La vengeance des Cinq Mille
La France est dirigée depuis un demi-siècle par une méritocratie dominée par une hyper élite d’Etat.
Dans Les Cinq Mille, Fortune et faillite de l’élite française, Thierry Merle et votre serviteur analysions, en 2014, cette classe dirigeante, qui avait fait sa chose de l’Etat, et sa propre fortune, en s’emparant des commandes de la nation, secteur public et grandes entreprises, comme de celles de l’univers médiatique. Nous parlions alors aussi de faillite, car cette caste que Pierre Bourdieu, sociologue socialiste (pardon du pléonasme), appelait la noblesse du diplôme, était déjà banqueroutière.
Force était de constater que cette élite d’Etat était en échec sur tous les plans. Au cours du septennat Giscard, sa composition avait basculé ; les polytechniciens et centraliens cédant le pas aux énarques. Ce fut la victoire des administratifs sur les entrepreneurs et les créatifs. Le public avait surpassé le privé en légitimité, et les nationalisations du Programme commun avaient confirmé cette prise de pouvoir des grands serviteurs d’un Etat omniprésent et omnipotent.
Après plus de trente ans d'hégémonie de cette nouvelle élite de bureaucrates, les dégâts étaient déjà, en 2024, flagrants en économie. Elle avait sabordé l’industrie, sacrifié l’agriculture, et avait fait le choix du chômage de masse, désormais traité comme une simple question d’indemnisation. « Contre le chômage, on a tout essayé », soupirait François Mitterrand, le florentin, habile manœuvrier politique, mais trop idéologue pour entendre quoi que ce soit à l’économique. Les seuls lambeaux de l’industrie qui subsistaient ne le faisaient qu’en ayant recours à une main d’œuvre immigrée peu exigeante, mais dont les descendants le deviendraient ; naturellement, bien sûr, mais aussi parce que travaillée par un islamisme politique s’opposant à son intégration paisible. Quant au monde agricole, tout aussi étranger à cette technocratie des villes, il ne survivait que par la distribution de subventions, mode d’action de prédilection des Cinq Mille, qu’ils les distribuent au nom de l’Etat, ou les reçoivent quand ils ont « atterri » à la tête des grandes entreprises.
Les Cinq Mille dont la profession de foi était : « l’Etat c’est nous », ont confondu l’hégémonie étatique avec la bonne gestion des affaires publiques. Ils se croyaient héritiers de Colbert, ils n’étaient que des ronds-de-cuir, jaloux de leurs prérogatives et destructeurs du tissus productif de la France laborieuse.
Le recours à l’assistanat pour acheter la paix sociale a conduit à créer puis creuser une dette publique abyssale. Avec Macron, le mouvement s’est accéléré. La dette publique est passée de 2.000 à 3.000 milliards en sept ans. Certes, le chômage a reculé, mais chaque problème a été traité par le « quoi qu’il en coûte ». On invoque des crises, mais les crises ont toujours existé, ce qui a engendré et fait croître la dette, c’est la manière de les gérer, par la politique du chéquier, en reportant les efforts sur les générations futures. « Cela ne coûte rien, c’est l’Etat qui paye », avait pu dire François Hollande. Plus cynique, Emmanuel Macron sait qu’il n’y a pas « d’argent magique », mais il ne voit pas d’inconvénient à ne laisser en héritage qu’une montagne de dette.
Sur le plan de l’harmonie sociale, l’élite technocratique a théorisé son impuissance à maitriser l’immigration massive en un idéal de multiculturalisme, en rejetant la faute de l’échec de l’intégration sur une prétendue xénophobie coupable des Français.
Quant au registre sociétal, les Cinq Mille ont accepté comme argent comptant les « avancées » les plus avantureuses. Faute de conviction que lui aurait apportée un enracinement populaire, cette élite hors sol a cédé aux modes importées les plus destructrices.
Elle a cru gagner la bataille sur le champ politique, mais elle l’a perdu. Elle a vidé la gauche et la droite de leur contenu, favorisant l’exercice de la politique de l’une par l’autre et inversement, jusqu’à faire advenir un extrême centre purement technocratique, c’est-à-dire empli de néant. Sa faute, de nature morale, aura été de substituer l’administration des choses à celle des gens.
