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L’instinct de conservation

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 4 mars 2023
  • 3 min de lecture

Pour Luc Ferry, parler de la victoire de l’Ukraine est une phrase idiote, voire stupide. Délivrée du haut de son infaillibilité professorale et philosophe la sentence est rude. De fait, elle condamne surtout son auteur. Vide d’argument, elle substitue l’invective à la pertinence. On comprend que le chroniqueur à la crinière rebelle ait du mal à reconnaître de ne pas avoir eu raison dès le début où il ratiocinait sur les accords de Minsk et les torts partagés.


Il se défend d’avoir un esprit munichois, on peut lui faire ce crédit. Mais quand il présente Poutine comme le grand gagnant de l’invasion de l’Ukraine, puisqu’il est selon lui devenu le leader des opprimés dans le monde, on se demande où l’entêtment peut porter une intelligence alerte.

Le paradoxe est une plante qui a ceci de particulier qu’elle pousse sur n’importe quel sol et qu’elle prospère de préférence contre toute évidence.


Gagnant Poutine ? Le résultat le plus tangible de l’invasion de l’Ukraine provoquée selon ses déclarations par la progression de l’OTAN a été l’adhésion de la Finlande et de la Suède et va entraîner à terme celle de l’Ukraine. Le coût humain et économique de l’annexion du Donbass est disproportionné avec l’autre solution qui consistait à continuer à miner le régime ukrainien qui ne contrôlait pas vraiment cette région séparatiste.


L’agression russe a été condamnée par une majorité de pays membres des Nations Unies. L’Inde et la Chine n’ont pas soutenu la Russie, et pratiquement personne n’a entériné ses annexions dans le Donbass et même en Crimée.


Certes, en Afrique, la milice Wagner qui loue fort cher ses services à des dictatures militaires, peut aisément attiser le sentiment anti-français. Le grand tort de la France aura été de soutenir des tyranneaux pendant la décolonisation, puis de se reporter sur des démocrates qui, incapables de gérer efficacement leurs pays, sont balayés par des juntes militaires. De là à faire de Poutine le champion du Tiers monde, la marge est large. La Russie ne propose pas une idéologie forte comme le faisait l’URSS. Les prédateurs autour de l’Afrique ne manquent pas. Les Chinois achètent de la terre, des infrastructures et prêtent de fortes sommes ; jusqu’au Royaume-Uni qui accueille le Gabon dans le Common Wealth.


Le bilan de Poutine pourrait être pire, et comme il va persister, il le sera.


Que Jo Biden ait comme l’estime Ferry fait oublier l’Afghanistan est douteux. L’Histoire n’oublie jamais rien, elle ne pardonne pas non plus. Sauf à la confondre avec l’actualité. Mais c’est confondre le commentaire politique avec les potins people.


Certes, Jo Biden, qui ne cesse de surprendre, tel une momie qui sort de son sarcophage, joue parfaitement le coup. Contraint de revenir en Europe, il le fait avec mesure, mais il le fait. Bien entendu on dira avec raison que les Etats-Unis sont gagnants dans cette guerre. Politiquement et économiquement. Mais, cela n’était pas évitable. Dans les situations de crise , ce sont les plus forts qui tirent avantage des tensions. Ainsi la Chine, comme l’Inde qui ne sont pour rien non plus dans la folie poutinienne, tirent leurs marrons du feu.


Quant à l’Europe, qui selon Ferry est comme toujours la grande perdante, elle a montré que malgré le Brexit, ou peut-être grâce à lui, elle était d’une solidité à l’épreuve des balles, au sens propre du terme. Déjà unie contre la pandémie covid, elle se comporte en responsable face au virus Poutine.


Luc Ferry appelle à la rescousse les Védrine, Villepin et Guaino, qui oublient qu’avant l’heure, ce n’est pas l’heure, aussi bien qu’après l’heure, non plus.


L’Ecclésiaste le rappelle avec raison : il y a un temps pour tout. Quand aucun des deux combatants ne veut négocier, le temps n’est pas à parler de paix, sauf à avoir vocation de prêcher dans le désert. Ou pour ne rien dire, car tout le monde veut la paix… à ses conditions. Le temps est aujourd’hui de ne pas permettre à l’agresseur de triompher. Pour des motifs moraux, c’est évident, mais aussi égoïstes. En effet, si le droit international est remplacé par la loi du plus fort, notre sécurité sera tôt ou tard menacée, parce que le monde aura radicalement changé de nature.


Ce qui nous contraint à soutenir l’Ukraine, c’est avant tout, l’instinct de conservation.

 
 
 

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