La VIème République est pour 2022
- André Touboul
- 2 avr. 2021
- 3 min de lecture

La doctrine de l’élite d’Etat est simple : si ce n’est pas parfait et sans risque, on ne le fait pas. Cela couvre aussi la capacité de mise en œuvre : tant que l’on a pas les moyens de traiter tout le monde on ne traite personne. On en a vu l’application aux tests, aux masques, aux auto-tests, aux vaccins, aux lits de réanimation... si on n’est pas capable de faire parfaitement, on ne fait rien. Tel est le principe de précaution poussé à l’absurde en période de danger imminent, et qui fait de l’expression « incurie administrative » un pléonasme.
Les mauvais esprits pourraient penser que l’Administration française fait exprès de tout retarder, et que si de ce fait elle rate tout, c’est volontaire. Elle affirmerait ainsi son pouvoir incontournable. Cette thèse peut être qualifiée de complotiste. En vérité, cela nécessiterait la concertation de bien trop de personnes. Et se pose la question de sa finalité. Ces fonctionnaires voudraient se venger du Président Macron accusé de trahison de la gauche et plus précisément de vouloir réformer l’Etat à leur détriment. Cela ne paraitraît pas suffisant, si en même temps les intéressés n’avaient pas le sentiment de respecter les règles de leur profession.
En réalité, si l’Administration française a tout raté, c’est essentiellement par le jeu de ce que les comportementalistes appellent l’habitus, i;e. la déformation professionnelle. Les fonctionnaires sont tenus à l’observation de procédures. Ils ne savent pas se mouvoir, hors de celles-ci, et quand il n’existe pas de formulaire correspondant à une situation, ils ne font rien. Ce type d’organisation n’est pas un dysfonctionnement, mais mais la marque d’une Administration très sophistiquée et pétrie de traditions.
Il faut simplement se rendre à l’évidence, l’Administration n’est pas faite pour gouverner.
Le problème spécifique que la France a rencontré lors de la crise du coronavirus est que celle-ci a coïncidé avec l’arrivée au pouvoir d’une caste de technocrates issus de la fonction publique, qui avaient éliminé les partis traditionnels et leurs élus. Il n’y avait donc plus de politiques pour impulser l’action et donner des instructions nouvelles. Périodiquement, le seul politique élu de l’exécutif, c’est à dire le Président, a dû tapper du poing sur la table. Mais toujours après coup et quand le mal était fait.
Le pire des gouvernement est celui de la bureaucratie. Elle cumule les deux pouvoirs don’y la séparation est essentielle en démocratie : faire les lois et les appliquer. Confier le pouvoir politique à l’Administration est la garantie de l’échec généralisé. Ce constat, les Français le font chaque jour un peu plus douloureusement. Il est impossible qu’il n’ait aucune conséquence.
Par l’élection de 2017, la Vème République est entrée dans la dernière étape d’une évolution qui conduit à sa fin. La question est seulement de savoir comment et à qui la technocratie passera la main.
On a jusqu’ici évoqué la possibilité d’une victoire du populisme, mais il est aussi possible que les élections de 2022 soient l’occasion du constat d’une crise politique majeure conduisant à un changement de régime.
L’impasse qui serait constatée dans l’incompatibilité entre la Présidence et le Parlement serait telle qu’elle ne pourrait conduire à une cohabitation, en raison notamment du fait qu’aucune majorité ne serait dégagée par les législatives, même au prix d’alliances.
Cette perspective n’est pas inédite. Ce serait un simple retour à la IVème République dont les gouvernements tombaient aussi vite qu’ils s’étaient formés.
Les dispositions constitutionnelles sont très insuffisantes pour conjurer ce péril. En effet, un gouvernement sans majorité ne pourra avoir recours en permanence à l’article 49-3, déjà tant décrié quand il en est usé de manière exceptionnelle..
Étant douteux que les Français se satisfassent d’un tel retour vers le futur, il ne resterait que la solution de retourner aux urnes. La sagesse voudrait alors qu’il s’agisse d’une Assemblée constituante pour élaborer la Constitution d’une VIème République, rétablissant un équilibre réel entre l’exécutif et le législatif.
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