Le fléau du Diable
- André Touboul
- 13 sept. 2021
- 4 min de lecture

En s’emparant de Kaboul leurs Kalachnikov brandies comme des étendards, les Talibans ont intégré le cercle des vainqueurs, ces héros disparus. Mais en même temps, et par le fait, ils ont quitté la cohorte des victimes. ils ont ainsi plongé dans l’embarras les plus intransigeants des tenants du néo-prolétariat des opprimés parce que musulmans. Ces nostalgiques de la lutte des classes pouvaient s'accommoder de terroristes, auxquels on trouvait toutes les excuses, et un petit parfum rétro qui rappelle l'anarchie. L'Etat Islamique ? Ce n'était pour eux qu'une conséquence de l'absurde guerre d'Irak menée par l'impérialisme américain. Mais les Talibans qui ont bouté l'armée américaine et ses alliés hors de chez eux, il est bien difficile de les victimiser.
Certes l’armée des Talibans affiche un débraillé anticapitaliste du meilleur aloi, pour nos néomarxistes, mais, enrichie par le commerce de la drogue, elle n'a de pauvre que l'apparence. Elle ne trouve pas sa satisfaction dans l’ostentation de ses richesses comme les Qatari qui la financent. Ces "étudiants" ne sont pas plus motivés par l'étude, leur vraie jouissance est dans le pouvoir qu’ils exercent sur la population. Les femmes et les fillettes, qui doivent obéir à leur caprices de mâles sous peine de châtiments corporels et parfois de mort, et tous ceux qui auraient le front de penser par eux-mêmes doivent leur être soumis. Car leur Islam n’est pas celui des lumières soufies, c'est le dogme de la crainte et de l’obéissance aveugle à leur volonté. On scrute le moindre signe de modération chez les Talibans. En vain. Il n'y a rien d'autre à attendre chez les exploitants de la foi qu'une surenchère de violence et d'atrocité. L'attentat perpétrés par Al-Qaïda, revendiqués aussi par l'Etat islamique, sur l'aéroport de Kaboul, montre, non pas que les Talibans seraient devenus des mous de la religion, mais qu'au jeu du fondamentalisme, c'est toujours le plus extrémiste qui fait foi.
mais en vérité, le fanatisme religieux est une école de sadisme, et non de foi. Alors que les mystiques recherchent Dieu par introspection, ceux qui se prétendent d'intransigeants défenseurs de la parole divine, n'ont pour but que de briser d'autres humains. La jouissance par le mal est une pathologie de narcissique pervers ; c'est ce que sont les enturbannés qui utilisent la sauvagerie à des fins politiques, mais aussi pour leur plaisir.
Le grand inquisiteur Thomas de Torquemada jouissait de son pouvoir, en contemplant les flammes des bûchers, où brûlaient des livres et des humains. L’amour chrétien du prochain n'avait aucune place en son cœur. Le personnage effrayait même le Pape Sixte IV qui pourtant était un homme brutal. Les arguments que Victor Hugo place dans la bouche de Torquemada dans le drame éponyme et ceux de Dostoïevski dans la parabole qui débute Les Frères Karamazov où le Christ revenu à Séville dialogue avec le Grand inquisiteur, pourraient être pris à leur compte par les Mollahs afghans. Les pires des tyrans sont ceux qui promettent le bien à travers le mal, car ils ne font pas qu'assouvir leurs pulsions malsaines, ils interdisent aux victimes de se plaindre.
Désormais les Afghans vont vivre dans la crainte, non pas d’Allah, mais des Talibans qui par eux-mêmes ou poussés par Al-Qaïda les tortureront, sans nécessité, mais souvent pour l'exemple et toujours avec plaisir.
Pour autant, il est hors de question d’aller faire la guerre aux obscurantistes, on ne délivre pas les peuples malgré eux, surtout s'il s'agit de leurs propres démons. Mais au moins ne soyons pas dupes. Il n’y a pas de civilisation chez les Mollahs, seulement une pathologie qui relève des instincts les plus bas.
Le Moyen Âge européen a lui aussi connu ces sectes de délirants sadiques, la plus marquante fut celle de Girolamo Savonarole qui établit la République théocratique de Florence, en 1494, à la fin de la vie de Torquemada.
En 1497, Savonarole et ses disciples élèvent le bûcher des Vanités. De jeunes garçons sont envoyés de porte en porte pour collecter tous les objets liés à la corruption spirituelle : les miroirs et cosmétiques, les images licencieuses, les livres non religieux, les jeux, les robes les plus splendides, les nus peints sur les couvercles des cassoni, les livres de poètes jugés immoraux, comme Boccace et Pétrarque. Ces objets sont brûlés sur un vaste bûcher de la piazza della Signoria. Des chefs-d’œuvre exceptionnels de l’art florentin de la Renaissance ont ainsi disparu dans le bûcher, y compris des peintures de Sandro Botticelli, que l’artiste apporta lui-même.
Ainsi les Talibans avaient lors de leur premier passage au pouvoir détruit les Bouddhas géants de Bamiyan en 2001.
Le Nazisme fut un égarement de ce type, il a brûlé de livres et immolé des millions d’humains, reproduisant à l’échelle industrielle les atrocités de l’Inquisition.
Comme toujours, les jocrisses trouveront mille raisons pour trouver les Talibans, pas si terribles, pas si méchants, pas si fous, et somme toute fréquentables.
Le punition, la leur et la nôtre, hélas, est inéluctable. Toute lâcheté se paie, le prix le plus douloureux est de trahir son honneur en refusant d’assumer la réalité.
Oui, les Talibans sont un fléau, non de Dieu comme aurait dit Saint Augustin, mais du Diable.
On peut plaindre les Afghans de leur sort, mais il ne faut pas perdre de vue qu’ils en sont les premiers responsables. Si les Talibans ont une emprise sur le pays et que celle-ci a résisté à vingt ans de guerre, c’est bien qu’ils bénéficient d'un ancrage profond dans la société afghane. On peut regretter que tant de soldats soient morts pour Kaboul, alors que Kaboul, au fond, n’en avait que faire. La démocratie intéresse les Afghans autant qu’une paire de bretelles sont le rêve d’un lapin. Ils n’étaient pas disposés à faire le moindre effort pour en jouir. Le refus de l’armée afghane de combattre seule les Talibans, ne serait-ce qu’un seul jour, alors qu’il s’agit d’un peuple de guerriers, illustre bien ce désintérêt.
Personne, là-bas, ne regrette le départ des Américains, pas même une seule femme, rapporte une journaliste revenue de Kaboul, et ajoute que l’amertume vient de la « désinvolture » des Etats-Unis dans l’exécution de leur retrait. Cela n’empêchera pas de nombreux Afghans de s’évader de l’enfer, même si, dans leur majorité, ils en ont voulu les supplices.
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