Le sable du Sahara et le principe de précaution
- André Touboul
- 27 sept. 2020
- 3 min de lecture

« Donnez le Sahara à gérer à un haut fonctionnaire et l’on viendra bientôt à manquer de sable ».
Le mot est sévère, mais juste. On ne peut nier que si la pénurie de masque en mars 2020 est un fait, celui-ci est la conséquence de décisions de gestion antérieures.
Dans les écoles de formation de la fonction publique, on apprend à gérer la pénurie, pas à créer des richesses. C’est dans les situations de disette que les administrateurs se sentent à leur aise, et démontrent leur talent. Et très naturellement ils ont tendance à ne pas les éviter, et au contraire à les rechercher, plus ou moins consciemment. ils créent des normes comme les pommiers des pommes.
Ce phénomène naturel est accentué en France par le fait que, dans la pratique de la fonction publique, l'on n’est jamais responsable. Il suffit d’exécuter les instructions à la lettre sans regarder plus loin. Si l’on demande pourquoi, malgré les alertes successives de risque d’épidémie de coronavirus, les stocks de masques ont été supprimés, la réponse est simple : faire des économies. Les stocks doivent être entretenus, donc les oublier est une saine mesure de gestion. Les objectifs comptables sont satisfaits, l’on a bien géré.
Quand le politique demande que l’on fasse des tests, le maximum de tests. On pousse en ce sens et tant pis si cela ne sert à rien, dès lors que les résultats ne sont fournis que 5 à 8 jours plus tard, trop tard pour être utiles.
Dans ces deux exemples, les fonctionnaires en charge n’ont pas été sanctionnés, ni mentionnés au public. alors que le moindre dérapage verbal d’un élu donne lieu à d’interminables controverses. Cela traduit une différence de traitement majeure entre fonctionnaires et élus, les premiers jamais responsables, les seconds toujours suspects, sinon coupables.
A l’inverse de ce qui existe pour les technocrates, le risque de se voir traduit en justice pèse lourdement sur les élus et ministres.
Le principe de précaution rendu opposable par la malencontreuse initiative de Jacques Chirac qui en a fait une règle de valeur constitutionnelle, est pour les politiques un boulet. La perspective de se trouver devant un tribunal pénal n’est pas pour eux théorique. Cet élément, non seulement vicie leurs décisions, la peur étant la plus mauvaise conseillère, mais encore, il les place, pieds et poings liés, entre les mains « d’experts » qui dictent une loi d’autant plus absurde qu’ils n’auront, eux-mêmes, jamais à en répondre.
Avec une hypocrisie sans égale, ces braves gens vont répétant que c’est le politique qui décide, et non eux. On sait, néanmoins que, dans les procès dont sont menacés les gouvernants, les avis des mêmes experts pèseront très lourd.
Il ne faut donc pas être surpris que le discours des autorités publiques ressemble plus à la préparation d’une plaidoirie où l’on pense à écarter les critiques, qu’à un plan raisonnablement établi. Dans ce concours de parapluies, le sentiment qui domine est une effroyable cacophonie, chacun y allant de sa petite justification.
La conjonction d’une administration irresponsable et de responsables politiques pleutres est la martingale perdante qui conduit la France au désastre. Si les Français s’en tirent, cela sera par leur capacité à ne pas obéir aux fonctionnaires et ne pas croire dans les politiques.
Ce que semble attendre la population de France, c’est que l’on arrête de multiplier les interdictions saugrenues qui lui pourrissent la vie, et que l’on place les personnes vulnérables et leur entourage devant leurs responsabilités. Il n’est pas absurde de leur demander de se montrer prudents, et même de spontanément de s’interdire certains contacts. Les séniors sont sans doute prêts à s’imposer spontanément des contraintes particulières dans l’intérêt des jeunes générations. Car in fine ce sera eux qui payeront l'addition des dettes.
Il faut sans doute profiter de cette période, qui ne durera peut-être pas, pour laisser un virus affaibli se propager dans une population asymptomatique. Il n’est pas exclu que certains puissent contracter deux fois la maladie, mais, les cas avérés sont extrêmement rares. Il est en tout cas plus crédible de faire fond sur une immunité collective que sur les perspectives hypothétiques de vaccin.
En tout cas, il faut cesser d’agiter le spectre de l’embolie hospitalière, qui peut justifier que l’on investisse d’urgence dans les structures de soin, mais certainement pas que l’on conduise le pays à la ruine.
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