La proportionnelle, la solution miracle pour en finir avec la Vème
- André Touboul
- 1 janv. 2021
- 3 min de lecture

« Attendez-vous à savoir », par ces mots Geneviève Tabouis débutait ses chroniques radiophoniques intitulées Les dernières nouvelles de demain. De1949 à 1967, elle y dévoila les secrets du jour que le pouvoir en place lui avait confiés. La journaliste a disparu, mais la méthode de communication subsiste et prospère. Elle est même devenue incontournable. Les indiscrétions qui alimentent les rumeurs vont bon train. La dernière serait que pour conjurer tous les dangers qui le menacent, l’entourage du Président aurait trouvé la panacée politique universelle : la proportionnelle.
Macron aura tout raté en 2020. Les masques, les tests, le traçage, le consensus du monde médical, l’isolement des contagieux, les applications pour stopper la covid, et la vaccination, tout a foiré, et seul le complotisme a fleuri. Ce sont les hauts fonctionnaires qui sont les responsables, mais ce sera le Président qui portera la croix du supplice. Après tout, c’est lui le chef. Les médias ont acté le fait, en tentant de promouvoir Edouard Philippe, comme futur candidat favori des sondages, bien que celui-ci soit l’initiateur de presque tous les déboires, déconvenues et reculades de Macron.
Il était cependant difficile de rééditer la manœuvre de 2017. Alors, en prévoyant que soit l’actuel Président serait battu, soit que réélu, il ne disposerait pas de majorité, les gribouilles qui gravitent autour du pouvoir et s’en nourrissent préféreront opter pour un système qui assure à coup sûr l’absence de majorité : la proportionnelle.
En 2021, l’Elysée prévoit, dit-on, d’instituer la proportionnelle, qui serait nécessairement intégrale en raison de l’impossibilité de pratiquer un redécoupage électoral nécessaire pour n’en instiller qu'une portion. Selon les rumeurs qui suintent des murs du Château, cette réforme, souhaitée par une majorité de Français, assurerait que la prochaine Assemblé Nationale devienne le lieu béni d’une coalition (toujours l’exemple allemand !), et l’assurance (?) de reléguer les extrêmes dans leurs extrémités.
Sous une apparence de loufoquerie, la manœuvre est habile.
Il serait, en effet, pour le Président, singulier de recentrer le pouvoir sur le Parlement, en rendant fatal un retour de la cohabitation. D’une part, le Président élu au suffrage universel, de l’autre, le chef de la coalition des députés. La simple mathématique électorale, permet de prédire que la future Assemblée Nationale serait répartie par cinquièmes, comme le montrent les premiers tours des présidentielles, reflet des lourdeurs sociologiques. 20 % pour le centre gauche, autant pour la droite et aussi pour le RN. Les Insoumis peuvent espérer avec les vestiges du PS, s’il conserve ce nom, une vingtaine de pour-cent, et les petits acteurs se partageraient le dernier cinquième. Bien entendu, ces portions pourraient être plus ou moins grosses, comme les « tiers » de l’apéritif du César de Pagnol, mais personne ne pourrait prétendre à être majoritaire.
Une conséquence prévisible de l’entré du RN au parlement serait de rendre inévitable une alliance avec la droite. Ce rapprochement est inutile en l’état, puisque sans effet sur l’obtention d’une majorité, mais l’on a vu dans le passé qu’au niveau régional les accords ont été passés quand ils assuraient la Présidence de la Région, alors même qu’il s’agissait du Front National, bien plus toxique sur le plan moral.
Les négociations à l’Assemblée seraient un troisième tour de fait de l’élection présidentielle. Une manière de contrer le choix populaire, car le Président élu serait inévitablement infériorisé par rapport au chef de la coalition. Il existe une nécessité organique entre le scrutin majoritaire et l’élection directe du Président de la République. La cohabitation en est le hiatus. Au fond, ce serait le retour de balancier d’une République qui a atteint sa limite en tombant aux mains des technocrates. C’est sous cet aspect qu’elle sera vendue au grand public, ralliant tous les partisans d’une VIème République.
Cette stratégie parait suicidaire pour qui brigue l’onction du suffrage universel, mais elle correspond à une ultime habileté d’une élite d’Etat qui veut, par cet artifice, s’assurer que le système soit bloqué, ou en tout cas empêché de promouvoir de profondes réformes structurelles, qu’elle redoute, en particulier la réforme de l’Etat, toujours promise et toujours repoussée. Certes le rôle historique d’Emmanuel Macron serait réduit à néant, mais c’est bien le cadet des soucis de nos statocrates.
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