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La stratégie du râteau





Il est de bon ton de prédire la courte vie du Gouvernement Barnier, dont on estime les mains liées. Il n’est cependant pas évident que celui-ci se révèle aussi éphémère et impuissant qu’on le prévoit.


On assure que Michel Barnier tombera au premier caprice de Marine  Le Pen. Pour cela, il suffirait que le RN s’associe à une motion de censure présentée par le Nouveau Front Populaire.


Le renversement du Gouvernement Barnier serait néanmoins, pour le parti lepéniste, un magistral pas de clerc.


En pratique, une censure votée par le RN, ouvrirait, en effet, une seconde chance à la Gauche, et le retour en lice de Bernard Caseneuve (voire Lucie Castets) rebattrait les cartes ; en effet, le Président serait fondé à tenter à gauche ce qui n’a pas fonctionné à droite.


Le Gouvernement Caseneuve vivrait alors sous la coupe des LFI, comme celui de Barnier vit sous la menace du RN.  Ainsi la censure de Michel Barnier votée par le RN n’aurait pour effet que de rendre la main à Mélenchon.


Sur le plan électoral, une censure d’un Gouvernement soutenu par la Droite votée par le RN, montrerait que ce parti est isolé, et ses sympathisants auraient du mal à lui pardonner d’avoir été le responsable d’un retour de la Gauche au pouvoir. Ce qui serait sauter à pieds joints sur un râteau.


Ces considérations perdureront jusqu’à la fin du mandat du Président Macron. Il s’y ajoute pour l’heure la nécessité pour le parti présidé par Jordan Bardella de se restructurer, c’est-à-à dire « faire le ménage » en écartant les trop marqués Front National, et d’autre part à l’inconfort de risquer d’avoir à affronter une élection législative en même temps que des procédures judiciaires.


Sauf maladresse manifeste de sa part, Michel Barnier devrait être protégé sur sa droite. Quant à sa gauche macroniste, elle devrait pour le renverser assumer de s’allier à nouveau avec les LFI. Cette faute morale a été comprise par les électeurs en juillet dernier comme un geste de survie. Elle serait suicidaire, si sa réitération résultait d’un calcul politique délibéré conduisant au chaos.


On se demande si Michel Barnier saura rassembler pour durer, c’est en fait plutôt en divisant qu’il va régner. Mais pour quoi faire ? Objecte-t-on.


Moins fragile qu’en apparence, le Gouvernement Barnier n’est pas non plus condamné à l’inaction.


En matière d’immigration, il pourra compter sur un soutient massif de l’opinion publique. Outre l’application effective des textes existants, Bruno Retailleau pourrait d’ailleurs faire revoter nombre de mesures de la loi immigration, annulées par le Conseil Constitutionnel, que celui-ci avait censurées pour des raisons purement formelles. Un entêtement des sages de la rue de Montpensier mettrait en péril la légitimité de l’institution, déjà de plus en plus critiquée pour son parti pris partisan.


En termes de sécurité aussi, la fermeté est largement attendue avec impatience, et la présence à la Justice de Didier Migaud est une caution pour l’aile gauche de la Macronie, ou si l’on veut être plus précis pour ce qui est désormais le clan Attal.


Sur l’équilibre budgétaire, le Gouvernement Barnier pourra communiquer sur la justice fiscale, pour équilibrer des sacrifices à venir du côté des dépenses. Il sera protégé de toute tentation d’un matraquage stérilisant par la doxa macroniste du « no new taxes », pour cette fois pertinente. Il est classique que trop d’impôt tue l’impôt, et qu’au regard de l’activité économique les taxes sont un frein qu’il serait imprudent d’actionner quand il s’agit d’actionner un autre frein , celui de la diminution des dépenses publiques.


Dans ce domaine, il est convenu de dire qu’aucune économie n’est possible sauf à compromettre encore plus les services publics. Or, cette idée est fausse, car il est possible et urgent de mettre en œuvre dans l’Etat, les gains de productivité que les révolutions informatique et numérique ont permis pour le privé.


L’investissement dans l’IA sera aussi une source d’économie en personnel administratif. Sans scandaliser, Michel Barnier pourra justifier une politique d’adaptation à cette nouvelle révolution. Bien entendu, cela implique que l’on affronte le problème du statut de la fonction publique, et que l’on ait recours à des formules contractuelles dans l’emploi public. C’est là un tabou, mais déjà quelques économistes comme Nicolas Bouzou, avertissent mezzo voce qu’il faudra s’y atteler.


Taxer les riches et redistribuer est une politique qui peut se justifier dans son principe pour corriger les dérives de la concurrence dans la  répartition des richesses. Cependant il faut éviter que cela compromette la production des richesses, et toujours savoir que, sauf à supprimer toute liberté économique, les acteurs les plus aisés finissent toujours par reporter sur les moins solides les efforts que l’Etat leur impose.


Depuis cinquante ans, le discours de justice fiscale, poussé à l’extrême des prélèvements obligatoires et des redistributions, fonctionne comme un cercle vicieux. Toujours plus d’impôts, toujours plus d’allocations, mais toujours plus de pauvres à secourir, toujours moins de richesses produites à partager. Michel Barnier serait bien inspiré de ne pas persister dans ce tourbillon fatal.











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