La Droite vite !
- André Touboul
- 27 janv. 2024
- 4 min de lecture

Le Conseil Constitutionnel a sans doute fait du droit en censurant de nombreuses dispositions de la loi immigration, mais pas seulement.
Il a aussi en retenant le caractère de cavaliers législatifs de certains articles pour les annuler, statué politiquement.
En effet, le lien avec l’objet de la loi est une question d’appréciation dans de nombreux cas. Au demeurant, la pertinence de l’ensemble des mesures apparaissait clairement à l’opinion qui à 70% approuvait le texte.
La définition étroite du cavalier législatif qui consiste à limiter le pouvoir du Parlement d’amender un texte aux sous-rubriques prévues par le projet du Gouvernement est une évolution antidémocratique qui réduit à presqu’en rien le rôle de la représentation du peuple souverain dans l’élaboration de la loi.
Non seulement la maitrise de l’ordre du jour est entre les mains de l’exécutif avec des fenêtres étroites, qui ressemblent à des jours de souffrance, pour des propositions de loi d’initiative parlementaire, mais encore, dans l’interprétation du juge constitutionnel, la recevabilité des amendements est à la main du Gouvernement.
Le juridisme de l’esquive, que l’on portera au débit de Laurent Fabius, apparaît comme une feinte de balayeur qui se prend pour un toréador.
En venant à la rescousse de l’exécutif contre le législatif, les « sages » de la rue Montpensier, n’ont pas rendu service à Emmanuel Macron qui dans l’aventure apparait comme un Ponce Pilate, qui se lave les mains un peu facilement du contenu d’une loi qu’il a déclarée nécessaire.
Son abdication au bénéfice du juge constitutionnel a institué en celui-ci un véritable Gouvernement de la France. Elle a permis de rejeter par artifice des mesures de bon sens en vigueur dans plusieurs pays de l’Union européenne. Elle illustre le comportement suicidaire français qui dans ce domaine comme dans celui de l’agriculture et de l’environnement se complait à faire de la surenchère normative, sans qu’il soit prouvé que ce maximalisme aille dans la bonne direction.
Le Conseil a repassé la patate chaude de la plaie migratoire à Gabriel Attal, lequel doit désormais choisir. Remettre en débat les questions concernées, ou pas. Le jeune Premier Ministre est de tempérament très volontaire et concret, il est aussi plus que tout autre de ses prédécesseurs à l’écoute du peuple de France.
Mais, il est à prévoir qu’Emmanuel Macron, lui signifiera qu’il convient de tourner la page. Ainsi l’absence de volonté de lutter, pour de vrai, contre le flux migratoire incontrôlé, que beaucoup d’autres Etats en Europe considèrent comme une submersion, mettra Gabriel Attal en défaut sur un point sensible et très urticant. Cette tâche non accomplie le disqualifiera pour la suite.
Gérald Darmanin, enfin, qui pavoise de l’annulation de 40%% d’une loi dont il a plaidé pour le vote fait figure de girouette.
Apparemment, le Président Macron pourra se féliciter de voir disparaitre un sujet de friction avec l’aile gauche de sa majorité, mais ce sera une victoire à la Pyrrhus, car elle accentuera la fuite de ses troupes électorales qui constateront que le macronisme navigue à contre-courant de leurs attentes.
Une entente du Gouvernement avec les LR sur quelque thème que ce soit parait désormais impossible, et le gadget Rachida Dati n’y changera rien. Il est clair que les LR se rapprochent du Rassemblement National, tant sur l’Europe que sur la nécessité de changer la Constitution. Même si les appareils de Partis ne concluent pas de pacte formel, les électeurs du mois de juin prochain auront du mal à les différencier.
La stratégie d’Emmanuel Macron était de pulvériser les LR, sa traduction, dans les faits, les fera rejoindre en masse le camp Lepéniste et certainement pas les tièdes de sa majorité qui restera relative jusqu’à la fin de son mandat.
Ainsi Macron est condamné à ne gouverner, ponctuellement, qu’avec la Gauche et/ou l’extrême Gauche, la Nupes ayant explosé. Ainsi il ne peut aller qu’à rebrousse poil de l’opinion. Or, en l’espèce, il ne s’agit pas de l’opinion capricieuse, mais d’une exigence de fond d’un peuple excédé de ne pas être entendu.
Il ne faut pas être grand clerc pour prévoir que la donne politique, après une élection européenne gagnée haut la main par le RN, achèvera la normalisation de ce dernier qu’une perspective d’accord avec LR rendra plus crédible sur le plan économique.
D’évidence, personne ne croit vraiment que la loi réduite version Darmanin va maîtriser l’immigration et apporter une amélioration sensible à la réalité de l’insécurité et de l’acculturation constatées par les Français. Il n’est pas certain que la version de droite aurait eu un tel effet, mais, désormais, la responsabilité en sera totalement endossée par Emmanuel Macron et ses partisans. Ainsi, Edouard Philippe, et Bruno Le Maire, notamment devront se démarquer du macronisme mi-chèvre, mi-chou, s’ils veulent conserver une chance d’exister en 2027. Cela aura pour effet de repousser plus encore un Président isolé vers une gauche, malheureusement vide de solutions.
Il devient inéluctable que dans une France droitisée dans un monde qui l’est tout autant, et où les régimes autoritaires se montrent de plus en plus agressifs, la droite dure parviendra au pouvoir. La question est de savoir quand.
Le moteur du remonte-pente de la droite extrême étant la colère et la crainte, mauvaises conseillères s’il en est, plus celles-ci seront fortes, plus le changement sera violent. La raison voudrait que l’on attende pas que la cocotte minute explose. La sagesse exige que le slogan unificateur du changement soit dès maintenant : la Droite vite !
Il serait opportun qu’à l’intérieur de la droite élargie on se concerte, sans tarder, avant que le RN ne devienne non plus hégémonique comme aujourd’hui, mais seul en scène.
Les sociologues analysent les faits sociaux en divisant la population en catégories sociales, sans tenir compte de ce qu’une société n’est pas une juxtaposition de groupes façon patchwork, mais une mécanique interactive dont l’élément le plus déterminant est son élite. Il ne sert à rien de disserter sur les petits si l’on ne regarde pas d’abord qui les dirige. Toute société sécrète une élite. C’est la nature de son élite qui décide du destin d’un peuple. Le mal français est que son élite a été formatée comme un clergé du dogme du Service public, et qu’à notre époque plus personne ne croit en cette religion, aucun accord n’existant sur ce que peut ou doit être l’intérêt collectif. L’élite d’Etat en est réduite à la poursuite d’intérêts individuels, elle est radicalement défaillante. On sait qu’un canard décapité continue à marcher, oui, mais c’est souvent au pas de l’oie.
Comments