Le kaléidoscope des « anti » qui font la loi
- André Touboul
- 17 févr. 2021
- 4 min de lecture

Les activismes de tous poils ont un pouvoir urticant, d’autant plus puissant qu'ils sont de nos jours nombreux et que le socle de la concorde nationale, que l’on peut aussi appeler l’identité française, est vacillant.
L'inventaire des « anti » parait interminable. Les anti-racistes, devenus racialistes, ravivent en les inversant les préjugés fondés sur la couleur de peau, alors qu’on les croyait dépassés. Le décolonialisme cultive la nostalgie d’un passé révolu pour le seul plaisir de réclamer de la repentance. L’islamisme fanatique vomit la vieille Europe où, néanmoins, il rêve de s’établir, car il y fait bon vivre. Le féminisme revanchard agite ses grands ciseaux castrateurs, en démolissant les têtes de gondole du patriarcat, piétinant au passage ce qui reste de la cellule familiale laquelle, déconsidérée, ne rempli plus aucun rôle éducatif. Mais ce n'est pas tout.
Comme resurgis d'un autre âge, les anticapitalistes attendent fébrilement le grand soir où la propriété privée sera enfin abolie. Les climato-maniaques, adeptes de la décroissance de l’économie comme du thermomètre, sont, quant à eux, prompts à instruire le procès des despotes machistes qui auraient, à les en croire, par leur course effrénée à la puissance, mené la planète à sa perte. Se joignent à la cohorte des anti-tout, les anti-spécistes qui voulant rehausser l’animal ne font que rabaisser l’homme. Et fermant provisoirement la marche les antivax font une apparition remarquée.
A la regarder de près, la société française est une sorte de kaléidoscope négativiste. Ces mouvements pour désordonnés qu’ils paraissent ont un point commun. Il sont contre. Et par une sorte de convergence des luttes, pour la majorité d’entre eux, c’est le mâle blanc occidental qui est pris en grippe.
Tous ces protestataires, le plus souvent d’importation, sont à l’œuvre dans la France d’aujourd’hui. Moins romantiques qu’on le croit, et, en tout cas, que ne le furent les anarchistes de jadis, ils ne s’attaquent pas à une citadelle imprenable, bastion de l’oppression conformiste.Tous ces « anti », qui sont chacun les détenteurs du politiquement correct, s’acharnent à coups redoublés dans le ventre mou qu’est devenue la démocratie. Ils ont affaire à une société blessée, incapable de se défendre, et chacun de ces charognards tente d’en arracher un lambeau.
Ainsi, ils s’appuient pour les détourner sur les traditions de liberté héritées des Lumières. Ils invoquent avec cynisme les principes humanistes contre ceux qui les ont forgés. A les entendre, on devrait déboulonner, débaptiser, dé-commémorer à tour de bras. Rien ni personne, dans l’histoire qui a fait la France, ne trouve grâce à leurs yeux.Il faudrait pour les contenter raser les murs, se couvrir la tête de cendres, implorer mille pardons.
Le pire de cette époque délétère est que jusque dans les rangs de ceux qui ne partagent pas leurs lubies, on trouve des « idiots utiles », qui très sérieusement déclarent que ce sont nos principes qui nous interdisent d’agir contre les démolisseurs de la République.
La première défaite du bon sens consiste à s’interdire de nommer l'ennemi. La seconde est d’invoquer la liberté pour ne rien faire, et la troisième de se tromper de combat.
On le constate dans l'affaire du séparatisme transformé en machine de guerre anti-religions, alors qu'aucun culte ne pose de problème en soi, et que le détournement d'un seul, l'islam, est en cause. Il aurait été simple et efficace de dire quels actes, quelles paroles, quels comportements de l'Islam radical étaient considérés comme hostiles à la République. On a prétendu que cela ne pouvait se faire, et préféré s'abriter derrière une laïcité hors de propos. Non seulement la loi Darmanin manque sa cible, édulcorée comme tant de projets Macron vidés de leur substance, mais encore elle révulse l'ensemble des religieux, tout en transformant la laïcité en une machine de guerre au service d’un athéisme qui ne le demandait pas.
Il faut dire que les résistances sont vivaces, tant prendre la défense des excès en tous genres est une mode intellectuelle qui confond la transgression avec le progrès. Si l’intelligence collective se fourvoie de la sorte, c’est parce qu’elle manque de moyens de navigation. Quand l’idéologie dominante se résume à un slogan. Quand le débat se nourrit d’images choc. La pensée devient simpliste et par là même se gauchit.
Le Président Macron, lui-même, qui pourtant est ouvert à une réflexion hors des lieux communs, mais cédant à une idéologie qui se limite le plus souvent à 180 signes tant elle est bornée, se laisse parfois aller à des clichés malheureux. Ainsi, quand s’adressant à un public de jeunes, il s’est pris à regretter les « contrôles au faciès », A des idées courtes, correspond une diffusion large et immédiate.
Ce n’est pas toujours un avantage, car la parole présidentielle est toujours lourde de conséquences. Elle en appelle d’autres souvent plus hasardeuses. En l’espèce, il n’en fallait pas plus pour susciter une secte nouvelle, celle des anti-faciès.
L’hédonisme, faut-il le rappeler, est une doctrine philosophique attribuée à Aristippe de Cyrène selon laquelle la recherche de plaisirs et l'évitement des souffrances constituent le but de l'existence humaine. C’est donc sans surprise que pour éviter les désagréments des contrôles au faciès, Mme Claire Hédon, défenseuse (sic) des droits, succédant à l’indispensable Toubon, vient de proposer de créer des zones de non-contrôle, pour ne pas dire de non-droit. En temps de covid, et de couvre feu sanitaire, l’idée est brillante. Elle pourrait être utilement complété par l’exigence que les contrôles d’identité aient lieu exclusivement dans les EHPAD, qui sont des nids de fieffés Djihadistes et de maudits Black-blocks.
Étourdie par ce maelström des incongruités, la majorité silencieuse ne dit rien, et le peuple de France, pacifique jusqu’à la passivité, endure. Macron, dit-on, en surveille la température comme le lait sur le feu. Il s'est ému de l'audace de Mme Hédon. Il est bien avisé de mettre de l’ordre dans sa maison, car il n’y a pas que la covid qui donne de la mauvaise fièvre.
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Réflexion du jour : En France, on a adopté le terme de résilience pour parler de la façon dont on surmonte une crise par retour à la normale. Aux Etats-Unis, on emploie le terme de recovery, c'est pour désigner comment transformer une mauvaise passe en coup gagnant.
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