Le marteau sans tête
- André Touboul
- 10 févr. 2024
- 3 min de lecture

Les relaxes pleuvent sur la Macronie. Dupond-Moretti, Dussopt, Bayrou, la preuve est faite qu’en sept ans de pouvoir Emmanuel Macron a eu le temps de baliser le parcours des juges pour les rendre « raisonnables », c’est-à-dire moins saisis par l’hubris, sorte d’ivresse du pouvoir, qui les poussaient à condamner à tour de bras les politiques qui passaient à portée de leurs griffes.
La doctrine était que les élus et autres puissants devant être exemplaires, la Justice devait être d’une sévérité sans égale. Sous Macron, elle se souvient que l’une de ses obligations est d’être sans préjugé et que c’est pour cette raison qu’elle est représentée un bandeau sur les yeux. Désormais, elle devra manier son glaive avec précaution et résister à la présomption de culpabilité qu’elle leur appliquait. Il est significatif que tant pour le Garde des sceaux, que pour le Ministre Dussopt, ou François Bayrou les relaxes aient été fondées sur l’absence de preuves.
C’est une bonne nouvelle pour Alexis Koehler son second-cerveau, empêtré dans une affaire de prise illégale d’intérêt, et pour Nicolas Sarkozy, son ami et agent dynamiteur de la droite, outrageusement condamné par deux fois en première instance à de la prison ferme.
Sur le carreau, l’Etat de droit ! Diront les moralistes exigeants. D’autres se satisferont de la fin du Gouvernement des juges.
Mais les uns et les autres sont dans l’erreur. L’Etat de droit n’est pas le transfert de la souveraineté du peuple aux magistrats. Il consiste à s’attacher au respect de la hiérarchie des normes, et interdit d’instrumentaliser les juges pour trier les candidats aux fonctions de représentants du peuple. Les Juges doivent être indépendants du pouvoir politique, mais ne doivent jamais s’ériger en créateurs de droit.
Si les juges gouvernaient on devrait constater qu’il s’agit d’un marteau sans tête. En effet, les juges rendent des décisions individuelles, le Gouvernement réglemente, ce qui est interdit aux magistrats. La jurisprudence n’a de place que dans le vide laissé par la loi. Les limites imposées au Législateur et l’Exécutif sont celles qu’ils se donnent par la gradation des règles selon leur degré d’exigence, avec, au sommet, la Constitution, et au bas de l’échelle l’arrêté préfectoral.
Les relations entre Justice et démocratie sont le lieu de tensions dans la plupart des pays, et pas seulement ceux qualifiés de régimes illibéraux. Aux Etats-Unis, les procès sont au cœur des débats électoraux. En France, le PNF a pollué les élections de 2017. Même au Royaume Uni, Boris Johnson a été mis à terre par les échos d’une procédure relative à ses parties durant la covid.
On passera sur l’utilisation des juges par le pouvoir en Russie pour faire place nette devant Vladimir Poutine. La Fédération de Russie n’est pas une démocratie ou seulement en apparence, mais partout, jusqu’en Birmanie où la junte militaire emprisonne Aung San Suu Kyi, force est de constater,que l’on compte sur la Justice pour écarter les uns ou les autres.
Les représentants du peuple ne sont pas au dessus des lois, répètent les perroquets croyant en faire une vérité. En fait, depuis l’Antiquité, les élus sont protégés. Ils bénéficiaient de privilèges à Athènes, les Tribuns à Rome avaient une immunité dite tribunicienne. Au cours des temps, les gouvernants sont descendus de leur piédestal, progressivement, par degrés, pour de plus en plus se trouver au niveau du citoyen lambda, puis sur le plan judiciaire inférieur à lui.
Le véritable problème, chez nous, n’est pas dans les prétoires, mais au niveau des médias. Le principe de la présomption d’innocence toujours en vigueur dans l’institution judiciaire, n’a pas cours dans les médias où les tribunaux s’improvisent se proclamant procureurs, juges et bourreaux, dès la mise en examen ou même la simple ouverture d’une enquête.
En ce sens, la position d’Emmanuel Macron qu’il réaffirme lors de l’affaire Depardieu, est de rappeler aux médias qu’ils ont, certes, une mission d’information, mais qu’il ne leur appartient pas d’appliquer la loi de Lynch.
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