effets dont ils chérissent les causes” disait Bossuet. Ainsi Luc Ferry peut dans un même souffle déplorer la perte d’autorité de l’Etat, et encenser l’élite administrative qui trahit la République, et scie la branche sur laquelle elle s'assied.


L’Etat, dit-on, a fait la France. L’Etat fort serait donc la France forte. Mais c’est oublier que l’Etat n’est qu’un instrument. Celui qui permet à une nation de tenir ensemble. Or parmi les éléments constitutifs d’une nation figure sa culture politique. Ce sont les rois, qui ont su cultiver les aspirations et intérêts communs, et aussi s’appuyer sur la religion catholique, qui se sont servis de l’Etat pour créer une idée de Patrie française. C'est cette idée de Patrie que les révolutionnaires ont, sans cesse, mise en avant, malgré leurs idéaux universalistes.

La France est aujourd’hui républicaine. L’Etat ne redeviendra fort, et respecté qu’à la condition de se mettre au service de la République. Tant que cette vérité sera perdue de vue par les médias et ceux qui les inspirent, la nation française sera politiquement malade, et son Etat, sa police, ses mœurs et les contraintes qu’il impose seront voués aux gémonies.


En prenant le pouvoir, les technocrates ont cru pérenniser leur statut. Ils n’ont fait que pousser à l’absurde une logique arrogante. On peut affirmer que l’Etat profond s’est mis le doigt dans l’œil, profondément.




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