L’état des lieux : de mâles en pis
- André Touboul
- 4 févr. 2021
- 5 min de lecture

La troisième guerre Mondiale, les hommes ne l’ont pas livrée entre eux. Ils ont néanmoins enterré leurs morts. Ils ont vu leurs économie paralysées, leurs échanges commerciaux à l’arrêt, leurs activités culturelles reléguées au plan du non essentiel. Mais aussi, comme dans tous les grands conflits, la recherche scientifique a fait de surprenants progrès.
Et la guerre n’est pas finie. L’ennemi est un virus malin. Mais il y a eu un avant-guerre, il y aura un après-guerre. On pansera les plaies, et on comptera les points, le bons et les mauvais ; comme pour tous les événements d’ampleur mondiale, ce sera une épreuve de vérité.
Il serait absurde de rendre la mondialisation responsable de la pandémie. Il y en eut depuis des siècles qui décimèrent les nations. Mais si les aliens pathogènes n’ont pas vraiment innové, ce sont les hommes qui ont changé dans leur perception de la maladie. A la fois immédiat et mondial, le phénomène est l’occasion d’une mutation des mentalités au regard de la mort qui est désormais un scandale, inacceptable, alors qu’il n’y a rien de plus naturel que mourir. Ce n’est pas aux vivants que l’on accorde du prix, ce sont les morts que l’on refuse. L’humanité semble avoir changé de paradigme. Les morts ne sont plus des héros, auxquels on érige des monuments, ce sont des cadavres que l’on cache. L’idée que l’on puisse mourir dans la rue est insupportable. Oui, quelque chose a changé au royaume de nos pères.
Les périodes de transition sont celles où l’on s’interroge sur les forces telluriques qui secouent les humains comme un champ magnétique et déterminent leurs passions. Les puissants moteurs qui font mouvoir les peuples sont économiques et culturels. Assurer la matérielle et se réfugier dans les certitudes intellectuelles sont les carburants de leurs émotions.
A première vue, la révolution qui domine et submerge le monde est technologique. Un bouillonnement derrière lequel le politique, défini comme l’exercice en commun de l’intelligence, est à la remorque, sinon à la ramasse.
La révolution qui est à l’œuvre en ce siècle est informatique, celle de l’information immédiate et sans limite. L’accès aux savoirs, la connaissance des événements en temps réel, la communication des émotions comme des feux de brousse, sont les traits dominants d’un monde connecté.
Le rétrécissement de la planète relève des facultés de voyager, et de l’interaction entre les peuples qui résulte de la révolution industrielle qui la rendait exiguë. Mais, les liaisons informatiques ont fait de cette proximité d’autrui une promiscuité. On parle à un voisin qui est de l’autre côté de la Terre, et on le voit. De fait, le développement des échanges et le partage international du travail est un sous-produit de la révolution informatique.
Ce rapprochement s’est aussi manifesté dans la lutte sanitaire, on a vu des frontières se fermer et des concurrences se manifester, mais surtout des solidarités inédites ont émergé.
Cependant, l’innovation technologique fait planer sur l’humanité plus de craintes que d’espoirs. Pour la première fois l’humanité dans son ensemble est un danger pour elle-même à travers son environnement.
La fenêtre de l’espace connaît un regain de faveur. Un refuge fantasmé, pour répondre à l’épouvantail d’une planète devenue inhabitable.
L’avancée de la science explique souvent le sens de l’histoire. Sans l’explosion des connaissances en bio génétique, les débats sur la procréation n’existeraient pas. Mais ils ont pris une ampleur gigantesque en raison d’un autre mouvement culturel, celui-ci politique et d’une ampleur gigantesque : la chute du patriarcat.
En effet, s’il existe un séisme faramineux qui monte des profondeurs pour atteindre la surface des affaires humaines, c’est bien la chronique de la fin annoncée de la suprématie des mâles comme mode d’organisation politique et culturelle de l’espèce humaine.
Ce type d’exercice du pouvoir est tellement ancien, général, malgré quelques exceptions, qu’il s’est installé comme un conformité à la nature ; ce qui, il faut bien le reconnaître, est une usurpation, et une abomination qui ira jusqu'à assimiler la femme au diable, le mal personnifié.
