Laurent Berger, Vercingétorix réincarné ?
- André Touboul
- 25 avr. 2023
- 4 min de lecture

Attendez-vous à savoir, comme disait Geneviève Tabouis, que la nouvelle personnalité politique préférée des Français est… Laurent Berger. Ne soyez pas surpris. La mécanique médiatique est en route. Elle est inexorable. Ce syndicaliste n’est pas un politique ? Peu importe. Dans le désarroi qui saisit ceux que Raymond Barre appelait le « microcosme », un âne coiffé ferait l’affaire. Laurent Berger n’est au demeurant pas un baudet. Il peut se targuer d’une carrière de leader réformiste qui a hissé au premier rang la CFDT. Même si intrinsèquement le syndicalisme a plutôt reculé en France et que sa performance est due au recul de la CGT, il doit être crédité d’un point positif, celui d’avoir compris que les travailleurs français souhaitaient la réforme plutôt que de casser la baraque. Néanmoins le transformer en homme politique de premier plan alors qu’il tire sa révérence après une défaite à contre-emploi, cela est pour le moins paradoxal.
Il n’en a pas les moustaches en guidon de vélo, mais il y a du Vercingétorix chez Laurent Berger. Héros d’un peuple refusant une loi qui rendrait le travailleur français semblable au reste de ses voisins. Il est vaincu, mais sa postérité parait assurée, à en croire les commentaires.
On oublie que le grand Gaulois a fini étranglé après avoir été exhibé à Rome, enchainé dans une cage. Il aura en définitive contribué à la gloire de Jules César, et, dans une certaine mesure, à l’avénement de l’Empire romain. Le combat de Vercingétorix a coûté de nombreuses vies, inutilement, même l’emplacement de son exploit majeur, la défaite d’Alésia, s’est perdu.
Néanmoins, le chef gaulois reste à travers les temps une des figures les plus significatives de l’Histoire de France. Il n’est pas nécessaire d’être vainqueur pour entrer dans l’Histoire. L’image qui perdure est celle d’un fier Gaulois juché sur un cheval cabré jetant ses armes aux pieds de César, le dominant jusques dans la soumission.
Cet exploit, ce grand vaincu le doit aux historiens qui comme Michelet ont voulu célébrer au plus haut dans le temps ce qui pouvait caractériser la nation française. Nos ancêtres les Gaulois ? Cette affirmation fait partie du roman national fondateur d’un imaginaire. Elle est certainement largement fausse. En effet, il n’a jamais existé un seul peuple gaulois. Vercingétorix a réuni des tribus hostiles à Rome, ces groupes ne faisaient pas une nation. L’homogénéisation des habitants de la Gaule s’est en réalité opérée par la civilisation gallo-romaine. Là est l’embryon de la nation française. Cette culture était justement celle dont le vaincu d’Alésia ne voulait pas.
Laurent Berger se retire en pleine gloire, entonne le chœur des pleureuses de la Gauche orpheline d’un leader présentable. L’élan a quelque chose de touchant. On peut douter qu’il soit un signe de renaissance socialiste. En effet, ce n’est pas le défaut de personnalités qui a tué la Gauche, mais le manque d’idées et de solutions pour répondre aux défis du monde réel.
Dans un univers gazouillant de Bizounours, les recettes de gauche sont les bienvenues ; l’abondance est propice au partage des richesses. Hélas, le vrai monde est aujourd’hui celui de la compétition et même depuis quelques temps celui de la guerre. Dans de telles circonstances, les valeurs de la Droite d’effort sont indispensables, et l’on peut même dire vitales.
Laurent Berger pourra toujours aller à contre-courant en prêchant « le travail si je veux » , mais il ne sera jamais qu’un joueur de flutiau qui entraine les petits enfants à la rivière où ils se noieront en compagnie de la prêtresse du droit à la paresse, la vestale Sandrine Rousseau.
Qu’il le veuille ou non, ce qui est désormais attaché à l’opposition à la réforme honnie, ce sont les concerts de casseroles. Là aussi, la mémoire est courte. Ces manifestations, inventées par les Pieds Noirs en Algérie quand elle était française, n’ont eu aucun effet, ou, si elles en ont eu un, il fut négatif.
On peut cependant trouver une différence de taille entre Berger et Vercingétorix. Ce dernier était un guerrier et stratège redoutable, il menait ses hommes au combat, et il fut dans un premier temps vainqueur à Gergovie. Le leader de la CFDT n’a en l’occurrence rien fait de tel. Ses troupes, surtout présentes dans le privé, n’ont pas fait la moindre grève. Il s’est contenté de sucer la roue de la CGT qui déclarait vouloir bloquer la France et mettre le pays à genoux. Cette centrale n’a obtenu que des perturbations modestes dans les secteurs du public où elle est très implantée. En somme, il a fait de la Nupes, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. Il a perdu de vue que la soumission des réformistes aux extrémistes n’a jamais abouti à quoi que ce soit de raisonnable.
Quant à la rue, la vague populaire qui y était annoncée n’a pas eu lieu, reportée de semaine en semaine, elle est prévue pour le 1er Mai. Ironie ou cynisme, c’est justement le jour de la fête du travail. Les Français vont-ils ce jour-là défiler en criant qu’ils veulent se défiler devant le travail qu’ils fêtent. Cette manifestation sera ambiguë. En effet, il n’est pas acquis qu‘une majorité de Français considère le travail comme un fléau, n’en déplaise aux prophètes d’une société de loisir, beaucoup de nos compatriotes le prennent encore comme une chance pour chacun de justifier son utilité sociale.
Il faudra un certain temps aux médias pour comprendre que Laurent Berger est une baudruche qui n’a que l’apparence d’un chef pour la Gauche, mais n’en a pas l’étoffe. Ce malentendu est surtout dû à la comparaison du paisible Berger avec des excités de la France Insoumise, qui rêvent d’un Grand soir. Cependant, il ne suffit pas en politique d’être « moins quelque chose », il faut être quelqu’un porteur d’un message. Pour l’heure, la seule parole que l’on retient de Laurent Berger, c’est : non aux 64 ans. Ce programme de gouvernement est plutôt maigrichon.
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