La paix en Europe
- André Touboul
- 29 sept. 2022
- 3 min de lecture

Il en est des prêcheurs de paix, comme des faiseurs de pluie. Ils pensent que par leurs incantations, ils feront survenir la bénédiction du ciel.
Mais la paix, tout un chacun la veut, à la condition qu'elle soit celle de sa propre victoire.
En vérité, la colombe de la paix sort des mains de la déesse Victoire. Et jusqu'ici, il semble que celle-ci ne soit possible pour aucun des protagonistes. Les Russes ne peuvent espérer faire plier les Ukrainiens, et ceux-ci ne peuvent raisonnablement penser qu'ils battront la Russie de telle sorte qu'elle ne revienne jamais à la charge.
Quelque scénario qui soit aujourd’hui évoqué : victoire russe, victoire ukrainienne, stabilisation des fronts, force est de reconnaitre qu’aucun, quel que soit son degré de probabilité, ne permet d’espérer que soit établi un équilibre de longue durée.
Tentons de formuler une proposition originale : une vraie solution pour une paix durable en Europe serait de troquer l’acceptation par l’Ukraine des annexions russes contre son entrée dans l’OTAN. Et peut-être dans l'immédiat de répondre aux annexions illégitimes décrétées par Moscou par une ouverture de l'OTAN à l'Ukraine.
Absurde ? Pas vraiment. L’adhésion à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord de la Finlande et de la Suède a été acceptée par Poutine avec un haussement d’épaules. Pourquoi pas l’Ukraine ? Aujourd’hui, la proximité des frontières des bases susceptibles de comprendre des armes nucléaires n’est plus un enjeu. La menace peut aussi bien venir du fond des océans.
En vérité, la seule sécurité vient de la dissuasion. Il est donc logique, si l’on veut éviter la guerre, ce que seul le paratonnerre nucléaire peut assurer, il faut que l’Ukraine en soit dotée.
Une telle solution serait la seule qui permettrait à tous les protagonistes de se déclarer vainqueurs.
Les Ukrainiens d’abord. Ils ont toujours considéré la neutralité qu’on leur proposait comme un piège. Certes leur adhésion à l’Union européenne serait un début de sécurité, mais celle-ci n’est pas une puissance nucléaire. Entrer dans l’OTAN, en revanche, serait une garantie absolue d’indépendance à long terme. Le sacrifice de la Crimée qui n’est ukrainienne que par un découpage administratif décidé du temps de l’URSS, ne serait pas impensable, et celui du Donbass serait un effort, mais déjà l’autonomie avait été admise en 2014. En réalité, si les Ukrainiens déclarent vouloir aller jusqu’au bout, c’est parce qu’ils y sont contraints, sachant qu’un cessez-le-feu laisserait intacte la menace d’une nouvelle offensive des armées russes réorganisées.
De son côté, Poutine aurait libéré ses frères du Donbass. Il pourrait se présenter comme vainqueur. Et obtiendrait la levée des sanctions contre Moscou. Néanmoins, celle-ci ne permettra pas de retour à la confiance entre la Russie et l’Occident. A cet égard, la leçon coûtera cher à l’économie russe et pour longtemps. A terme, sans doute, cela vaudra à Poutine d’être écarté du pouvoir. Probablement avec les honneurs, mais fermement. La plus grande faute de Poutine, aura été de trop parler du nucléaire, et d'être ainsi devenu un homme dangereux pour les Russes eux-mêmes.
Les USA n’auraient plus besoin d’affaiblir la Russie, les troupes conventionnelles de cette dernière ne lui servant plus à rien. La parenthèse européenne que le Pentagone n’avait aucun désir d’ouvrir pourrait se refermer, avec un gain substantiel dans la machine à contenir les ambitions russes qu’est l’OTAN. La reconstruction de l’Ukraine ouvrira des perspectives aux entreprises américaines, ce dont elles raffolent, et donnera un coût de fouet à l’économie européenne que les Américains considèrent comme leur terrain de chasse.
Le précédent ukrainien resterait assez ambigu aux yeux des Chinois pour qu’il leur plaise, et le reste du monde sera soulagé.
Certes Poutine ne sera pas puni, mais comme l’a dit le philosophe Goethe, il faut parfois préférer une certaine injustice à un grand désordre.
Il resterait de cette guerre que l’Union européenne se sera affranchie de sa dépendance aux gaz et pétrole russes, et aura accéléré sa transition énergétique avec des efforts qui n’aient pas été consentis en temps de paix.
Cette solution iconoclaste à une guerre absurde n’est jamais évoquée. Elle est pourtant logique. Il serait temps que les diplomates fassent preuve d’inventivité, et sortent des sentiers battus.
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