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Le complotisme, un fait de société

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 17 janv. 2021
  • 3 min de lecture



Parmi les mots de l’année 2020, on retiendra « complotiste ». Il remplace désormais forcené, ou sociopathe. Qualifier quelqu’un ou une idée de complotiste dispense de l’entendre ou de l’examiner. Pourtant le complotisme vaut la peine qu’on le mette en examen, plus, d’ailleurs, par ce qu’il révèle de non-dit que par ses théories fumeuses. Car les thèses du complot dissimulent toujours des arrière pensées, des stratégies politiques ou des insatisfactions, au regard des faits réels, et de leur présentation.


Les théories du complot ont toujours existé. Elles flattent l’esprit romanesque. Elles aiguisent l’imaginaire. Mais le ressort de ce phénomène, qui a pris depuis le développement des réseaux sociaux une ampleur sans précédent, réside dans la suspicion qui affecte la parole publique, ses relais que sont les médias et ceux qui s’y produisent. Le problème est d’expliquer ce discrédit. Autrement dit comment est-on passé de “c’est vrai, puisque c’est dans le journal”, à “on nous ment, on nous cache tout”, donc la vérité est ailleurs.


Les gouvernants ne sont pas plus cachotiers de nos jours que jadis, ce n’est pas non plus une question de régime politique, la défiance a atteint aussi bien les capitalistes que les communistes, les libéraux que les dictatoriaux.

Ce qui a changé est la diffusion immédiate de l’information brute de décoffrage. Une information sans filtre inonde le Monde. Les faits sortent de leur boite comme des diables à ressort. Et aussitôt, chacun s’en fait une opinion. Il voit midi à sa porte. Viennent ensuite les interprétations officielles, et celles-ci sont soumises à un arsenal critique d’autant plus large que sur les réseaux sociaux, les influenceurs ont chacun leur avis.


Face à une théorie complotiste les médias officiels sont sur la défensive. Ils se bardent de conseillers en communication (les spin doctors) et plus ceux-ci sont avisés, moins ils paraissent sincères.

Reçues par le même canal d'un écran (smartphone, tablette, PC, ou télévision) toutes les informations parviennent dans le même état. Il n’y a aucune différence de provenance technique entre une nouvelle passée au crible d’une Presse scrupuleuse, et une fake news, vérité falsifiée qui dès lors qu’elle s’adresse à l’émotion touche bien plus facilement sa cible. Les médias qui tentent de coloniser le temps ce cerveau disponible, s'adressent surtout aux trippes. Ils copient les méthodes des flibustiers du web, et au lieu d'en être les arbitres, ils en paraissent les concurrents.

La réaction des professionnels de l’information est malheureusement de lutter contre le sensationnel par du sensationnel, de sorte que cette surenchère relègue la raison au placard des ustensiles encombrants.

La vérité n'est, autant que l’on puisse l’approcher, jamais simple et univoque, elle n’est pas non plus totalement relative, dépendant du point de vue qu’on s’en fait par rapport à l’idée qu’on en a. La vérité a un poids spécifique dans un certain contexte. Changez la narration et les faits changent de portée. Or la communication a supprimé la narration.

La démarche honnête est de toujours se situer par rapport à ses options fondamentales. Mais les faits sont les faits, si on en occulte une partie, cela devient une fable.


Ainsi le complotisme n’aura qu’à échanger une fable contre une autre.


Ce n’est qu’en résistant à la tentation de l’immédiat, et en se donnant le luxe du commentaire que l’on défend la vérité. Un proverbe arabe dit qu’il faut suivre le menteur jusqu’à la porte de sa maison. C’est ainsi que l’on répond aux complots supposés en les suivant jusqu’au bout de leur démonstration, et en les plaçant devant leurs contradictions. Mais ceci est un travail. On préfère le plus souvent crier haro sur le complotiste, et cela en fait un martyr.


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