Deux détaillants qui se fournissent chez le même grossiste, telles étaient la gauche et la droite, servie indifféremment par les hauts fonctionnaires. Ces épiciers en gros tenaient leur modèle collectiviste de l’URSS, dont les principes avaient été mis en place par le CNR, dominé à la Libération par le Parti communiste, et qui leur convenaient parfaitement puisque qu’ils rendaient incontournable une Administration toute puissante.
L’égalitarisme antithétique de l’égalité, et l’application de mécanismes universels de protection sociale ne pouvait que déboucher sur une bureaucratie tyrannique, qui aujourd’hui est devenue une véritable bureaucrature.
La bien pensance a été, de fait, pour les Cinq Mille, un stratagème commode propre à nier la réalité des problèmes, et éviter de les traiter. Car c’est une immense aversion au risque qui pollue l’esprit de cette élite d’Etat. Agir, c’est, il est vrai, risquer d’échouer, et cela demande du courage, une discipline non enseignée à l’ENA.
L’irresponsabilité des Grands commis de l’Etat a ainsi détruit la belle idée du Service Public.
Sélectionnée de manière très précoce (25 ans) cette aristocratie du concours s’est vue attribuer les postes clés. Elle a ainsi pu, par ses réseaux, construire un système d’Etat mastodonte propre à la sécuriser.
Dans toutes les missions régaliennes, où l’Etat est indispensable, ils ont échoué. La santé, l’éducation, la sécurité, la politique internationale, la défense aussi, laissée en jachère pour mieux récolter les dividendes de la paix… même l’Union européenne a été contaminée par leur frénésie réglementaire, car lorsque l’on plante des normes, il pousse des fonctionnaires.
Les raisons de leur échec sont toujours les mêmes, elles tiennent :
à leur formatage qui leur a imprimé en eux un sentiment de supériorité, l’ENA était l’école où l’on enseignait à avoir toujours raison,
à une idéologie plus sartrienne que proche de Camus et Aaron,
au système qui les consacre à vie comme intouchables, leur réserve les postes les meilleurs par la voie royale du service de l’Etat, et leur assure (à la différence des représentants élus) une totale impunité.
Quand une élite, fut-elle une méritocratie, est en échec, ne « délivre pas » comme l’on dit aujourd’hui, elle usurpe le pouvoir que le peuple lui confie.
Pour se perpétuer, les Cinq Mille, conscients de cette vérité, ont déployé des moyens de défense.
Le déni, d’abord. La réalité refusant de se plier à leur « volontarisme », ils ont pris le parti de la nier. Ainsi, l’insécurité était un sentiment, l’immigration une chance, la diversité un devoir.
La rupture, puis le fossé existant entre eux et la population ne les ont pas gênés, cela ne faisait que confirmer leur propre excellence.
Ils ont cultivé le repentir. Toutes les occasions ont été bonnes pour manifester de la repentance, et persuader les Français que leur identité était mauvaise, puisqu’ils avaient été colonialistes, racistes, xénophobes, islamophobies, anti-féministes et, bien entendu, antisémites.
Ces usurpateurs ont interdit toute critique de l’élite d’Etat en proclamant qu’il s’agissait de populisme et donc d’extrême droite, car, il ne faut pas en douter, le peuple est de d’une nature vicieuse, car livré à lui-même, il pense à droite.
Pour se protéger, ils ont aussi sacrifié les « politiques », déclarés « tous pourris », ce qui a facilité le sabordage de la gauche et l’émiettement de la droite.
Dans les années soixante on enseignait dans les hautes écoles que la France avait la meilleure Administration du monde et que tous nous enviaient notre excellent système de santé… aujourd’hui, on expose aux séniors qu’il faut se résoudre à un suicide assisté, si l’on ne veut pas périr dans d’atroces souffrances et une totale indignité personnelle.
Se libérer des usurpateurs.
Le travail de libération commence par s’affranchir de leurs dictats prétendument moraux. Jamais la droite ne s’est « décomplexée », il est temps qu’elle rejette les tabous imposés par l’élite d’Etat.
Les médias officiels, développent une idéologie exclusivement gauchière, aux frais du contribuable qui aurait droit à une diversité de points de vue, mais en est privé.
