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L’élégance comme armure





Il avait de l’allure, Michel Barnier face à l’armée des singes à l’Assemblée Nationale. Avec classe, il a donné une leçon de maintien à la Panot glapissante Présidente du groupe LFI, lui décernant avec insistance du “Madame la Présidente” quand elle se comportait en harengère. Paternellement, il a admonesté le jouvenceau Attal, un peu comme il l’avait fait lors de la passation de témoin à Matignon. Sans ménagement, il a mouché Ciotti.


Ces brefs instants d’éloquence ont réjoui le cœur de ceux qui désespéraient que dans le pays de Danton et Mirabeau pour ne citer qu’eux, le style ait déserté les rangs de ceux à qui l’on s’est vu bien forcés de confier notre sort. Mais au delà de l’élégance et du savoir vivre qui lui sert d’armure, le nouveau Premier Ministre a démontré que faute de disposer d’une majorité, et même, se trouvant à la tête d’une minorité absolue, il pouvait encore user de stratégie originale.


La méthode Barnier est en effet, nouvelle. Elle consiste à éviter la dispersion face aux difficultés, c’est ce qu’il appelle la culture du compromis. Avec cette obsession de faire corps, il avait réuni les 27 membres de l’UE pour résister aux tentatives de division du Royaume Uni lors du Brexit. Les Britanniques ont gardé de lui un affreux souvenir, et reconnaissent que, de son fait, le Brexit s’est réalisé à leur détriment.


Le compromis à la Barnier n’est pas le fait de donner satisfaction à tous, car les positions sont souvent totalement incompatibles. Ce n’est pas non plus, et pour la même raison, la prétention de détenir des solutions miracle qui, étant “et de droite, et de gauche”, concilient tous les points de vue, comme le promettait Emmanuel Macron.


Son compromis est la science du troc : donner pour obtenir. C’est aussi savoir désigner le danger commun à éviter. L’ennemi aujourd’hui, c’est la Dette. Il n’a pas tenté de le dissimuler, ni de l’amoindrir. C’est cet épouvantail qui a conduit Le Président Macron à prononcer la dissolution, dans l’espoir secret mais évident de repasser le mistigri au Rassemblement National, afin qu’il se casse les dents. L’instinct de survie des Macronistes menés par Gabriel Attal a fait échouer la manœuvre. Et le pouvoir a continué de lui coller aux doigts, comme le sparadrap du Capitaine Haddock.


Dans la situation actuelle, pour peu que chacun puisse sauver la face, c’est-à-dire continuer à tenir un discours qui convient à sa base électorale, aucun n’a intérêt à faire tomber Barnier. Il est trop aimable d’assumer la catastrophe financière, les mesures draconiennes à prendre, et l’impopularité qui va avec.


Aujourd’hui, seuls les LFI, brexiteurs de la République, veulent le chaos et tout de suite. Tous les autres, préfèrent attendre une accalmie économique pour reprendre leurs catalogues de promesses… business a usual


Tant qu’il fera des compromis avec ceux qui veulent jouer le jeu de la République, Michel Barnier gagnera du temps.


La rupture avec la façon Macron est que ce dernier allait, pour compenser ses positions économiques audacieuses,  chercher des points dans les extrêmes sociétaux, croyant que cette stratégie lui conférerait une caution de gauche. Se nourrissant aux extrêmes, il les a nourris. Ainsi le « en même temps » est devenu un douloureux grand écart.


Le compromis que tente Barnier, à l’inverse, est le rapprochement des proches, la compatibilité des compatibles, où chacun peut faire un effort sans se renier.


Par le compromis, on peut invoquer l’intérêt général, avec le grand écart on perd pied. C’est ce que l’élection législative de 2024 a démontré.


Le compromis selon Barnier ne gouvernera pas au Centre, il donnera des satisfactions à ceux qu’il réunira, sur des éléments que chacun estimera ou pourra déclarer essentiel. C’est une culture du réalisme, car nul ne croit sérieusement qu’il pourrait obtenir « tout son programme, rien que son programme», formule qui a pour finalité évidente de sortir du jeu républicain. On se demande quand les socialistes qui suivent Mélenchon se rendront compte que ce loup, qui veut se faire passer pour végétarien, les mène à l’abattoir. Dans le regard vide de leur chef, Olivier Faure, on perçoit un silence qui resemble à celui des agneaux. En effet, le seul parti, qui ne gagnera rien à la parenthèse Barnier, sera le PS s’il ne rompt pas d’urgence avec les LFI dont les maladies sont aussi létales que contagieuses. Mis à part les socialistes, tous les autres partis vont profiter de la pause Barnier, ils seraient stupides de s’en priver.



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