La porte est étroite, mais quand il y a un chemin, il y a une vérité
- André Touboul
- 30 nov. 2020
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 déc. 2020

Les sociologues distinguent le populisme de droite et de gauche, selon la prédilection des populistes pour l’humanisme, la droite en serait pas humaniste, alors que la gauche le serait.
Cette définition ahurissante illustre parfaitement le fait que la sociologie telle qu’en pratiquée aujourd’hui est une idéologie et non une science.
Le populisme a un caractère primordial, qu’il soit de gauche ou de droite, c’est d'être en rupture avec la réalité. Le Grand Yaka est vénéré par tous, car les solutions proposées supposent que l’on soit dans un monde autre que celui qui est.
Cet univers imaginaire qui ne refuse rien est d’un côté et de l’autre, une société totalitaire isolée du reste de la planète. Dans les deux cas, on « obligera » les gens à respecter l’ordre nouveau. Pour leur bien, cela va de soi.
Quand le sociologue considère que la défense de l’individu est secondaire et que seule la valeur de solidarité est humaniste, il oublie tout le combat de la Renaissance et fait du marxisme à la petite semaine. L'humanisme d'Erasme ou de Spinoza est un plaidoyer pour la pensée libre. Etant donné qu'il n'est de pensée qu'individuelle, avant d'être partagée, l'humanisme n'a de réalité que dans la liberté de l'individu.
La révolution industrielle a suscité des intérêts collectifs opposés qui se sont reflétés dans une idéologie dialectique dont l'illustration fut celle de la lutte des classes. L'histoire du siècle qui a suivi peut être résumé par le choc de la pensée moniste héritée du Moyen Âge (ein Volk, ein Reich, ein Fhürer), avec celle du marxisme dialectique qui avait pris le pouvoir dans l'Empire Russe. La réalité soviétique était une adaptation très libre du marxisme par Lénine. La dictature du prolétariat fut une vaste supercherie ; le pouvoir étant exercé sans partage par le parti unique qui défendait avant tout ses prérogatives, comme toute bureaucratie. La bureaucratie rouge a vaincu la bureaucratie nazie, et la dialectique s'est imposée comme l'avenir inéluctable de l'humanité toute entière. Cette doctrine a prospéré en Europe sans égard pour ce que ce régime avait produit en URSS.
Nos enseignants de haut niveau ont été formés à l’école du 20ème siècle, celle de la lutte prolétarienne, pertinente au 19ème, mais qui a détruit l’Europe au 20ème.
Le procès de cette idéologie toxique n’a jamais été instruit. Cette carence condamne la pensée de notre époque à vivre avec des concepts dépassés, enseignés par des professeurs obsolètes, mais qui furent les nôtres.
Le populisme est d’abord une protestation contre l’absence de sens que l’élite actuelle, qu’elle soit d’Etat ou intellectuelle, montre au grand jour.
On pardonne tout aux dirigeants de nos vies, on les absous de leurs erreurs, mais pas de ne pas savoir où ils nous conduisent et pourquoi.
Au premier rang des responsables déboussolés, sont bien sûr les intellectuels dont la production de concepts est la métier. Or, depuis des décennies les maîtres penseurs se sont spécialisés dans la vie bonne, ce sont tous des docteurs Dukan, des diététiciens, pas des philosophes créateurs d'une cosmogonie nouvelle.
Le premier devoir du philosophe est de rebâtir sa maison depuis les fondations. Il doit s'interroger sur la manière dont naissent nos certitudes. Avant même, de dire "je pense, donc je suis", il doit s'interroger sur ce qu'est la pensée. Le vrai philosophe cherche le fondement du réel qui est généralisable et permet de comprendre tout ce qui vient. Durant l'Antiquité et le Moyen Âge cette clé universelle était le pensée moniste résumée par la monade de Leibnitz. Le Vingtième siècle a lui utilisé la dialectique décrite par Hegel.
Ni l'un ni l'autre de ces génies allemands n'ont inventé leur mode de pensée, il l'ont juste théorisée, car elle existait en dehors d'eux par morceaux dans les esprits de leur temps.
