Le cheval pâle
- André Touboul
- 21 juil. 2021
- 4 min de lecture

Le quatrième des cavaliers de l'Apocalypse, qui monte un cheval pâle, est souvent désigné comme la Mort. Mais selon l'étymologie grecque, au-delà des traductions et adaptations à travers les siècles, ce chevalier renverrait, non pas à la mort (chacun des trois premiers : la Conquête, la Guerre et la Famine ayant le potentiel de la provoquer d'une manière différente des autres), mais à la maladie. Comme les trois autres cavaliers, son champ d'action est de grande envergure, il touche toute l'Humanité. Ainsi le cavalier à la monture pâle est plus spécifiquement la pandémie. C'est lui qui chevauche sous nos yeux. Et nous ne voulons pas y croire.
Ce qui caractérise la période que nous traversons est la difficulté de prendre au sérieux la pandémie. Avec une innocence touchante nous refusons cette évidence. Les uns ont nié le danger, d'autres l'ont minimisé, d'autres encore tout en l'admettant ont marchandé leurs sacrifices pour le conjurer. Mais sans cesse le cheval pâle qui s'éloignait est revenu à la charge. La dernière manifestation d'incrédulité devant cette punition, non méritée, est pour beaucoup d'entre nous d'invoquer notre "libre arbitre". Se faire vacciner ou non, serait notre pouvoir sur le destin. Hélas, le cheval pâle n'obéit en rien à notre volonté individuelle. Notre seule chance de l'apprivoiser est collective.
Certains ont pu être choqués par l'article d'En Vrac qui se prononçait pour un badge "Je suis bidoses", en pensant qu'il s'agissait d'une agression quant à leur liberté individuelle de se faire vacciner ou pas. J'en suis désolé, car je n'aime pas heurter les convictions sincères. Néanmoins, je ne peux que récidiver, tout en déplorant la méthode couarde de nos gouvernants qui consiste à obliger les gens à se faire vacciner par le biais d'un "pass" qui n'est pas plus acceptable quand on l'écrit sans "e". Sans doute de l'écriture exclusive. Il faut ici saluer la position des élus socialistes qui militent pour la vaccination obligatoire pour tous, une occasion rare de leur rendre homage par les temps qui courent souvent plus vite qu'eux.
En fait, il s'agit ici non de liberté individuelle, mais de mesure de salut public. A supposer que le bénéfice d'une vaccination massive soit minime, et que le risque individuel ne soit pas négligeable, il semble que ce que fait pour chacun la collectivité nationale mérite cet effort, et peut-être ce sacrifice. Nous ne sommes pas à une époque où l'on meurt pour la Patrie, et le fait même d'énoncer cette perspective montre la disproportion entre ce que l'on nous demande et le dommage éventuel que nous encourons.
Il est vrai que la forme n'y est pas. Nos technocrates n'ont pas appris dans leurs hautes écoles à parler au citoyen. Ils ne connaissent que des administrés. Ce qu'il faudrait pour les guérir serait un vaccin contre la c* ! Celle du pouvoir, mais aussi celle, impérissable, de ceux qui par une sorte de jalousie victimaire, ou antisémitisme viscéral, ont voulu enrôler l'étoile jaune dans leur combat politique antivax, en le déshonorant.
A propos de la mascarade des formulaires de sortie dont la France a eu l'exclusivité pendant les confinements, qui a insupporté les Français, et leur a coûté moult amendes, Gilles Le Gendre député LREM déclare sans rire « Notre erreur est d'avoir sans doute créé une attestation trop intelligente ».
Décidément, l’élite d’Etat, au pouvoir en France, est la reine du baratin. Elle se félicite. Le sportif est humble, l’énarque arrogant et son petit frère le Science Po, qui l’imite en tout, se félicite ; l’athlète fait son modeste quand il a gagné, les seconds échouent et ils en sont fiers.
Bien que l’insolence de nos premiers de la classe ne nous y dispose pas, tentons d’être objectifs.
Qu’est-ce qui a ou n’a pas marché dans la crise sanitaire ?
Volonté : absente, ou hésitante,
Logistique : absente,
Retards : constants pour les masques, tests, vaccins… et même dans confinements et déconfinements,
Incongruités : permanentes, comme les librairies non essentielles.
On ne fera pas de comparaison avec d’autres pays, elles ont peu de sens, dans les situations d’urgence chacun fait avec ce qu’il a et réagit selon ses habitudes, hélas, les nôtres sont mauvaises.
Une particularité française est la disjonction entre la parole politique et la mise en œuvre bureaucratique. C’est une constante du quinquennat Macron, mais la pandémie l’a rendue criante.
Au crédit de Macron :
Les coups de gueule en Conseil des ministres contre l’inertie administrative,
Les décisions « culottées » de déconfiner contre l’avis des autorités de santé,
La décision d’étendre le pass pour pousser à la vaccination,
Le quoi qu’il en coûte, et qui coûtera,
A son débit :
Obstination à maintenir les Ministres menteurs comme Véran contre vents et marées, ce qui a entretenu la méfiance antivaccin,
Le suivisme des cousins germains dans la suspension de l’Astra Zeneca,
L’absence d’autonomie vis à vis de l’Europe dans la commande des vaccins dont rien n'interdisait d'user de la puissance de négociation, tout en se sécurisant par ailleurs,
La pseudo-prudence dans la mise en place des vaccinations obligatoires.
Ce décompte débit/crédit sera à ajouter au bilan d’Emmanuel Macron pour l’an prochain.
La stratégie de Macron est de se démarquer de l’Etat profond. Ses efforts sont louables, mais sera-t-il crédible ? Certainement pas s’il persiste dans le « en même temps ». Alors que sa personne, que l'on peut qualifier de clivante, a cristallisé un niveau incroyable de haine, son pari de s’appuyer sur le peuple ne peut réussir qu’à la condition d’être clair et net pour être crédible.
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