L’état d’urgence devient permanent, la présidentielle est menacée
- André Touboul
- 10 févr. 2021
- 4 min de lecture

La France est une fois de plus coupée en deux. Il suffit de prononcer un mot, un seul pour provoquer passions et désaccord. Si l’on avait encore le droit de dîner en famille, on verrait se reproduire les scènes où, comme au temps de l’affaire Dreyfus, « ils en ont parlé » servait de légende aux pugilats familiaux.
Ce simple mot est « chloroquine ». A l’Assemblée Nationale, Olivier Véran a, lors d’un échange verbal mais musclé, interdit à une députée d’employer ce mot sacrilège dans l’enceinte sacrée du Palais Bourbon. On est accoutumés aux sorties inappropriées de ce Ministre, le plus lapin-lamentable de tous ceux qui l’on précédé, mais son allergie à ce dérivé de la nivaquine interpelle.
Pourquoi, de tels emportements ? On peut douter des vertus thérapeutiques de la substance dont il s’agit (on hésite à écrire une seconde fois le mot tabou), mais ce n’est tout de même pas de l’arsenic. Et plus Olivier Véran se montre allergique à ce mot qui le fâche tout rouge, plus on s’interroge. Y aurait-il complot ? Mais de qui et pourquoi ?
La vérité est beaucoup plus simple et désolante. Beaucoup de Français ne font plus confiance à leur classe dirigeante. Et d’autres qui ne supportent pas de vivre avec ce sentiment anxiogène de défiance réagissent violemment, à la mesure du besoin de croire dans la protection de l’Etat. Ainsi la France est coupée en deux : pour ou contre la classe dirigeante, pour ou contre la chloroquine.
Olivier Véran n’est pas en cause, il illustre seulement le point de rupture d’une fatigue du régime. La chloroquine n’est qu’un prétexte. Elle symbolise la résistance à l’autorité, et en cela elle est intolérable aux oreilles du ministre.
Le procès de Monsieur Véran est entendu. Il cumule presque tous les griefs que les Français ressassent en ces temps de pandémie. Le ministre est toujours en retard d’une guerre. Il est aujourd’hui évident que les vaccins qu'il promet pour "70 millions de Français" (sic), ne résoudront pas tout.
Il apparaît aussi que les somme colossales versées pour préacheter à Sanofi et Pasteur des vaccins qui n’existaient pas et n’existeront jamais, sont désormais perdues pour rien.
Il se révèle encore que les seules trouvailles efficaces des chercheurs nantais indépendants ont été capturées par les Britanniques.
Il se trouve, encore, que la recherche de traitements, qu’Olivier Véran disait impossible s’agissant d’un virus, est en voie d’aboutir par des recherches israéliennes ou canadiennes.
L’on voit bien, enfin, que la prise en charge des conséquences de la maladie s’est améliorée et qu’il y a moins de morts à déplorer au regard du nombre de contaminés et même d’hospitalisés.
Monsieur Véran, ne s’est pas contenté de se tromper ou changer de discours du jour au lendemain sur le troisième confinement, il a aussi menti effrontément sur les masques, et menti sur les 12.000 lits de réanimation qu’il ne pouvait ignorer impossible à mettre en place. Certes, Olivier Véran s’est ostensiblement fait vacciner, et son geste pudique lui a valu le surnom d'Appolon du Belvédère, mais le produit qu’on lui a injecté est inopérant contre la maladie dont il souffre : l’incompétence.
Il faut vivre dans un régime « adémocratique », comme la France d’aujourd’hui, pour qu’un tel ministre puisse se maintenir.
L’adémocratie est un régime d'apparence démocratique, où l’état d’urgence est permanent, et avec lui les pleins pouvoirs sont arrogés à l'exécutif.
La majorité en place, faite de béni-oui-ouis, choisis pour leur naïveté politique, a prolongé l’état d’urgence pour six mois et à sa sortie l’état de transition pour six mois encore. La France traverse ainsi un régime « adémocratique » qui durera jusqu’aux prochaines présidentielles.
Dans une adémocratie, les médias font mine de débattre, mais ne s’autorisent pas à contester un ministre qui a dans sa main l’interdiction d’exercer de telle ou telle activité, selon son bon plaisir. Un ministre qui dit au peuple ce qui lui est essentiel ou pas. Bien entendu, on le suppose, avec quelque raison, le ministre n’est là que parce qu’il exécute docilement les ordres reçus du Président.
Les Français mesurent ainsi les dangers de confier le pouvoir législatif à une majorité qui appartient, non à un ou plusieurs partis alliés, qui sont à portée d'engueulade, mais à un seul individu, campé sur l'Olympe, le Président qui cumule par le fait les pouvoirs exécutif et législatif, et plus encore peut se dispenser de débat parlementaire pour exercer "sa" loi.
La séparation des pouvoirs, principe fondamental de la démocratie étant bafoué, le régime devient adémocratique. Son caractère bon enfant ne dépend que du seul caprice du Président de la République. La prolongation des pouvoirs exceptionnels abandonnés à l’exécutif conduira à la veille de l’élection présidentielle. Rien n’interdit au Président en place d’en user, pour éviter qu’il y ait une vraie campagne électorale.
Une campagne présidentielle se mène et se gagne avec l’appui d’un parti à vocation majoritaire qui relaie le programme du candidat. Les exceptions historiques ont été celles où il n’y eut pas réellement de campagne. Giscard en 1974, Macron en 2017. Le premier débat n’eut pas lieu dans le pays, du fait que la mort de Pompidou avait précipité l'événement, le second du fait de l’attentat judiciaire contre Fillon en 2017.
Emmanuel Macron l'a lui-même reconnu, il est arrivé au pouvoir « par effraction ». On peut craindre qu’il tente de s’y maintenir en shuntant la campagne présidentielle ou en la cantonnant à des échanges en distanciel sur les réseaux sociaux. Le but de la manœuvre étant de limiter le choix entre lui et Mme Le Pen.
Cet épisode adémocratique peut être une parenthèse, un passage dépressionnaire, suivi d’un retour du beau temps démocratique. Les Français choisiront en 2022, mais ce sera pour eux, sans doute, la dernière occasion de faire revivre la démocratie. En effet, des dirigeants qui sont capables de faire durer deux ans l’état d’urgence sont capables de tout. Derrière l’allergie à la chloroquine, c’est un mal bien plus profond qui est à l’œuvre, ce mal porte un nom, c'est l'Etat totalitaire.
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