Le paradoxe Finkielkraut
- André Touboul
- 17 janv. 2021
- 3 min de lecture

On ne peut pas être d’accord avec Finkielkraut sur ses réflexions à propos de l’affaire Duhamel. Mais son exclusion immédiate de l’antenne par CLI est une réaction stupide. La chaîne pratique la politique à la mode de la « cancellation », par laquelle on supprime tous ceux qui ne pensent pas comme soi. Le philosophe, comme souvent ceux qui exercent sa profession, a traversé en dehors des clous. Mais il n’a tout de même pas appelé à marcher sur le Capitole et ne méritait pas le traitement d’excommunication appliqué à Donald Trump.
Il fallait lui opposer une réponse argumentée. De ce droit de réponse, les auditeurs d’LCI ont été privés.
Le comportement d’Olivier Duhamel donne la nausée, et si le principe du lynchage médiatique est en soi incommodant, c’est en l’espèce une forme de justice qui s’exerce. Certes, le tribunal de l'opinion a condamné sans jugement ni défense, mais c’est ce que l’individu concerné a choisi. Il s’est jugé lui-même. Sa peine, c’est lui qui l’a prononcée, c’est celle de la honte. Pour un adorateur de sa propre image, la peine est capitale.
Quand au « consentement », dont l’éventualité a été évoquée par le philosophe dont la parole trébuche, mais souvent porte droit, il n’a pas été allégué par l’auteur des faits, et l’eût-il été, cela aurait été irrecevable, car un comportement déviant par personne détenant l’autorité et ayant un devoir éducatif est par nature coupable. Juridiquement, et moralement.
La question de l’âge à partir duquel la protection générale de la loi doit s’appliquer, mérite certes d’être posée. Les tribunaux pour mineurs sont peuplés de « jeunes » délinquants qui ont parfois des physiques impressionnants et des comportements d’une violence extrême. L‘excuse de minorité, actuellement fixée à 18 ans, est un problème à résoudre dans une société de plus en plus permissive, et où la tutelle parentale est de plus en plus légère pour ne pas dire démissionnaire. Mais dans l’affaire Duhamel, il n’est pas question de cela. C’est tout simplement un adulte qui a manqué à son devoir. de protection d’un enfant sous sa garde.
Le paradoxe de Finkielkraut est celui des dérives de la pensée théorique. Poser des questions comme celle de l’âge du consentement en matière sexuelle peut paraître hors des clous, mais le rôle de la philosophie est bien de poser des questions qui dérangent. Si l’on ne veut pas être perturbé, il faut laisser les philosophes philosopher entre eux, et ne pas les exhiber comme le font les médias tels des ours savants.
On ne compte plus les philosophes qui ont micro sur rue, à une époque où justement on pense de moins en moins droit et profond. Les médias croient, comme le Bourgeois gentilhomme, acheter leurs lettres de culture, ils ne font qu’embrouiller les cartes, quand, saisis de vertige, ils prétendent contrôler la pensée de ceux font profession de la frictionner.
Vouloir philosopher, cher Alain Finkielkraut, n’est cependant pas une raison pour suivre Socrate dans ses pratiques d’enseignement « sous la couverture » comme l’écrivit Lucien, auteur syrien du deuxième siècle, dans « Les sectes (de philosophes) à l’encan », opuscule à lire absolument, si l’on veut comprendre un tant soit peu la philosophie de la Grèse antique, et les égarements de ceux qui l'ont trop fréquentée.
Voilà ce qu’il aurait fallu répondre à Finkielkraut, il aurait sans doute convenu de son erreur. Mais LCI a manqué l’occasion de faire entendre, en réplique à Finkielkraut, la voix de la raison du charbonnier qui ne va pas chercher midi à quatorze heures
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