top of page

La République en marche-arrière

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 24 déc. 2020
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 déc. 2020


Oui, ce n'est pas un cadeau de Noël, mais l'an 2020, n'est pas comme les autres. Alors, comme on dit adieu à ses mauvais souvenirs avant de les laisser derrière soi, saluons le parcours du Président Macron.


Bilan ou rapport d’étape ? On dira plutôt examen de conscience. Emmanuel Macron profite de sa retraite covidienne pour faire le point, et se justifier en deux interviews accordés en rafale à l’Express. On n’en commentera quelques phrases extraites du sein d’un exercice d’auto-justification, entre le mea culpa et le « persiste et signe ». Si ces paroles sont les prémisses d’un programme de campagne pour 2022, on peut douter que celui-ci provoque l’enthousiasme, ou même l’adhésion qu’a connu celui de 2017.


Avec un certain culot, le Président fiévreux dont la ligne politique s’est construite autour de la destruction des piliers de la démocratie représentative que sont les paris politiques et les corps intermédiaires, décrète que « la démocratie a un problème d’efficacité » pour mettre en oeuvre les bonnes réformes. La démocratie ? Vraiment ? Il fait penser aux sœurs de Cendrillon qui tentent désespérément de chausser la pantoufle de vair. Calibrer les mesures, les faire comprendre, ce travail n’est pas à la portée de l’élite d’Etat. Ces têtes d’œuf sont des têtes de mules, qui s’obstinent et ne savent pas parler à un peuple qu’ils méprisent, car même quand ils en sont issus, ils s’estiment par leur promotion lui être supérieurs.


C’est sans doute cette méconnaissance des tréfonds de la Nation qui fait regretter à Emmanuel Macron dans ces déclarations que les noms de rue ne reflètent pas plus la diversité, s’il avait ajouté "quand cela est justifié par une reconnaissance publique qui leur est légitimement due", la chose allait de soi, mais il ne l’a pas fait, donnant le sentiment qu’il faisait de la retape électorale, et pour pas cher, car il limite son cadeau de 300 à 500 noms.


Le Président alité se perd dans la description et le diagnostic, il n’est plus dans l’action. On peut le comprendre, car ce qui caractérise les trois ans écoulés, ce sont les remous et les reculades. Les deux corps du roi, selon la distinction proposée en 1957 par Ernst Kantorowicz, sont touchés. Le monarque est malade dans son corps physique, mais son corps politique, celui qui donne son sens à son règne, l’est aussi, et sans doute plus grièvement.


Sur la névrotique de l’Etat, Emmanuel Macron est décevant, il énonce une banalité, que l’on peut résumer par : l’Etat responsable de tout, du reste et de son contraire. Il ne va pas plus loin, et ne dit pas que s’il en est ainsi, c’est que l’Etat a confisqué la République. Il a gommé ses remarques sur la tyrannie de « l’Etat profond » qui bloque toute réforme. Un rétropédalage.

Quand on examine les divers sujets qu’il aborde, il le fait de manière dialectique, alors qu’il est le seul homme politique français à maîtriser la pensée post-dialectique, celle qui ne voit pas les phénomènes en termes de tensions, mais en termes de cohésion, et d’intérêts communs. S’il recule de la sorte, c’est qu’il a renoncé à se faire comprendre par une "pensée complexe", et adopte un référentiel intelligible par les médias. Là, aussi, Emmanuel Macron s’il n’abdique pas recule.


Sa volonté de célébrer Pétain est un enfantillage. Prétendre recoudre des déchirures anciennes de la France, par du « en même temps » est puéril, car cela intéresse peu de Français d’aujourd’hui ; et sur le fond Pétain est un mauvais exemple, car s’il y eut un héros de la première guerre mondiale, ce fut Clemenceau, et non Pétain.


Sur l’identité française, il est plus ferme. Il vante la diversité, le droit de la vivre, mais dit aussi « qu’être Français c’est habiter une langue et une histoire, s’inscrire dans un destin collectif ». Sur ce seul point, sans doute, il persiste et signe dans sa pensée complexe.

Gouverner n’est pas un chemin de roses, et gouverner un pays comme la France est une tâche compliquée, car en France, il y a les Français. Emmanuel Macron en souligne les contradictions, mais c’est de sa part l’aveu d’un échec. Gouverner, c’est justement résoudre les contradictions apparentes. En déclarant les Gaulois paradoxaux, il reconnaît implicitement qu’il a renoncé à les gouverner, car il ne dessine pas un chemin pour résoudre l’équation qu’il pose.

