top of page

Le Monde d’après sera celui du sapeur Camembert

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 11 mars 2022
  • 3 min de lecture




La guerre est là. Une preuve ? Aux experts de santé, médecins, épidémiologistes, virologues qui se sont pressés sur les plateaux de télévision pendant la pandémie ont succédé les généraux et autres experts militaires ou sachants en géopolitique.


De la même manière qu’avec la crise de la covid on dénombrait les cas et les décès, au début peu nombreux, on compte les morts en direct quotidiennement. Espérons que l’on n’aura pas à se confiner bientôt et que l’on échappera aux autorisations de sortie, non pas pour éviter les bombes, pas encore, mais afin d’économiser le carburant. Nous sommes prêts ; les attestations sont dans les tiroirs. Le prix du fuel a presque doublé en quelques jours. Le « quoiqu’il en coûte » est encore dans la besace du chef de l’Etat, il ne l’avait jamais quittée.


Le virus de la covid n’a pas disparu, il semble même qu’il se réactive ces derniers jours, avec son sens de l’à-propos coutumier, puisque le port du masque va cesser d’être obligatoire. Mais nul n'en a cure, à l’omicron a succédé le Poutine. On assiste avec ahurissement à de doctes colloques qui envisagent tout bonnement d’éradiquer le Président russe comme s’il s’agissait d’un nuisible. Comment peut-on pérorer sur l’assassinat d’un dirigeant qui, quelque toxique et criminel qu’il soit, reste un être humain ? Les médias ont perdu toute décence. Notre civilisation est très malade si nous perdons le respect de la vie humaine. Nous sommes entrés dans le Monde d’après.

Il ne s’agit pas de celui promis par Emmanuel Macron en 2017 qui devait voir naître une autre façon de faire de la politique, une autre France, start-up nation dans une mondialisation harmonieuse. Ce Monde chimérique n’est jamais advenu. Ce n’est pas plus le retour des « jours heureux » évoqués par le Président français au cœur de la pandémie. Le Monde d’après de la guerre en Ukraine, qui ne durera pas autant que la pandémie, quelle qu’en soit l’issue, est d’une autre nature.


A la suite de Georges Pompidou, on attribue au sapeur Camembert (à tort, puisqu’il est extrait de La Famille Fenouillard, de François Ponsard) l’aphorisme (plus profond qu’il n’y paraît) qui dit que « quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites ». Telle sera la marque du Monde que l’on dit d’après.


Vladimir Poutine a dépassé les bornes, et des limites ont été franchies qui sont irréversibles.

Le recours cynique à la force par le Président russe a aboli la fiction du droit international. Les rapports entre les pays sont désormais posés en termes de puissance. L’ONU est frappé de mutisme et d’obsolescence. La question est de savoir comment, et si l’on pourra revenir à un état de droit international.


Les sanctions économiques qui actent un divorce entre l’Occident et la Russie paraissent irréversibles. On ne pense pas sérieusement que les oligarques russes commettront à nouveau l’erreur de placer leurs avoirs à l’Ouest. Ni que les pays de l’Union Européenne réitéreront celle de reprendre, quand ils les auront coupés, leurs achats de gaz et de pétrole russe. Le divorce est consommé.

Une autre conséquence de la séparation de corps avec la Russie sera la difficulté, sinon l’impossibilité d’enforcer la non prolifération des armes nucléaires. Chaque pays voudra avoir son arsenal, seule garantie sérieuse de sa sécurité, et il n’y aura plus d’action commune possible pour les en dissuader.


La lutte contre le réchauffement climatique, qui suppose une action internationale concertée, se trouvera en panne pour longtemps. Mais aussi paradoxal que cela paraisse, cela ne sera pas trop dramatique, car la diminution de l’activité mondiale va certainement réduire sérieusement les émissions de gaz à effet de serre.


Dans un Monde idéal, l’humanité reprenant soudain conscience qu’elle court à sa perte en ordre dispersé, mais invariablement, devrait se ressaisir et faire d’un mal un bien pour démentir le sapeur Camembert et prouver que même quand les bornes sont franchies, il y a encore des limites.


*

 
 
 

Comments


bottom of page