Né au début du 20ème siècle dans le monde anglo-saxon, avec le mouvement des suffragettes, le féminisme n’a cessé de progresser. Passant de l’émancipation, à la libération, puis à l’égalité. Et comme les balanciers ne s’arrêtent jamais à l’équilibre, le mouvement féministe tend à prendre le pouvoir.
La mise en accusation de la gestion masculine de l’espèce humaine, caractérisée par la guerre et la violence domestique est en marche. Accusation un peu rapide, et injuste, car les hommes ont aussi conçu et développé d’autres biens et accompli d’autres exploits.
Néanmoins, alors que la fin du monde était redoutée au cours des âges par un déchaînement divin ou une catastrophe naturelle, c’est désormais l’homme et sa perte de contrôle des éléments qu’il déstabilise qui laissent craindre l’apocalypse. C’est l’homme qui fait peur. Et bien entendu l’inconséquence masculine dont les pulsions agressives sont incontrôlées.
Les valeurs féminines, car il y en a de spécifiques, ont progressivement mené combat, et se sont imposées. La protection, la précaution, la défense des faibles, l’incantation égalitaire, envahissent les esprits. Les chasses aux sorciers concernent les mâles blancs désormais accusés de tous les maux et de tous les abus.
Dans la lutte darwinienne pour la vie désormais menacée par les mâles aux impulsions inconséquentes, les valeurs féminines ont colonisé la culture. D’abord occidentale. Puis elles se sont heurtées au monde musulman.
Les printemps arabes, sont des courts circuits entre une culture traditionaliste avec des informations diverses et immédiates que les autorités n’ont pas le temps de digérer, et qui surtout véhiculent les valeurs occidentales réputées féminines. Il n’est pas indifférent que le voile, signe de soumission de la femme, se soit répandu dans l’Islam, en réponse au féminisme occidental.
A cet égard, les retours de religions ne sont pas des moteurs, mais des freins.
Ce sont des refuges pour des identités troublées et sans grille de lecture des événements du monde.
Les reflexes identitaires s’exacerbent dans les situations de crainte pour l’avenir, assez souvent en raison d’incertitudes économiques, mais surtout dans le monde d’aujourd’hui, par crainte de voir contester le statut du mâle. On instruit le procès du mâle blanc, mais le mâle oriental et extrême oriental est bien plus réfractaire à l’égalité des sexes, vécue comme une volonté de castration. Les procès menés en Occident contre les violeurs, n’ont rien pour les rassurer.
Les bouffées de dénonciations d’abus sexuels qui, sous couvert de libération de la parole, sont souvent des lynchages médiatiques, n’ont rien à voir avec la morale, ni un ordre moral, ce sont des compétitions victimaires. Un raz de marée de droits quand les devoirs, valeur masculine, sont rebutants. Les droits des femmes, des noirs, des minorités, des enfants... une coalition de victimes opprimées qui en réalité portent l’étendard des femmes. Il est hors de question de contester que les femmes n’ont pas subi des millénaires durant des sévices, des affronts, des humiliations et des abus de tous ordres. C’est un fait, et même un crime. Mais il n’est pas équitable de les faire payer à une génération qui enfin reconnaît ces torts.
Ce mouvement ne se limite pas à la fin du patriarcat politique. Il s’étend aussi à la culture sociale. Le père est l’autorité, la contrainte, la mère est la nourriture de l’enfance et les soins inconditionnels... Au père les devoirs, à la mère les droits.
L’émancipation, puis la libération et l’égalité des femmes est un mouvement qui imprime sa marque sur l’ensemble de la planète. Les valeurs féminines prennent le pas sur celles des hommes. Et ce n’est pas toujours pour le mieux. En effet, au delà des excès d’un féminisme débridé, tout n’est pas à jeter dans la culture du père. Il n’est pas évident qu’une société sans hommes, concevable grâce au génie génétique, serait un progrès. Il est tout autant imprudent de nier que la gent masculine est encore trop souvent coupable d’abus, qu’il est absurde de la limiter à ce rôle.
Désormais, il faudra questionner les mouvements d’opinion, à l’aune des activismes, le plus souvent axés sur des valeurs féministes de combat, avant d’y prêter la main.
Les médias se croient spectateurs des événements, alors qu’ils en sont les acteurs. Ils les orientent, les exacerbent, les contrent... mais sans responsabilité, du moins le croient-ils.
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