Le choc des mots, mieux que rien, mais rien de mieux
- André Touboul
- 16 oct. 2020
- 3 min de lecture

« Prendre son risque », telle est la phrase qui marquait le plus, ces temps derniers dans les propos d’Emmanuel Macron. S’il y a une catégorie socio-professionnelle pour laquelle elle ne signifie rien, c’est bien celle de la haute fonction publique.
Il n’est donc pas abusif de dire que le Président est un mouton noir dans la corporation de l'élite d'Etat. Et il est aussi clair que le monde selon Macron n’est pas celui de l’aristocratie d’Etat et tout aussi évident que leur télescopage ne peut que se traduire que par un affrontement semblable au fracas de la matière au contact de l’antimatière.
Les Grands commis, issus des Grands corps, n’auront de cesse que de mettre à bas celui qu’ils ne peuvent considérer que comme un traitre. Traître à leur cause, traître à leurs intérêts, traître à leur culture.
Ce que nous devons à la tyrannie des technocrates d’Etat ? Le chômage de masse, une redistribution record qui ne réduit pas la pauvreté, un multiculturalisme qui porte en lui le communautarisme et la faillite de l’idéal républicain, un taux d’imposition sans égal dans le monde civilisé, une bureaucratie incapable de bonne gestion, tout cela nous le leur devons. La liste des calamités dont ils sont responsables pourrait se prolonger, et chaque jour elle menace de s'allonger. Si les Français espèrent s'en affranchir, ils n’auront jamais meilleur allié que leur Président.
Dès le début du quinquennat Macron, les réformes promises ont été sabotées par l’Administration. Sournoisement, par une taxe carbone jointe à une limitation de vitesse, qui mit les gilets jaunes dans la rue. Délibérément, par l’introduction d’un âge pivot qui a torpillé la réforme des retraite. En sous-main, la centralisation bâtait son plein, et la noblesse d’Etat mettait la main sur le pactole de la formation professionnelle.
On dira avec raison qu’Emmanuel Macron a approuvé cette centralisation et aussi qu’il avait programmé l’imbécile suppression de la taxe d’habitation, manière de tenir les collectivités territoriales par l’argent. On peut supposer que dans la conquête du pouvoir, Macron devait donner des gages à l’élite d’Etat, le seul appui dont il disposait.
Mais très vite il déclarait « je n’ai pas de monnaie à rendre », formule singulière qui ne visait personne sinon ceux qui l’avaient hissé au pouvoir. On se souvient aussi que lors de l’affaire Benalla, il défia sans les nommer ses ennemis, ils étaient les petits marquis de la fonction publique qui l’accusaient d’autoritarisme.
Ce n’est pas à la légère que Macron aura annoncé sa volonté de supprimer l’ENA et le système des Grands Corps. Le fracas des mots sonnait comme une déclaration de guerre.
Comme pour la question sociale du séparatisme islamique, la pratique du pouvoir aura ouvert les yeux de Macron. Il est impossible, en outre, qu’Emmanuel Macron n’aie pas constaté, que dans la gestion de la crise sanitaire, les intendants ont accumulé les échecs.
Face au choix entre les intérêts de l’élite d’Etat et celui du peuple français, Emmanuel Macron a choisi la France, mais cela ne suffit pas.
Sous la cinquième République, le Président dispose en propre du pouvoir du verbe. Pour tout le reste, il dépend de l’Administration. Il est la tête, mais les fonctionnaires sont les bras et les jambes. Sans eux, il ne va nulle part et contre eux, il ne peut rien. Le choc des mots, certes, c'est mieux que rien, mais il n'a rien de mieux.
Par sa parole, cependant, Emmanuel Macron déconstruit l’univers protégé des aristocrates d’Etat, comme José Bové un vulgaire fast food, et, en même temps, il donne des gages aux intendants. Cela peut paraître confus, mais face à un adversaire plus fort que soi, la politique n'est souvent rien de plus que l'art de la godille.
*
Comments