Nos enseignants ont failli. On attendait d’eux une pensée post-dialectique qui nous permette d'entre dans le 21ème siècle, on n’a eu que du pipi de chat. Incapables de penser le monde mondialisé ils ont livré les peuples aux solutions populistes. Yaka fermer les frontières, ou yaka les supprimer, yaka ceci ou le contraire... Des prescriptions toujours radicales et absurdes, car déconnectées du réel.
Le populisme se caractérise par le ralliement à une cosmogonie dépassée qui est en colère du fait que la réalité refuse à s’y soumettre.
La lutte des classes est orpheline de son prolétariat, elle tente de s’appliquer à un racialisme et un minoritarisme échevelé, allant jusqu’à appeler à la dictature des minorités, sans voir que la légitimité majoritaire de la démocratie étant bousculée, cette nouvelle lutte des classes conduit directement à la guerre civile. Ou dans le meilleur des cas au trumpisme, qui en est une forme atténuée.
Nul doute que si Joe Biden mène une politique racialiste, il prendra l’Amérique à rebrousse poil.
Le populisme ne consiste pas à flatter la majorité dans ses instincts les plus bas, ceci s’appelle la démagogie. La populisme va plus loin, il espère l’homme providentiel, celui qui saura mettre au pas l’élite qui l’opprime, même si c’est au pas de l’oie.
On peut désirer renouveler une élite déficiente, sans aller à la dictature ni ouvrir des camps de travail pour énarques récalcitrants. Certes les aristocrates d’Etat ne rendront pas facilement les armes, mais ils sont tellement moisis et vermoulus dans leurs têtes et dans leurs cœurs que la confrontation avec le réel les fera s’effondrer.
Il existe, de fait, deux factions, les populistes et l’élite d’Etat qui s’affrontent chacune dans un monde révolu. Il appartient au peuple, aux vrais gens de les renvoyer par leurs votes dans leurs rêves qui seraient nos cauchemars.
Revenir à la démocratie vraie. Celle qui fait confiance aux élus qui font confiance au peuple. La confiance est un phénomène magnétique, si l’un de ses pôles manque, l’autre disparaît. Le prince qui n'a pas confiance en la population ne peut attendre que celle-ci la lui accorde en retour. Hollande mendiait la confiance d’un peuple dont il méprisait les sans-dents ; elle lui fut refusée.
En se soumettant aux dictats injurieux pour les Français d’une bureaucratie digne de l’Absurdistan, Emmanuel Macron risque de se l’aliéner à jamais. Il serait imprudent de se satisfaire d’une cote de popularité en hausse, car dans les situations de crise, on demande à être protégé et l’on s’en remet au chef. Sous Edouard Philippe, le chef, élégant et souriant, était le premier Ministre, lui substituer Castex, descendu, brut de décoffrage, de sa montagne, et qui accumule les bourdes, redonne au Président sa majesté.
La confiance dans l’avenir est le meilleur remède au populisme. Emmanuel Macron n’a sans doute pas plus compris le monde tel qu’il est devenu qu’un autre, mais il bénéficie du pouvoir de naviguer dans l’abstrait. Une pensée que l’on doit déchiffrer et où chacun peut caser ce qui lui plait.
A travers des éléments de cohérence nouvelle, à peine esquissés, il peut se frayer un chemin entre populisme et bureaucrature, qui est une caricature d l’Administration bonne. La voie est étroite, mais elle existe de par l’espérance du peuple. Tout ce qui est peuple n’est pas populisme, il y a l’aveuglement des foules, mais aussi la sagesse populaire. Dans de temps de l’avent, suivre les étoiles est une immense tentation. Alors, Monsieur Macron, un peu d’audace. Montrez un chemin. Le sage Tao dit que quand il y a un chemin, il y a une vérité. La porte est étroite, mais l’histoire vous attend, et quand on vous écoute et vous lit bien, il y a dans votre tête de quoi éclairer l’avenir. Libérez la France tant de ses vieux démons que de ceux qui la détruisent. Mais vite !
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