La politique de l’autruche
- André Touboul
- 28 sept. 2021
- 5 min de lecture

La classe dirigeante politique, administrative et médiatique refuse depuis des décennies de parler des sujets qui fâchent. Pratiquant la politique de l'autruche, elle croit que ce que ce dont on ne parle pas n'existe pas. Quand aux symptômes du malaise social, elle pense pouvoir les traiter par des allocations analgésiques. La méthode est de moins en moins efficace. Non pas parce que la vie d'un pays ne se résume pas au pouvoir d’achat, pas seulement, mais du fait que l’inquiétude populaire est plus profonde. Elle concerne son identité et son mode de vie.
Le géographe-sociologue Christophe Guilluy, venu de la gauche, souligne que les gouvernants refusent d’entendre ce que lui dit une majorité d’habitude silencieuse ; c’est à dire qu'elle ressent des menaces liées à d’immigration et à la société multiculturelle qu'elle voit se profiler à un horizon qu'elle redoute.
En refusant le débat sur ces questions, l’élite s’est enfermée dans une position moralisatrice qui a fait fleurir des plantes vénéneuses à l’extrême droite, et a nourri la tentation populiste.
On doit la libération de la parole sur de nombreux sujets à Emmanuel Macron qui a ouvert le jeu en bousculant les dogmes marxistes de la lutte des classes. Si la pensée complexe du Président a eu bien de la peine à se faire comprendre, de sorte qu'il a dû se normaliser au risque de se banaliser, elle a permis à un Zemmour de surgir, se faire entendre sans être immédiatement réduit au silence et d’être plébiscité, étant le seul à affronter le débat de l'identité française sur le fond. Pour mesurer le chemin parcouru il suffit de se souvenir de la tentative de Nicolas Sarkozy d'organiser un débat sur ce thème. Elle avait été condamnée avant même de commencer.
Malgré cette évolution, les gardiens de la pensée correcte persistent à prétendre interdire tout débat sur ces questions qui pourtant angoissent les Français.
Le refus de dialoguer, en déclarant un sujet tabou, n’est jamais légitime, et cela est particulièrement toxique en l’espèce.
En effet, les Français sont largement indifférents à la culture du voisin dans la mesure où celui-ci ne vient pas prétendre modifier la sienne. En d’autres termes, la culture française, découlant d’un mode de vie traditionnel lui-même hérité de l’histoire, étant majoritaire, est légitime à ne pas être remise en cause par d’autres qu’elle-même. Si l’on admet qu’en France l’identité française n’est pas sur le même plan que les cultures minoritaires, le problème disparaît, et les esprits s'apaisent.
S’agissant de l’immigration, la question est liée à la précédente. Il suffit d’admettre que les immigrés doivent ne pas dépasser un nombre qui permet de les intégrer au mode de vie français, sans qu’ils prétendent faire prévaloir leurs usages antérieurs estimés contraires. Dire que cette exigence serait une contrainte pour les arrivants est une erreur, car pourquoi ceux-ci seraient-ils désireux de venir en France si la culture française leur était aussi insupportable qu'on le dit ?
Au lieu de se conformer à ces solutions claires et simples, et en tout cas pour refuser le débat, l’élite a développé des stratégies aussi biaisées qu’inefficaces. On en dénombre huit principales.
En premier lieu, celui qui aborde le sujet de l’immigration et/ou de la compatibilité entre l’Islam et la France est qualifié de raciste, donc disqualifié avant même tout examen de ses propos. Or, le racisme est un comportement qui sépare les gens selon leur origine ethnique, pas selon leur religion.
La deuxième ligne de défense consiste à dire que les principes et valeurs qui font la France interdisent d’en défendre la culture. Alors que les principes, si hauts soient-ils, ne valent que jusqu’à produire des effets toxiques.
La troisième barrière est que chacun a droit à être fier de ses racines, et a droit à son identité. Mais dans la France d’aujourd’hui rien n’interdit d’être fier de ses origines quelles qu'elles soient, pour autant que cela ne devient pas hostilité à la culture majoritaire ; rien n’interdit de conserver son identité, tant qu’elle ne nie pas celle qu’a façonné le roman national français. Aucun des pays d'où proviennent les minorités concernées n'est aussi tolérant que la France à cet égard.
Le quatrième argument est que l’histoire de France est parsemée de périodes sombres dont il y a lieu de se repentir. Cependant, il est absurde de considérer l'Histoire dont le cœur est la chronicité avec des jugement hors du temps. De plus, la repentance n’a jamais effacé les fautes, et les excuses ne sont pertinentes qu’à bon escient ; le mea culpa systématique est une veulerie qui n’engendre que le mépris, et parfois même la haine.
La cinquième pseudo-raison d'imposer le silence est que la majorité doit s’adapter à la minorité, puisque qu’étant majoritaire, elle est nécessairement oppressive. Mais s’il appartenait à la majorité de s’adapter à chaque minorité, la culture ne serait pas une boussole, mais une girouette.
Le sixième argument pour discréditer toute restriction à l'immigration est que l’obligation humanitaire (et chrétienne) impose d’accueillir sans poser de condition tous ceux qui le souhaitent ou en ont besoin. Toutefois, l’humanité ne consiste pas à importer la misère mais à aider chez eux ceux qui en ont besoin. On doit rappeler que dans la parabole du bon samaritain, celui-ci paie l'aubergiste pour s'occuper du blessé, mais il ne le ramène pas chez lui.
La septième porte fermée au dialogue est que la France n’ayant plus de religion, elle ne doit pas être gênée par celles des nouveaux arrivants. La France n’a certes plus de religion d’Etat, et les Français sont peu pratiquants, mais leur culture est enracinée dans une tradition catholique de plusieurs siècles, et ils n’admettent pas que l’équilibre, laïc en public et confessionnel en privé, qu’ils ont eu tant de mal à trouver, soit remis en cause.
Le huitième obstacle est que, à l’heure du mondialisme, le patriotisme nationaliste est à contrecourant du sens de l’histoire. Mais la mondialisation heureuse n’exige en rien la perte d’identité des peuples, et quand elle le fait, elle est rejetée par eux.
Il y a d’autres arguties articulées par l'élite au pouvoir pour ne pas regarder le problème en face, mais celles-ci sont les plus fréquemment entendues et toutes marquées par une rationalité défaillante. Elles ne parviennent qu’à envenimer le débat qui ,pour ne pas être sur la place publique, existe dans les esprits.
On peut se demander pourquoi l’élite française qui dirige le pays s’est enfermée dans cet absurde aveuglement.
La réponse est assez simple : l’élite française a peur de tout ce qui pourrait perturber la paisible quiétude dans la quelle elle profite des délices de la jouissance de l’Etat.
C’est la raison (mauvaise) pour laquelle elle a misé sur l’organisation étatique du culte musulman dont peu d’intéressés sont demandeurs. Une politique vouée à l’échec, comme toutes celles qui ont été menées jusqu’ici dans d’autres domaines. Confier à l’Etat la question de l’emploi, et l’on aboutit au chômage de masse ; lui abandonner la santé et il organise la pénurie et l’inefficacité par une suradministration. Sous couvert d'un moralisme hypocrite, il s'agit pour ceux qui nous dirigent de protéger leurs avantages acquis.
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