L’emmerdeur candidat
- André Touboul
- 8 janv. 2022
- 3 min de lecture

La bataille pour la Présidence de la République est engagée.
Au monument à la jobardise humaine, que les médias semblent s’être donné pour but d’édifier en cette circonstance, chacun apporte sa pierre. Les enfonceurs de portes ouvertes et les nageurs à contre-sens de l'évidence ont leur happy hour. Tout sera dit, et aussi son contraire par la horde sauvage des prétendants et la meute enragée des médiâtres. Rien ne nous sera épargné.
Dans ces circonstances où le brouhaha fait perdre toute signification à tout, l’essentiel pour les concurrents est d’occuper le terrain. Eric Zemmour a chauffé la salle, jouant les vedettes américaines. Ce sont maintenant les poids lourds qui entrent en scène.
D’emblée Emmanuel Macron revendique la tête d’affiche avec le coup de l’Arc de Triomphe. Sa sortie de route sur les non-vaccinés affiche sa détermination de monopoliser la scène médiatique. Coûte de coûte. Et cela coûtera, car l’emmerdeur-candidat se montre d’un cynisme rarement égalé dans l’exploitation de la pandémie. Il serait bien surprenant qu’à terme qu’il n’en paye pas le prix.
D’ores et déjà, le grand bénéficiaire de l’épisode est... Edouard Philippe ! Celui-ci tacle le Président en se déclarant, avec cruauté, indulgent sur le fond mais favorable à l’obligation vaccinale. Son apparition souriante, la barbe désormais presque blanche, jouant de sa sympathie naturelle, laisse prévoir que le second mandat d’Emmanuel Macron, s’il a lieu, sera pour ce dernier un chemin de croix, et l’on pressent que son principal tourmenteur pourrait bien être son ancien Premier Ministre.
Les médias, bien que sidérés par la sortie du Président Macron, s’ingénient a chercher du machiavélisme dans ce qui est un couac politique, certes assumé, mais fautif et encore moins pardonnable.
Alors qu’il jouissait d’un avantage de position indiscutable, Emmanuel Macron parait avoir été saisi par l’hubris du monarque : « J’ai envie, j’ai très envie ». Le roi dit « nous voulons ». L’impuissance de l’enfant gâté pointe derrière la formule et sa vulgarité. Plus sûrement que quelques voix qu’il espère glaner, il y gagnera le surnom indélébile de « l’emmerdeur ». Ses déclarations d’amour aux Français seront désormais peu crédibles.
L’absurdité vient ensuite. Comment prétendre convaincre des non-vaccinés en disant qu'il les « emmerde », et leur dénie la qualité de citoyens quand ils n'enfreignent aucune loi ? En vérité, c’est le cynisme qui marque l’ensemble de la séquence. Emmanuel Macron ne parle plus en Président de tous les Français, mais en candidat peu scrupuleux sur les moyens.
On aurait souhaité qu’au lieu de s’extasier sur l’habileté présidentielle à mettre ses concurrents en porte-à-faux, les éditorialistes relèvent cette instrumentalisation choquante de la crise sanitaire et hospitalière. On aurait dû entendre relever l’incohérence entre l’urgence invoquée de faire plier les non-vaccinés et le fait de ne pas avoir rendu la vaccination obligatoire, ce que les Italiens viennent de faire, sans s’arrêter à de fausses excuses. Ils ont démontré que, quand on veut, on peut.
Emmanuel Macron estime, d'évidence, de son intérêt que la covid dure le plus longtemps possible. Cette stratégie d’une rare duplicité ne peut perdurer très longtemps sans apparaître pour ce qu’elle est, c’est à dire celle d’un rare cynisme. Les plus indulgents préfèreront penser que l'exercice du pouvoir corrompt tout y compris l'intelligence, quand il est trop prolongé, mais aussi lorsque l’on y a accédé trop vite.
L’inconvénient le plus immédiat de la « macronade de l’emmerdeur » est qu’elle libère la concurrence de toute retenue. Le ton est donné. On va assister à une surenchère dans le parler cash, et le penser raide. En jouant les décomplexés, Emmanuel Macron a affranchi les acteurs et l’opinion de droite des convenances jusqu’ici admises. Il n’est pas certain qu’il y gagne, car si le torchon rouge excite l’extrême droite, Valérie Pécresse peut aussi sans complexe parler et penser très à droite sans risquer d’être jugée excessive. Sans hésiter, elle est, d’ailleurs, allée chercher dans sa cave le Kärcher que l’on avait tant reproché à Sarkozy en 2005. Ce n’est qu’un début.
En jetant aux orties sa chasuble de candidat raisonnable, Emmanuel Macron a, sans doute, perdu un atout majeur, sans que l’on voie la nécessité pour lui de l’opération. N’en doutons-pas, certains y verront une marque de génie manœuvrier. Mais à un moment où l’on a le sentiment que le Gouvernement prend à l’estime du doigt mouillé des mesures chaotiques, aux effets pifométriques, on attend plus de sérieux de la part du Président de la République.
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