Du quinquennat Macron, on peut dresser un contre-bilan.


Parvenu au pouvoir, par des voies étroites, en promettant la Révolution (titre de son ouvrage de 2016), puis des réformes et enfin la transformation, Emmanuel Macron a surtout réalisé des centralisations. Il a proclamé la nécessité de concertation avec les élus locaux sans la pratiquer, et reculé sur pratiquement toutes les réformes entreprises. La réforme du statut cheminot et de la SNCF, la seule obtenue, le fut avec peine et les premiers effets n'en seront effectifs dans un futur lointain, c’est à dire au train d’enfer où va le monde, jamais.

Sur tous les autres chantiers, il a reculé. La réforme de l’assurance chômage a été repoussée à janvier puis avril 2021, elle le sera encore. Celle des retraites, bien, sûr, a été mise au placard, tout en affirmant le contraire. La taxe carbone s’était traduite par la révolte des Gilets jaunes, et elle a été retirée ; coût 10 milliards de ce « pognon de dingue » qui d’après le Président ne résout pas le problème de la pauvreté.


On pouvait penser que le porte-poisse de Macron était Edouard Philippe, qui ayant milité pour les 80 km/h avait allumé la mèche courte de l’explosion sociale. Ce Premier Ministre, qui se proclamait loyal, avait saboté la réforme des retraites en introduisant un âge pivot dans le fruit, il avait insisté pour le déplorable maintien du premier tour des municipales de mars 2020, et couvert les mensonges du premier confinement.


Mais avec Jean Castex ce ne fut pas mieux. Reculade sémantique sur la loi « contre le séparatisme », qui devint « pour la défense des principes républicains », et par le fait changea de nature et de contenu. Reculade sur l’article 24 de la loi Darmanin sur la sécurité, reculade sur la loi Véran de pérennisation des mesures d’urgence.

Sur le plan institutionnel, aucune des réformes promises n’a été entreprise. Et c’est heureux, car réduire le nombre des députés et sénateurs (pas plus d’un millier en tout), est bien moins urgent que de sabrer dans la haute fonction publique qui compte plus de 120.000 fonctionnaires A+, outre 22.500 très hauts fonctionnaires. Des avantages et privilèges de ceux-ci, on ne parle jamais, pas plus que de la kyrielle de hauts comités et hauts conseils en tous genres, qui sont les véritables sangsues de l’Etat, et dont les Gouvernements Macron ont contribué à étoffer les rangs.


Dans le registre de la pratique démocratique, le mythe de la participation citoyenne directe en a pris un coup. Avec Notre Dame des Landes, la consultation a été contredite, et gageons que pour la Convention relative au climat, les propositions farfelues en seront mises au oubliettes, et le référendum promis ne sera pas organisé.

En effet, on peut prévoir que le Sénat refusera de voter le texte de l’Assemblée et en proposera un autre, qui placera l’environnement à sa juste place et non en tant que « garantie », ce qui est à la fois ridicule et dangereux. Risible, car la France seule ne peut garantir le climat ou même l’environnement, et périlleux, car ce serait introduire une hiérarchie dans les principes essentiels au profit de l’environnement, qui deviendrait le prétexte, avec le principe de précaution à un immobilisme total en toutes matières.

Une fois encore, le macronisme montre sa limite. Prétendant sauter à pieds joints dans le monde moderne, il ne sait plus sur lequel danser, trébuche et s’étale de tout son long. Le « en même temps » se transforme dans une classique course en sac, une discipline à laquelle les technocrates ont assujetti la France, à coups répétées de taxes et de normes.


La gestion des crises sanitaire et économique, ne peut être commentée objectivement avant leur dénouement. Les comparaisons internationales sont discutables, les faux-pas sont trop nombreux pour y voir autre chose qu'un désarroi qui ne caractérise pas une ligne politique.


Par comparaison, Emmanuel Macron aura été plus efficace Ministre sous Hollande que seul aux commandes, il fit voter alors des textes sur la modernisation des règles sur le travail.

Le coïtus interuptus semble être la marque de fabrique du pouvoir sous Macron. Il promettait de remettre la France en marche, mais jusqu’ici, et jusqu’à sa fin, son quinquennat ce sera celui de la République en marche-arrière.



*

 
 
 

Comments


bottom of page