Il n’est pas surprenant que les médias du groupe Bolloré dérangent, et devant leur succès (C News devenue la première chaîne info) les Cinq Mille menacent de les réduire au silence. Amendes et menaces de retrait de fréquences… la liberté d’expression selon les bureaucrates consiste à ne diffuser que les faits et les idées qui ne les dérangent pas.
Cette classe méritante est difficile à combattre, car elle n’est pas organisée. Elle n’a pas de chef, pas de tête, pas de donneur de mots d’ordre, mais elle se comporte comme un seul homme, à l’image d’un banc de sardines.
L’ENA a été une machine à décérébrer. Ce sont des énarques qui l’ont dit… Fabius, Attali… qui n’en ont pas tiré toutes les conséquences. Il faut dire qu’ils étaient confortablement installés dans le système.
E. Macron s’est aussi attaqué au mal qui ronge la France ; Il a supprimé l’ENA et la plupart des Grands corps qui étaient des garanties de carrières. Mais, comme pour les entreprises publiques où l’on diffère les réformes avec des clauses de « grand-père », les incapables ont été laissés en place, jusqu’à la fin de leur carrière. Les Cinq Mille n’ont pratiquement pas réagi à ces mesures. Leur vengeance est peaucoup plus dans leur manière, c’est-à-dire sournoise, c’est la grève du zèle Ils ont cessé de soutenir le Président dont ils ne relayent plus la parole, qui de ce fait résonne dans le désert.
Du balais !
Timidement, le candidat Macron avait prétendu créer un monde nouveau en faisant appel en politique à des amateurs. Les Français n’ont rien vu venir que de l’amateurisme.
Ce sont, en fait, les technocrates en place qu’il fallait congédier. Libérer les énergies de la population et la libérer de la tyrannie administrative.
Pour cela, il ne faut plus parler de simplification des procédures, mais de suppression de pans entiers de l’Administration elle-même, dans tous les domaines où elle n’est pas indispensable. Pendant la pandémie, les Français ont été stupéfaits d’apprendre qu’il y avait trois fois plus d’administratifs en France qu’en Allemagne dans le système hospitalier.
Toutes les missions de l’Administration qui sous prétexte d’éviter les abus, conduisent à ligoter les Français, devraient être supprimées, en libérant les fonctionnaires pour des tâches régaliennes. L’immense majorité des fonctionnaires préférerait être utiles que de jouer le rôle kafkaïen de despote du tampon.
Bien qu’il ait trahi sa caste, E. Macron est aussi un usurpateur. Par sa formation qui le pousse à user du sociétal, qui ne coûte rien, pour se donner une posture d’équilibre.
Cependant, il est en échec. Son monde nouveau n’a jamais vu le jour. Ses tentatives de refondation ont fait pchitt, comme son ridicule CNR, qui voulait tourner la page du Conseil National de la Résistance. Il faut dire qu’il a eu recours à des experts, bien installés dans le fromage.
Après lui, le déluge
Emmanuel Macron est face au Rassemblement National comme un lapin dans les phares d’une automobile, il est tétanisé par la vue de ce qui arrive, il est incapable de regarder ailleurs. Le RN le fascine. Il ne voit que Marine Le Pen avec laquelle il veut débattre, lui conférant une légitimité inespérée. Ce qu’il prépare par son obsession qui n’est que le prolongement de sa stratégie de destruction successivement de la gauche et de la pulvérisation de la droite, c’est, il en est conscient, l’alternance en faveur de l’extrême droite. Néanmoins, il persiste.
On prête à Louis XV cette phrase terrible adressée à la Pompadour à moins que ce ne soit à la Du Barry : « Après nous, le déluge ».
Après Macron, la France et les Français seront toujours là, et dans un état pitoyable. Il leur faudra trouver une voie, en dehors des sentiers battus par les technocrates.
Cela sera sans doute le retour de la vraie politique avec des choix clairs. Liberté ou contrainte. Droite ou gauche. Solutions collectives ou individuelles. Dans la gestion des affaires publiques, il faudra renouveler la haute Administration pour la rajeunir et l’affranchir des carriéristes qui font de leur diplôme une assurance tout risques et à vie, alors que dans le monde d’aujourd’hui tous et toutes sont confrontés à l’incertitude du lendemain.
Excellente analyse!
Comment fait-on pour se débarrasser de cette clique?